Après la première édition, tenue dans la foulée du centenaire de l’Armistice célébrée en novembre 2018, la deuxième édition du Forum de Paris sur la paix s’est en effet ouverte le mardi 12 novembre 2019 sur les rives de la Seine.
Comme dit le dicton : qui trop embrasse mal étreint. Et la rencontre de Grande Halle de La Villette n’a pas échappé à cette réalité. Comme c’est souvent le cas, l’Afrique aura été au centre des préoccupations de cette deuxième saison du Forum de Paris sur la paix.
Une rencontre censée être internationale, même si, en réalité, elle a ressemblé à un Sommet France/Afrique élargi à quelques autres États qui n’ont pas voix au chapitre. En l’espace d’une année, la participation des chefs d’État ou de gouvernement a fondu de moitié, preuve, s’il en est, du peu d’engouement pour cette initiative jupitérienne.
Pourtant, les sujets à l’ordre du jour sont de la plus haute importance, même si, en voulant les aborder tous à la fois et avec les quelque six cents participants, on a le sentiment d’une foire où chacun vient s’écouter parler.
Comment en effet sortir quelque chose de concret en l’espace de quarante-huit heures d’une foultitude de thématiques comme la paix, la sécurité, le changement climatique, l’éducation, la culture, les innovations technologiques et autres ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce sommet ne pouvait pas mieux tomber à propos, tant la planète est aujourd’hui tourmentée aux quatre points cardinaux. Si ailleurs, les défis de la paix se traduisent essentiellement par la fracture sociale et les risques de guerres d’influence et de positionnement géostratégique entre les puissances économiques et militaires, en Afrique, en général et dans les pays du Sahel, en particulier, ils se conjuguent en termes de mal-être des populations face à la mauvaise gouvernance des dirigeants et de préoccupation par rapport à la lancinante question du terrorisme qui continue de troubler le sommeil des populations.
On peut se demander si les Occidentaux n’ont pas habilement manœuvré pour repousser les frontières du terrorisme dans nos contrées
C’est pourquoi l’importance et la pertinence de ce deuxième Forum de Paris sur la paix, n’est plus à démontrer, pour autant que l’on ait procédé à une évaluation des résolutions du premier. D’autant qu’il intervient dans un contexte d’insécurité presque généralisée au Sahel, au lendemain de deux grandes attaques terroristes qui ont endeuillé successivement le Mali et le Burkina Faso. Seulement, quand on est marqué au fer rouge comme ces pays du Sahel voire au-delà, par l’hydre terroriste, on se surprend parfois à avoir le triste sentiment que plus les sommets se multiplient, plus la paix s’éloigne pour les populations africaines. Comme si ces genres de rencontres étaient des adjuvants pour les forces du mal pour mieux sévir.
Par ailleurs, ce forum s’est tenu au moment où se développe un sentiment anti-français dans certains pays du Sahel, ce qui pourrait amener d’aucuns à ne pas y croire d’autant qu’à l’origine de ce ressentiment, la France est soupçonnée de ne pas jouer franc jeu dans la lutte contre le terrorisme. C’est dire qu’autant les sommets du genre peuvent être porteurs d’espoirs de trouver des solutions pour endiguer le mal, autant les lignes, aux yeux du citoyen lambda, peinent à bouger pour des résultats insignifiants lorsqu’ils ne sont pas simplement invisibles. Pour des populations déjà contraintes de s’accommoder des pires dirigeants de la planète en termes de gouvernance, et de plus en plus obligées de composer aujourd’hui avec le terrorisme, cela fait un fardeau un peu trop lourd à porter.
D’ailleurs, on peut se demander si les Occidentaux n’ont pas habilement manœuvré pour repousser les frontières du terrorisme dans les limites territoriales de nos contrées pour mieux mettre leurs populations à l’abri. Car, on se demande encore comment le terrorisme, cette réalité lointaine et jadis méconnue dans notre espace, a pu s’installer dans le quotidien de nos populations au point d’en faire aujourd’hui l’un des foyers incandescents du terrorisme dans le monde.
Il est temps de parler moins et d’agir plus
C’est pourquoi, au-delà du folklore, des sommets du genre doivent être interpellateurs pour les Africains, particulièrement sur le rôle que leurs dirigeants vont y jouer. D’ailleurs, à regarder le profil de certains représentants du continent noir, tels que le Camerounais Paul Biya, le Tchadien Idriss Déby Itno, etc. qui apparaissent comme autant de fossoyeurs de la démocratie sur le continent avec son corollaire de tensions sociales, on se demande si pour ces cas, ce ne sont pas des ennemis de la paix qui ont été invités à ce Forum.
Cela dit, s’il est un aspect de ces sommets de haut niveau où le bât blesse, ce sont les engagements et autres belles résolutions qui en découlent, mais qui restent généralement sans suite. Une situation qui pourrait expliquer le mécontentement des populations malienne, face à la dégradation continuelle de la situation sécuritaire dans notre pays respectif. En tout cas, il y a de quoi, pour les populations maliennes, se demander si elles peuvent encore croire en de tels sommets. Surtout qu’au même moment, sans tambour ni trompette, le terrorisme continue d’étendre ses tentacules sur le terrain, au grand dam de ces mêmes populations qui ne savent plus à quelle armée se vouer. C’est à se demander si en tenant de telles rencontres à grand renfort de publicité, on ne se dévoile pas du même coup à l’ennemi que l’on est censé combattre. C’est dire si dans cette lutte contre le terrorisme, il est peut-être temps de changer de paradigme. Car, il est bien connu qu’en la matière, les opérations les plus efficaces sont celles qui se passent dans la discrétion. Autrement dit, il est temps de parler moins et d’agir plus. Comme les terroristes.
Notre continent est déjà tourmenté par le défi sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne, dans le bassin du lac Tchad et dans la Corne de l’Afrique, les effets désastreux du changement climatique dont il paye les pots cassés par les grandes puissances industrielles sans oublier le sempiternel problème du développement socio-économique. La plupart de nos États étant, des décennies après les indépendances formelles, toujours en train de patauger dans la fange de la misère. Cela, malgré leurs nombreux atouts dont on se gargarise tant et que les dirigeants ne se sont pas privés de rappeler à Paris : ainsi de la position géostratégique de l’Afrique, de la jeunesse de sa population et de ses ressources naturelles aussi immenses que variées.
Mais hélas, il ne suffit pas d’avoir la baraka de la nature pour être une nation développée. La preuve, c’est la France, pauvre en richesses naturelles, en tout cas comparée à la RDC, qui a cadeauté cette dernière en belles promesses d’aide : 65 millions d’euros pour la lutte contre les groupes armés et 23 millions d’autres pour les secteurs de l’éducation et de la santé.
C’est encore la même France qui guerroie en hommes, en moyens matériels et logistiques à nos côtés contre l’internationale terroriste. Et comme il fallait s’y attendre, en marge de la présente édition du Forum de Paris sur la paix, Emmanuel Macron a tenu une rencontre avec ses homologues malien, nigérien et tchadien au sujet du G5-Sahel.
Rien d’étonnant donc que l’Afrique, en dépit de ses richesses, soit le parent pauvre, dans tous les sens du terme, du multilatéralisme comme l’a relevé le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta.
Mais qu’est-ce que nous faisons, à commencer par nos dirigeants, pour peser de tout notre poids supposé dans le concert des nations ? Pas grand-chose !
Nombre de nos présidents, qui nous ont gouverné depuis des décennies, se sont plutôt illustrés comme de véritables prédateurs de leurs propres peuples avec comme seul projet de société : pousser des racines sur leurs fauteuils présidentiels.
Pour tout dire, on peut tenir tous les fora sur la paix et le développement que l’on voudra, il n’y aura pas de salut pour l’Afrique sans cette nécessaire révolution des mentalités depuis la base jusqu’au sommet.
Youssouf Konaré