Evasion spectaculaire du terroriste Béchir Sinoun :ATT limoge le chef de la Sécurité d’Etat, le Colonel major Mamy Coulibaly

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C’est avec stupéfaction que les Maliens ont appris sur les ondes d’une radio internationale que l’homme qui avait tenté, le 5 janvier 2010, de faire exploser une bonbonne de gaz devant l’ambassade de France à Bamako, Béchir Sinoun, de nationalisé tunisienne, s’est évadé, avant-hier matin, des locaux de la Sécurité d’Etat (SE), dirigé par le Colonel major Mamy Coulibaly. Suite à cette évasion inexplicable, qui vient renforcer la malheureuse et pitoyable thèse de ceux qui soutiennent que notre pays est le maillon faible de la lutte antiterroriste, le président de la République a décidé de frapper fort. En limogeant le Directeur général de la Sécurité d’Etat, Mamy Coulibaly, en poste depuis le 6 avril 2005. Et en ouvrant une enquête pour situer les responsabilités et, en conséquence, les sanctions qui s’imposent en pareilles circonstances. 

Dans un communiqué, publié hier, la présidence de la République a informé l’opinion nationale et internationale de l’évasion survenue le lundi 28 février 2011 de l’auteur de la tentative d’attentat contre l’Ambassade de France à Bamako, Béchir Sinoun, de nationalité tunisienne. Le même communiqué indique qu’une " enquête a été ouverte pour situer les responsabilités et, en conséquence, pour prendre les sanctions qui s’imposent en pareilles circonstances ". Le communiqué termine " en invitant les populations à apporter leur pleine et entière collaboration aux services compétents engagés dans la poursuite du fugitif. Par conséquent, il prie toute personne ayant reconnu cet individu en fuite, en possession d’informations sur son itinéraire ou sur ses complices éventuels de bien vouloir alerter les commissariats de police ou brigades de gendarmerie les plus proches, ou toutes autres autorités compétentes ".

Depuis que la nouvelle est tombée, à Bamako chacun y est allé de sa version. Les sources sécuritaires que nous avons approchées révèlent que le Tunisien Béchir Sinoun, depuis son arrestation le 5 janvier dernier, était en détention dans les locaux de la Sécurité d’Etat pour les besoins de l’enquête visant à déterminer le mobile et d’éventuelles complicités dans l’attentat mené contre la représentation française à Bamako. Il était placé sous haute surveillance et des consignes particulières, prévues pour de tels cas, devaient lui être appliquées.  Il était censé être systématiquement menotté avant d’être enfermé ; être cagoulé pour tout déplacement dans l’enceinte de la SE ; être accompagné dans chacun de ses déplacements  vers la salle d’interrogatoire par deux hommes en armes ; n’avoir à sa portée dans sa cellule aucun matériel non autorisé par le Directeur général de la SE ; des rondes sont censées être effectuées toutes les deux heures pendant la journée et chaque heure pendant la nuit ; à chaque ronde, le chef de poste devant s’assurer de l’état de la salle de détention et du détenu ; enfin un compte rendu quotidien est établi dans le registre de garde fourni à cet effet. Fait significatif à relever, Béchir Sinoun était placé sous la garde de militaires. C’est l’un de ceux-ci, un soldat de 2ème classe, qui a failli à son devoir. Vers 23 heures, dans la nuit du lundi 28 février, il abandonne la garde devant la cellule où était enfermé le Tunisien pour venir prendre du thé de l’autre côté du bâtiment affecté au chef de poste. A quatre heures du matin, l’équipe de relève constatera que le détenu n’était plus dans sa cage. Des recherches rapides aboutiront au triste constat : l’oiseau s’est bien envolé.

A première vue, il n’a pu se faire la belle qu’avec la complicité de son gardien de soldat de 2ème classe. L’hypothèse qui vient immédiatement à l’esprit est que celui-ci a volontairement laissé ouverte la porte de la cellule avant de se rendre auprès du chef de poste déguster son thé. Auquel cas le détenu n’aurait eu aucune peine à regagner l’arrière cour du siège de la Sécurité d’Etat qui donne sur l’échangeur multiple. Certes, pour sortir de là, il lui fallait escalader un  mur de deux mètres et demi surmonté de barbelés. Mais pour un Jihadiste bien entraîné aux techniques de combat et sans doute aussi d’évasion, cela ne devait pas être au-dessus de ses moyens.

La conséquence immédiate de cette fuite inattendue a été la mise aux arrêts du soldat de 2ème classe qui assurait la garde du détenu et du chef de poste, également militaire. Puis, comme il ressort du communiqué de la présidence de la République, les forces de sécurité (police, gendarmerie, agents de la Sécurité d’Etat) ont été alertées sur toutes l’étendue de la République, particulièrement aux zones frontalières pour faire preuve de vigilance accrue et appréhender le fugitif. A un niveau supérieur, le Colonel major Mamy Coulibaly a payé de son poste l’imprudence ou peut-être la vénalité des agents placés sous sa responsabilité car il n’est pas exclu, il est même hautement probable que ceux-ci ont été achetés, d’une façon ou d’une autre, par le Jihadiste tunisien.

En tout état de cause, cette affaire tombe mal pour le président ATT. C’est l’évidence qu’elle va jeter une ombre sur les relations entre Paris et Bamako, les services de renseignements français ne tenant pas déjà le président ATT en haute estime dans la lutte contre le terrorisme. Ajoutons-y qu’elle s’est produite quelques heures seulement après que l’ambassadeur de France au Mali, Michel Révérend De Menthon, eut fait ses adieux aux autorités et au peuple malien après une sympathique réception offerte en sa résidence.

Le moins que l’on puisse écrire est qu’il n’emportera pas un souvenir gai de sa mission au Mali. Notre ennemie intime, l’Algérie, doit jubiler pour sa part. Elle n’a eu cesse, ces dernières années, de dépeindre le Mali comme le ventre mou de la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne et d’accuser le président ATT lui-même et son proche entourage de connivence avec les réseaux criminels transfrontaliers. Avec cette nouvelle affaire, elle a de quoi alimenter sa machine de propagande médiatico-diplomatique anti-malienne. 

Mamadou   FOFANA

 

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