Après la mort de Gilberto Rodrigues Leal, détenu par le Mujao, Serge Lazarevic est toujours aux mains d’Aqmi.
«Il est mort parce que la France est notre ennemie.» Voilà ce qu’a déclaré Yoro Abdoul Salam, un cadre malien du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). L’annonce a été faite mardi soir par téléphone à l’Agence France-Presse à Bamako, l’un des canaux habituels de communication du Mujao. Aucun détail et aucune preuve sur les circonstances ou sur la date de la mort de l’otage français, Gilberto Rodrigues Leal. «Au nom d’Allah, il est mort», a martelé le représentant du groupe. Le retraité de 62 ans avait été enlevé en novembre 2012 à Diéma, près de la frontière mauritanienne.
Les autorités françaises ne confirment pas l’information, mais l’Élysée reconnaît dans un communiqué qu’«il y a tout lieu de penser» que l’otage est décédé «depuis plusieurs semaines du fait des conditions de sa détention. La France […] ne laissera pas ce forfait impuni.» «Nous avions, depuis plusieurs mois, beaucoup de raisons de nous montrer pessimistes sur le sort de notre compatriote, précise le Quai d’Orsay. Sa famille en avait été informée depuis décembre 2013.» On savait Gilberto Rodrigues Leal en mauvaise santé. Aussitôt après avoir revendiqué le rapt, le Mujao s’était dit prêt à négocier, ce que Paris a toujours officiellement refusé.
Dimanche, déjà, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avouait être «très inquiet». Contactée par RFI, la sœur de Gilberto Rodrigues Leal, Irène, confirme: «les autorités nous ont contactés pour nous prévenir que le Mujao allait annoncer le décès de Gilberto. C’est un choc, mais cela fait quatre mois que nous sommes très inquiets.» Il y a quelques jours, la force française «Serval» avait libéré quatre otages maliens, des travailleurs humanitaires retenus par le même Mujao. Cette annonce visait-elle à passer pour un avertissement ou des représailles? Les islamistes tentent-ils d’instrumentaliser la mort de l’otage? Le groupe, dans son texte, ne parle pas d’exécution.
Le Mujao est l’un des trois groupes islamistes armés présents au Mali. Aux côtés d’Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique) et d’Ansar Dine, ses combattants ont occupé entre janvier 2012 et janvier 2013 les trois régions du nord du pays. Perçus comme les moins idéologues, ils s’intéressent surtout au trafic de drogues et aux lucratives prises d’otages. Des criminels plus que des extrémistes, qui recrutent parmi la jeunesse pauvre et désœuvrée, mais qui jurent agir au nom d’Allah. Très affaibli par l’intervention française et ouest-africaine menée dès janvier 2012, le Mujao reste néanmoins présent dans le nord, notamment vers Gao, son fief.
Après la mort de Rodrigues Leal, il ne reste plus qu’un seul otage français en Afrique. Il s’agit de Serge Lazarevic, enlevé en novembre 2011 à Hombori, au nord, en même temps que Philippe Verdon. Les deux hommes étaient en voyage d’affaires, mais Aqmi les accusait d’être des espions. En mars 2013, le groupe islamiste avait revendiqué l’exécution de Philippe Verdon. L’otage, malade, était très mal en point et ses ravisseurs sont soupçonnés de l’avoir achevé pour mettre en scène sa mort. Son corps avait été rapatrié en France en juillet. Aujourd’hui, Serge Lazarevic serait toujours retenu au nord du Mali. Thierry Dol, l’un des quatre hommes enlevés au Niger par Aqmi, détenus dans le nord du Mali pendant trois ans, puis libérés en octobre, avait affirmé à son retour avoir partagé le même lieu de détention que Serge Lazarevic pendant des jours. Sans avoir l’occasion de lui parler, mais en constatant qu’il semblait en bonne santé.