Dans un rapport intitulé « Extrémisme violent, criminalité organisée et conflits locaux dans le Liptako-Gourma », l’Institut d’Études et de Sécurité (ISS) donne des indications sur les sources de revenus des groupes extrémistes au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Selon le document, les trafics d’armes, de drogues, de motos, de carburant, du vol, l’enlèvement de bétails, l’orpaillage et le braconnage… constituent les principales activités qui procurent aux groupes extrémistes des moyens de survie, d’expansion et d’implantation. Décryptage !
Complicité avec des populations locales
Profitant de la porosité des frontières et de la fragilité du lien entre les autorités locales et les populations, ces groupes gagnent plus facilement le cœur des citoyens et réussissent à mener des activités illicites de tout genre qui leur servent de sources de revenus. Ces activités sont menées en complicité avec des habitants des zones dans lesquelles ils se trouvent. Ce qui nécessite, de la part de ces groupes, une capacité d’adaptation aux réalités et aux ressources disponibles dans les zones occupées.
« Participer, même indirectement, aux trafics ou entretenir des liens avec des trafiquants permet aux groupes extrémistes violents de se procurer des moyens de subsistance (notamment des biens de consommation – aliments, médicaments, etc.), des moyens opérationnels (armes, munitions, motos, pièces détachées, carburant et moyens de communication – téléphones, cartes de recharge ou crédits de communication) et de générer des ressources financières (notamment à travers la vente de bétail volé)», indique le rapport.
L’Institut d’Etude et de Sécurité cite dans ce rapport un témoignage d’un ancien membre du JNIM, à Boni, au Mali, recueilli, le 17 décembre 2018, dans lequel on peut lire : « Notre groupe n’est pas impliqué dans les trafics. Mais sans les trafiquants, on ne peut pas rester en brousse. Ils nous fournissent des vivres et médicaments ».
Médicaments prohibés
Le Trafic des médicaments, notamment de la drogue, constitue une source de revenus pour les extrémistes violents qui évoluent dans ces trois pays. Selon le rapport, ces groupes ne sont pas toujours ceux qui exercent ces pratiques, ils sont souvent des facilitateurs. Ce qui sous-entend cette complicité susmentionnée avec des commerçants voire des chauffeurs. C’est ce qui ressort du témoignage rapporté dans le document par un membre de Ganda Koy à Ansongo, au Mali, le 6 décembre 2018 : « Le trafic de drogue est organisé par d’autres. Nous assurons juste la sécurité des convois provenant de la Mauritanie et transitant par Tombouctou. »
Le médicament le mieux apprécié, parce que servant de stimulant pour les groupes extrémistes, est le tramadol. « Dans le nord Tillabéry et le long de la frontière avec le Burkina, souligne l’ISS, des marchés illicites de drogues alimentent une consommation locale qui s’étend jusque dans les villages et concerne tous les milieux socioprofessionnels, y compris éleveurs et agriculteurs ». Outre cela, les engrais agricoles ainsi que les explosifs entrent dans la chaîne de trafic des groupes extrémistes évoluant dans le Liptako-Gourma.
D’où proviennent les armes des extrémistes ?
L’ISS documente aussi sur la provenance des armes des extrémistes violents. Appuyée par des témoignages, l’enquête prouve que ces groupes acquièrent leurs armes grâce à leur complicité avec les trafiquants d’armes. À côté de cela, ils alimentent leur arsenal avec les armes récupérées « à la suite d’attaques de positions et de casernes des forces de défense et de sécurité ». Selon un ancien membre d’Ansar Dine cité dans le rapport, les groupes extrémistes entretiennent « des liens commerciaux avec les trafiquants d’armes. On se côtoie et on se rend des services, pas plus ».
Vol de bétails, orpaillage et braconnage
En plus de toutes ces activités, les groupes extrémistes sont également impliqués dans les enlèvements de bétails qu’ils vendent pour avoir non seulement de l’argent, mais aussi pour d’autres besoins ou tout simplement les utiliser comme nourriture. « Tous les groupes armés de la zone sont impliqués dans l’enlèvement du bétail ; leur survie en dépend », explique un ancien membre du MUJAO, à Banibangou, au Niger, le 2 octobre 2018. Des propos rapportés par les enquêteurs de l’ISS. L’influence de ces groupes dans les sites d’orpaillage est également soulignée. Au Burkina comme au Niger, en violation des textes qui régissent le secteur minier, les groupes armés s’implantent en autorisant illégalement des activités minières en chassant de ce fait les forces de défense et de sécurité censées assurées la sécurité sur ces sites.
« Au Burkina et au Niger, les groupes se sont attelés à chasser les acteurs qui assuraient la sécurité de ces sites, rôle dévolu dans l’Est du Burkina aux forces de défense et de sécurité ou aux groupes d’autodéfense Koglweogo. Les groupes comblaient ainsi le vide et s’imposaient comme garants de la sécurité des activités d’exploitation. En échange de cette « protection », les orpailleurs étaient tenus de payer une « taxe » », indique-t-on dans le rapport. Le braconnage constitue également une autre ressource pour les groupes extrémistes qui appliquent les mêmes techniques pour s’implanter sur les sites d’orpaillage. Le trafic de carburant ainsi que de motos fait également partie des sources de revenus de ces groupes extrémistes dans le Liptako-Gourma, selon l’Institut d’Etude et de Sécurité.
O.O