Inviter les maliens et les partenaires du Mali à comprendre la stratégie sécuritaire nationale en 3D résulte d’une vision très tactique, consistant à aller au-delà des apparences et du factuel.
Un philosophe très connu a dit : ‘’Un concept est une invention à laquelle rien ne correspond exactement, mais à laquelle nombre de choses ressemblent’’. La notion de concept dans la forme d’invention est à dépasser. Dans le sens de l’action publique, limitons-nous à la comprendre comme une simple démarche pour laquelle on veut une compréhension intelligible par les publics cibles ou par tous. Ainsi dans la gouvernance, tout est conceptualisé : ville propre, agriculture pour tous, tous à l’abri, bandit zéro, initiative riz, etc.
L’avantage de conceptualiser les visions et les actions est que l’on peut susciter une rapide compréhension, une adhésion large.
En Afrique et au Mali, il est impératif de théoriser nos démarches avant de les mettre en pratique.
Le 29 janvier dernier, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de l’atelier de mise en œuvre de la Politique nationale de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent, le Chef du Gouvernement, SoumeylouBoubèye MAIGA, qui bouclait un mois à la Primature, a fait une sortie des plus remarquées. Son propos du jour était dans l’air du temps, venant dans un contexte marqué par une répétition d’actes terroristes violents dans le centre et le nord du Mali.
Evoquant le thème du jour, notamment la lutte contre l’extrémisme violent, le Premier ministre a particulièrement insisté sur le rôle primordial que doivent jouer les religieux, notamment le rôle de former et d’informer.
En homme bien au fait de la chose politique et du timing, entre les actions et les évènements, sous l’angle de la synchronisation, en tout cas pour tout pouvoir politique moderne, SBM a saisi l’occasion pour décliner les grandes lignes de sa vision et de sa stratégie sécuritaires à la tête du Gouvernement et sous la haute supervision du Chef de l’Etat.
Pour SBM, l’action politique à la sauce sécuritaire sera en 3D (défense, diplomatie et développement) avec des ingrédients opérationnels en 3C (concertation, cohésion complémentarité).C’est une démarche conceptuelle de gouvernance pas très usitée sur nos sables fins, ici au bord du Djoliba.
Inviter les maliens et les partenaires du Mali à comprendre la stratégie sécuritairenationale en 3D résulte d’une vision très tactique, consistant à aller au-delà des apparences et du factuel. Cela voudrait dire que chaque malien, chaque acteur au Mali, dans le contexte actuel, doit décoder au-delà du réel et des dimensions de largeur, de longueur et de hauteur et ajouter la profondeur. Il faut scénariser ce qui nous arrive dans la compréhension, dans la prévention et dans la solution.
De tactique à tactile
La 3D est la représentation d’un objet sous une forme tridimensionnelle. C’est-à-dire que l’objet est représenté en 3 dimensions : la longueur, la largeur et la profondeur. Ainsi, la principale différence entre la 2D et la 3D est la présence d’une dimension en plus, la profondeur, qui permet de mettre en relief l’objet et d’apprécier les distances.
Le Chef du Gouvernement, sachant que la guérilla des groupes rebelles, puis des groupes terroristes sur le terrain ressemble fort bien aux produits cinématographiques que nous avons longtemps regardés sur le grand écran en 2D, avec des terrains dangereux, des hommes et des armes, le tout en action, semble avoir été bien inspiré par cette dénomination conceptualisée
Désormais, nous devons tout regarder en 3D. La crise sécuritaire malienne devient longue dans le temps, large dans l’espace impacté et profonde par la complexité due aux intérêts divergents des parties prenantes, voire des partenaires impliqués.
Pour le Mali d’aujourd’hui, pour les actions et dans les politiques publiques, la Défense doit être en longueur car c’est la colonne vertébrale de tout, la Diplomatie en largeur comme mesure d’accompagnement à l’interne comme à l’externe et le Développement en profondeur et soutenue par les deux premières dimensions.
Dans le contexte géopolitique où baigne le Mali, on pourrait aussi imaginer l’avenir et le devenir du pays comme un triangle isocèle avec Défense et Diplomatie aux mêmes dimensions soutenant le Développement
S’agissant de l’opérationnalisation, il faudrait s’appuyer sur les 3 C : Concertation permanente entre les acteurs à tous les niveaux, Cohésion au niveau de la partie gouvernementale d’abord et les composantes étatiques, Complémentarité pour atteindre les meilleurs résultats, partagés de tous. Nous ne sommes pas loin des 3 C dans le domaine de la stabilité d’un couple où l’on rechercherait l’équilibre entre le corps, le cœur et la conscience. Si le but est la recherche de la paix pour le couple, il y a bien une relation lien avec notre sujet ici, car après tout, la concertation, la cohésion et la complémentarité visent la paix dans la stabilité pour le Mali.
Tous les publics cibles devant comprendre cette vision en 3D ont-ils les lunettes adaptées pour bien voir et surtout bien comprendre la démarche gouvernementale ? La gouvernance est tactique, elle doit être tactile et embrassée de tous pour des résultats efficients.
En tous les cas, et pour aider à décoder, les récentes visites à Alger et à Rabat, les multiples rencontres à la Primature avec les chefs des chancelleries et les responsables d’organisations multilatérales d’une part, les visites à Mopti et à Ségou d’autres part démontrent à volonté que SBM applique le concept des 3D à merveille. Et pour le moment ces actions s’inscrivent dans les 2 D, Diplomatie et Défense. Le 3è D, qui est le Développement en est la finalité à court, moyen et long terme.
Alors si à ces trois dimensions, doit s’imposer le facteur Temps, de quel timing doit disposer le Premier ministre et son gouvernement dont la principale mission est de réussir des élections, dans un contexte sécurisé ? Sauf à se rappeler qu’un gouvernement c’est la continuité de l’Etat, et la pérennité d’une vision de gouvernance en 3 D dépend de la capacité des acteurs successifs à en avoir conscience. De cette continuité de l’Etat, parlant.
Alassane SOULEYMANE