Evasion spectaculaire à la prison centrale : Le film authentique des événements

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Contrairement aux informations distillées dans certains journaux de la place, l’arme utilisée par le terroriste est un pistolet automatique avec en provision 3 chargeurs. Les armes qui dotent les gardiens de la MCA sont des carabines chinoises qui s’enrayent facilement.  Le mitard est un espace se composant  d’un bâtiment de 10 chambres et d’une cour grillagée dans laquelle se tiennent les détenus pour se recréer jusqu’à l’heure de la fermeture, l’après-midi vers 17 h-18 h. Les grilles sont fermées 24 heures  sur 24 et ne sont ouvertes que pour que les détenus aillent à la consultation et pour qu’on puisse leur apporter à manger.

Mohamed Ali Ag Wadoussène
Mohamed Ali Ag Wadoussène

Pour ces occasions, une sentinelle  armée, sur le mirador qui surplombe la porte grillagée du mitard, est alertée.  Elle pointe son arme en direction de la porte grillagée pendant toute l’opération d’ouverture et de fermeture de la porte notamment pendant la livraison des repas parce que ce sont de dangereux individus qui y sont internés quelques fois à perpétuité.

Les repas, dans un premier temps, sont stockés à l’extérieur du mitard jusqu’à ce que leur nombre  justifie que l’on ouvre la porte avec les précautions d’usage. A quelques mètres de la porte du mitard, face à la porte d’entrée principale de la prison, est planté un gros arbre sous lequel sont assis des gardes en faction. L’un est armé. Le couloir d’accès  qui donne sur le bureau du régisseur est gardé par une sentinelle armée qui, elle aussi, fait face à la porte du mitard pour détecter tous les mouvements suspects.           Le garde Sofara était assis passivement sous l’arbre, devisant tranquillement avec des collègues. Ce n’était pas son tour de garde devant le mitard. Par contre, il avait rendez-vous avec son destin.

L’évasion

Lorsque le porte-clés, un  détenu,  se présente devant la porte du mitard, accompagné d’un garde non armé, il alerte à voix haute  la sentinelle sur le mirador jouxtant la cour de la Gendarmerie de l’ouverture imminente de  la porte grillagée de la cour donnant accès au mitard.  Ce dernier se met en position pour contrer toute tentative d’évasion.

Sitôt la porte de la grille ouverte, le djihadiste, à l’affût, s’y présente et enclenche le mécanisme permettant de charger son arme. Il franchit la porte du mitard pour se retrouver dans la cour intérieure plantée d’arbres ombrageux.  Soudain, un coup de feu part de son arme. Le porte-clés  et le garde qui l’accompagne sentent l’odeur de la poudre et décampent  à toute vitesse, ayant lu dans les yeux du Touareg la rage de s’évader et la détermination à vaincre les obstacles. La sentinelle sur le mirador ajuste le djihadiste  et fait feu par deux fois avec sa carabine chinoise. Il rate sa cible et son arme s’enraye au troisième coup. Le djihadiste riposte. La cadence de ces tirs à l’arme automatique contraint la sentinelle à se réfugier sur le toit en tôle de la Gendarmerie, qui cède sous son poids.

L’homme chute lourdement dans la cour de la Gendarmerie. Les gendarmes, qui assistent à la scène, prennent la mesure des affrontements qui se déroulent à la MCA. Ayant vaincu la première menace armée, le djihadiste, arme au poing, se dirige vers l’arbre sous lequel est assis le garde Sofara qui, comme tétanisé par les faits de guerre qui se déroulent sous ses yeux, reste cloué, hébété. La distance entre le mitard et le couloir qui donne sur la sortie ne dépasse pas les 25 mètres. Le garde  Sofara, bien que non armé, constitue une menace potentielle pour l’assaillant qui doit passer sous l’arbre afin d’accéder à la sortie. Sofara, ne fuyant pas devant l’assaillant, représente un obstacle sur la route de la liberté. Le commando, habitué à neutraliser toute menace, prend la décision de réduire Koala Sofara au silence. En arrivant à sa hauteur, il lui tire une balle à bout portant. Le sang de Sofara gicle  dans la direction de l’agresseur, le tachant d’un rouge pourpre caractéristique. Il s’écroule raide mort.

La sentinelle, qui normalement devait être dans le couloir face à la grande porte, est absente. L’agressif djihadiste s’engouffre dans le couloir après avoir sauté par dessus la porte du couloir, à la manière d’un commando. Il tire deux coups de feu en direction des gardes en faction devant la porte principale d’entrée.  Ceux-ci se dispersent en grappe laissant la grande porte ouverte. Le djihadiste revient au mitard pour informer ses codétenus que la voie est libre.  Aucun garde à la ronde, ils se sont mis à l’abri. Le groupe des évadés suit le terroriste armé, traverse la porte d’entrée et la rue,  s’engouffre dans la ruelle en face de la prison et embarque dans un véhicule en stationnement. Scènes dignes de la série «Prison Break».

L’occasion fait le larron

Bien qu’étant en retard par rapport au premier groupe mené par le terroriste, quelques prisonniers profitent de l’aubaine pour se faire la belle. La population du quartier, ameutée par les coups de feu et les clameurs venant de la prison les prennent en chasse, et capture six d’entre eux qui sont aussitôt lynchés.  Grièvement blessés, ils sont ramenés dans la prison. L’un d’eux, très mal en point, meurt. Le garde Sofara, à son tour, est évacué en urgence dans une formation sanitaire. Il était  déjà mort.

Les points d’ombre

Quand les esprits se sont quelque peu calmés, les questions n’ont pas tardé : d‘où vient l’arme du crime, comment a-t-elle été introduite à la MCA ? La version servie aux journaux suivant laquelle le djihadiste s’est emparé de l’arme d’un garde est fausse. Les gardes disposent de carabine alors que le bandit avait un pistolet automatique. Seule une enquête approfondie établira le circuit d’approvisionnement du terroriste en arme. Des sources informelles indiquent qu’une fouille approfondie du mitard a été ordonnée la veille par le Régisseur. On avait vidé les dix chambres de leur contenu et passé au peigne fin les postes téléviseurs, potentielles caches d’armes et munitions.  Rien n’a été trouvé. L’occurrence du coup de force le lendemain accrédite l’idée que, quelque part, quelqu’un avait une information sur l’imminence d’une tentative d’évasion armée. Si l’arme était à la MCA, elle n’était pas planquée au mitard.  Elle était quelque part à la MCA où elle avait été introduite le même jour. Par qui? Et comment ? D’autres détenus en cavale qui auraient pu lui procurer ce pistolet ? La capture de l’assassin de Sofara permettra d’éclaircir ces zones d’ombre.

Les failles du système

Mais en attendant, il serait intéressant d’étudier le système de sécurité de la prison. Il y a deux voies d’accès à la MCA : la roulante et la porte principale.     La roulante est la fenêtre par où passent les repas et tout autre objet à destination des détenus. Ils sont soumis à un contrôle plus ou moins systématique. Quant à la porte principale, en principe on ne peut la franchir sans présenter des documents (permis de visite, carte d’identité,…) ou montrer patte blanche. Dans la réalité, une sorte de confiance s’établit entre un visiteur assidu et les gardes qui, à force de le voir  en visite, ont tendance à relâcher la pression des fouilles corporelles. Les agents armés d’autres corps ne sont pas non plus soumis à une fouille stricte surtout lorsqu’ils sont réguliers. On ne peut exclure que dans l’ensemble, depuis l’arrivée du nouveau Régis, la vigilance ne se soit un peu relâchée du fait de la surpression des pas de porte et autres passe-droits  que les gardes empochaient à toute occasion. C’est un peu comme si ce qui les motivait ayant disparu, ils mettaient moins d’ardeur à la tâche.          En effet, la prison est devenue un immense marché où sévit la petite corruption. Les gardes, dans leur immense majorité, sont à la recherche du prix du condiment quotidien. Ils disposent d’un réservoir immense qu’est la masse des détenus qui  fonctionne comme un marché captif. Ils ont aussi comme réservoir secondaire les visiteurs intermittents.            La perception à la porte d’un montant plus consistant sur le visiteur allège la pression de la fouille et l’exempte parfois.  Ce qui fait que l’on peut introduire n’importe quoi dans la prison avec un peu d’argent. La drogue, substance interdite par excellence, est vendue aux détenus toxicomanes avec une facilité déconcertante. Certaines personnes n’hésitent pas à accuser certains gardes d’être trempés dans le trafic moyennant rémunération.              

Logiquement, les gardes eux-mêmes devraient être fouillés systématiquement lorsqu’ils pénètrent dans l’espace carcéral avec des sacs au contenu suspect. Pour résoudre ce problème, il conviendrait d’abord d’instituer une mobilité permanente et un double cordon de fouille constitué par différents corps d’arme (police, gendarmerie, garde nationale). Les fouilles des dames doivent être faites dans un endroit spécialement aménagé à cet effet, dans le respect et la dignité.  Or, en règle générale, les gardes ne s’intéressent qu’au contenu des sacs à main des dames. Pendant qu’elles fouillent lesdits sacs, elles glissent leurs revendications à l’oreille de  la personne objet de la fouille. «Donne-moi le prix du thé.

Donne-moi ce parfum, etc.» Ensuite, réduire autant que possible les déambulations des gardes qui ne sont pas de service dans la prison. Leurs collègues de service ne peuvent avoir le culot de leur refuser l’accès avec un bagage suspect. Le Régis a identifié les tares du système et veut  les corriger progressivement. Donnons-lui une chance de mettre la prison dans les normes. C’est une œuvre de longue haleine. Il apprendra de ses erreurs et mettra son savoir de professionnel au service de l’organisation pénitentiaire du Mali. Cette évasion spectaculaire est venue lui rappeler qu’on ne s’attaque pas impunément à des baronnies établies. Comme en 2006, sous l’ancien Régis, un gendarme de son état,  une évasion massive et spectaculaire a été organisée par des détenus avec jet de piment et bastonnade des gardes. Autre temps, autres mœurs, cette fois c’est un pistolet automatique qui a servi d’instrument de violence pour se payer une liberté au prix du sang.

Le casse-tête du téléphone

En principe, le téléphone est strictement interdit dans l’espace carcéral. Des fouilles généralisées permettent de les saisir sur les détenus de toutes conditions sociales et de  tout rang. Ces opérations de saisies sont aussi la foire aux transactions illicites.        

Certains détenus payent grassement les gardes pour récupérer leur téléphone qui est un moyen indispensable pour joindre leur famille et régler leurs problèmes de survie, l’Administration n’ayant mis en place aucune cabine publique. C’est aussi un moyen pour les malfrats de continuer leurs petits business ou fomenter une évasion.

Il y a dans ce domaine une réflexion à faire et  un juste milieu à trouver. Toute prohibition d’un objet de grande consommation crée un marché parallèle florissant, des individus essayant d’en faire une source de revenus. C’est le cas du téléphone à la MCA.

Que deviennent les téléphones saisis sur les détenus ? Sont-ils détruits comme le disait l’ancien Régis ? Le doute est permis dans la mesure où certains téléphones sont de dernière génération et coûtent très chers. Leur revente officielle sur le marché extérieur aurait pu alimenter un fonds de soutien à l’infirmerie de la prison qui manque cruellement de tout. Il ne faudrait pas que ces téléphones soient perdus pour tout le monde.

Birama FALL, ancien bagnard

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2 COMMENTAIRES

  1. L’article, même s’il est bon, est vraiment mauvais car il décrit de façon détaillée l’enceinte de la grande prison. A partir de cette description d’autres (de l’extérieur ou de l’intérieur) peuvent tenter des évasions massives ou sanglantes.
    Cher journalistes faites l’effort de laisser certains scoops pour l’intérêt du pays.
    A bon entendeur salut !

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