«Un peuple qui cède une portion de sa liberté pour sa sécurité, ne trouvera ni l’une, ni l’autre. Il perdra les deux. On n’abandonne pas une partie de la liberté pour la sécurité : la sécurité est partie intégrante de la liberté.» Benjamin Francklin).
Si le banditisme et la criminalité ne sont pas des phénomènes nouveaux au Mali, il importe de dire qu’ils sont aujourd’hui récurrents dans nos villes et campagnes dans tous les coins et recoins de nos régions sur la presque totalité des axes routiers reliant nos grandes villes entre elles, et entre celles-ci et nos campagnes.
Pour la petite histoire, selon bien de voyageurs contactés, lorsqu’on se déplace à moto, une fois les chefs lieux de région dépassés, le risque devient total de se voir retirer son engin par des braqueurs, des coupeurs de route sévissant par petits groupes. On ne peut que lâcher un ouf de soulagement que lorsqu’on n’y perd pas la vie !
À Bamako, si le brigandage et les braquages avaient lieu la nuit dans les banlieues et sur les axes non éclairés reliant les communes, les quartiers, le constat est de plus en plus accablant : aujourd’hui, à n’importe quelle heure de jour comme de nuit, les gens se font canarder dans les coins et recoins des communes de la capitale malienne. L’on garde toujours en mémoire l’attaque d’une pharmacie sise à Kalaban-Coura, il y a de cela des mois par des bandits armés. Comme pour rendre complète leur forfaiture, ceux-ci ont non seulement emporté toute la recette de la caisse, mais ont aussi tiré à bout portant sur le pharmacien de garde.
Juste pour prouver à la face de tous les Maliens que ceux sont eux les vrais maîtres de nos communes et qu’ils peuvent opérer dans les quartiers de leur choix abritant leurs cibles sans s’inquiéter outre mesure. Le braquage et le pillage d’une banque au 1008 Logements (ATT bougou), mardi le 1er décembre courant, aux environs de onze heures, rallonge inexorablement la liste déjà longue des exemples de banditismes et de criminalités récurrents dans la ville de Bamako et cela depuis les événements tragiques de 2000 en Côte d’Ivoire. Cette rébellion qui a secoué le pays jadis tranquille du président Félix Houphouët Boigny avait jeté Maliens et Burkinabé sur les chemins de l’exil quand bien même ils avaient tout réalisé dans ce pays.
Cette guerre a marqué de façon indélébile toutes les consciences de la sous-région ouest- africaine. Le corollaire de cette guerre fratricide et insensée dans ce pays frère du Mali c’était la ruée tout azimut de grands bandits de grands chemins qui opéraient de jour comme de nuit partout en Côte d’Ivoire, notamment dans sa capitale Abidjan. Ces transfuges ont progressivement transformé notre pays en champ de reconquête du «bonheur» financier et matériel dont ils se procuraient là-bas.
Les retombées de cette calamité sur notre peuple furent préjudiciables à la quiétude séculaire que connaît notre pays. Certains diront que les criminalités transfrontalières que nous connaissons aujourd’hui au Mali sont aussi la conséquence du développement et de l’agrandissement de notre aire géographique bamakoise. Dans le même temps, l’électrification de la ville fait défaut. Toutes choses faisant de notre pays le nid des criminels de tous ordres et de toutes natures.
Mais pouvait-il en être autrement ?
Benjamin Francklin disait avec juste raison: «Un peuple qui cède une portion de sa liberté pour sa servitude, ne trouvera ni l’une, ni l’autre. Il perdra les deux. On n’abandonne pas une partie de la liberté pour la sécurité: la sécurité est partie intégrante de la liberté.»
Au nom de la lutte contre les djihadistes dans le septentrion de notre pays, Dioncounda Traoré a demandé, hélas !, à François Hollande de venir à la rescousse du Mali. La presse étrangère à l’époque s’est livrée à cœur joie à la propagande légitimant l’intervention française dans notre pays. Assurément, c’était en 2012 l’occasion rêvée pour la France coloniale de s’installer durablement dans notre pays. Mais, nul besoin de dire que les autorités françaises cherchent depuis à cacher le soleil avec leurs mains: elles ont voulu faire croire aux Maliens qu’elle vient au Mali pour payer une dette, celle de la participation aux côtés des troupes françaises de nos tirailleurs pour sauver la France de l’occupation et de la domination allemandes. C’est bien là un argument fallacieux et aberrant tant il reste établi que ce pays ne peut servir la cause de la paix chez nous tout comme l’épervier ne saurait œuvrer pour la quiétude des poussins de la basse-cour. Tout compte fait, le Mali a perdu beaucoup plus de ses fils qu’avant l’arrivée sur notre sol de l’armée française présentée par une certaine presse nationale et internationale comme libératrice de notre pays. Mais à regarder l’historique de la rébellion et de la guerre contre les djihadistes au Mali, l’on ne saurait taire la grande responsabilité de la France coloniale. Nul besoin de refaire aujourd’hui le point de cette responsabilité du pouvoir colonial français.
L’on rappelle tout simplement que pendant le mandat d’Alpha Oumar Konaré, le Monsieur français-Afrique Bernard Kouchner (si notre mémoire ne nous trahit pas !) a osé dire chez nous, en 1994 que dans une semaine «la rébellion va prendre fin au Mali». C’était là un bon mauvais scoop pour endormir les esprits peu critiques dans l’opinion nationale. La Flamme de la paix orchestrée par Alpha et à la grande satisfaction de la France coloniale fut une preuve irréfutable que ce président malien était à la manœuvre pour servir cette France qui possède déjà les armes les plus modernes, les avions de combat les plus sophistiqués et le Mali ses petits fusils individuels qui portent le nom de leur fabricant «Kalachnikov». Quelle aberration !
Au nom de quelle sécurité pouvait- on agir de la sorte si ce n’est par mépris de notre liberté et donc de notre indépendance nationale ? La France est aujourd’hui présente chez nous au motif qu’elle y combat le terrorisme. Ce qu’il convient de dire de vive voix, c’est que la France a fait perdre à notre pays deux conditions essentielles de son existence : la liberté et la sécurité qui avaient marqué la vie du peuple durant la première et la deuxième Républiques du Mali au cours desquelles la rébellion n’avait jamais mis en péril la vie des Maliens.
La preuve palpable de cette perte de liberté c’est que l’armée malienne est toujours empêchée de conquérir l’intégrité du territoire national. Le statu quo dans cette affaire ne sera levé qu’avec le départ de l’armée française de notre sol. Parce qu’elle est à la parade de la paix chez nous, il faut le dire ! À titre d’exemple, sous ses yeux, c’est la guerre fratricide qu’a connue la République centrafricaine depuis la présence de cette armée coloniale française dans ce pays.
Le Mali regorgeant de ressources minières et énergétiques, la présence chez nous de la France ne prendra fin que lorsque notre pays se dotera d’un président patriote et nationaliste acquis à la cause du peuple malien qui dira enfin à cette France que sa coopération se déroule aux dépens du Mali et de son peuple travailleur. En conséquence, ce président dira à l’armée française de rentrer chez elle parce que sa présence était un obstacle majeur à la sécurité et à la paix dans notre pays.
Aussi et enfin, au nom d’une fallacieuse philosophie des «droits de l’homme», le Mali est trimballé dans le labyrinthe de l’histoire: les bandits armés se livrent chez nous à toutes sortes de criminalités mais en retour il est demandé à nos forces de défense et de sécurité la grande retenue. Et pourquoi la France continue à assister à ces atrocités contre nos soldats et leurs populations ?
Nous constatons par conséquent que chaque fois que l’opinion murmure contre la présence des troupes étrangères, la France sort un chapelet de «terroristes neutralisés» dans des attaques de l’aviation française sans que la moindre preuve ne nous soit donnée. Quel bluff !
Ce dont le peuple malien a besoin aujourd’hui, c’est le départ de l’armée française de notre sol et le recours aux armées russe, chinoise et ou cubaine qui ont toujours été (et le sont toujours) nos vrais alliés chaque fois que notre pays en exprimait le besoin. En tout cas, les Centrafricains ont compris que leur salut ne se trouvera jamais dans la présence sur leur territoire de l’armée française. Il en est de même pour le Mali. Là-bas, en Centrafrique, la pacification du pays est rendue possible par l’arrivée de l’armée russe. Personne n’est dupe !
Les autorités de la transition et le président qui sera élu au terme de cette transition doivent s’armer de ce conseil précieux de l’émérite combattant de la liberté Muhammad Missuri. Il disait à qui voulait l’entendre: «S’armer n’est pas chose facile pour nous mais la situation actuelle nous oblige à être en armes… Soupirer dans l’inaction ou se lamenter à la vue des atrocités diaboliques de l’ennemi ne résoudra pas le problème. Nous devons nous dresser pour combattre les armes à la main.»
Enfin, la France ne peut servir la cause de la paix au Mali. Il est temps et alors grand temps de comprendre cette vérité qui crève les yeux, car il est absolument évident que le chat se nourrit des souris et ne saurait donc servir la cause de la sécurité de celles-ci. Indubitablement, l’insécurité au Mali est un fléau qui ronge dangereusement notre société.
Fodé KEITA