La situation sécuritaire se dégrade quotidiennement au Centre, où les affrontements communautaires ont fait de nombreuses victimes dans la communauté peulh. Face à cette situation dramatique, des voix s’élèvent pour condamner à la fois ces atrocités et la passivité de l’Etat. Aujourd’hui, la seule préoccupation qui vaille est celle-ci : éviter le chaos dans le Centre du Mali !
Mardi 1er janvier 2019, un village peulh a été attaqué, dans le Centre (région de Mopti), par des chasseurs traditionnels. Cette attaque meurtrière a fait une quarantaine victimes.
Des « hommes armés habillés en tenue de chasseurs traditionnels dozos » ont mené cette attaque. « Outre les 37 morts enregistrés, tous des civils, le bilan fait état de plusieurs blessés et de nombreuses habitations incendiées », selon un communiqué officiel.
Selon des sources sécuritaires, l’assaut avait également été attribué à des chasseurs de la communauté Dogon. Les chasseurs traditionnels (dozos), prétendent protéger les Dogons contre les Peulhs, alors que le conflit entre les deux communautés s’est redoublé, dans le contexte de la lutte contre les djihadistes.
Un témoin affirme : « C’est une milice dozo qui nous a attaqués tôt ce matin. Ils étaient tous armés, habillés en tenue dozo. Notre chef de village, Moussa Diallo, a trouvé la mort dans cette attaque, ainsi que des membres de sa famille, dont une fillette et des vieilles femmes », avant de poursuivre, « nous avons eu la vie sauve parce que nous étions sortis très tôt pour conduire les animaux. Ce sont les coups de feu qui nous ont fait rebroussé chemin ».
Ainsi après ces tueries, plusieurs partis politiques, organisations, associations et personnalités ont vivement réagi en les condamnant et en lançant des appels aux autorités afin qu’elles prennent des dispositions sécuritaires susceptibles de ramener l’ordre et la sécurité dans cette partie du territoire national.
ÇA SUFFIT !
Ainsi, dans une déclaration publiée la semaine dernière, le président de l’URD et chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé a indiqué : « les exactions de ces derniers jours sur des populations civiles innocentes notamment d’origine peulh sont révoltantes et inqualifiables ». Il poursuit : « D’abord annoncées sous l’angle du conflit intercommunautaire, ces massacres à ciel ouvert de vieilles personnes, de femmes, d’enfants avec rapt de bétail et incendies de greniers, jusque-là inconnus de notre société, constituent des crimes imprescriptibles car relevant d’un plan diabolique et machiavélique orchestré et minutieusement mis en œuvre avec pour but ultime l’intimidation voire l’élimination d’un groupe ethnique : les Peulhs. Le quasi-mutisme observé par les autorités actuelles étonne largement et confine à la complicité passive. Le Gouvernement, derrière son silence, cache mal une tacite approbation de ce qui, s’il ne l’est déjà, relève purement du génocide (…) Tuer, massacrer impunément sont inacceptables. Tuer, massacrer impunément un groupe ethnique sont inadmissibles. Les Maliens de tous bords et de toutes sensibilités disent : ÇA SUFFIT ! ».
Pour Soumaïla Cissé, un gouvernement responsable agit plutôt que de réagir, chaque fois et après coup, ce, sous la pression de l’opinion publique. « Un gouvernement digne de ce nom anticipe et prévoit. Aujourd’hui, on peut crier avec tous les Patriotes : TROP C’EST TROP ! », dit-il…
De son côté, le président du Parena, Tiébilé Dramé, a déclaré que le 1er janvier 2019, aux premières heures du jour, plusieurs dizaines d’habitants du village de Koulongo (Bankass) au centre du Mali ont été massacrés par des hommes armés circulant en motos. Parmi les victimes, le chef de village, assassiné dans la mosquée au cours de la prière du Fajr (aube), des femmes et des enfants.
Sortant enfin du mutisme et du déni dans lesquels il est plongé, le gouvernement de fait d’Ibrahim Boubacar Keïta a décrit les tueurs comme des ” hommes armés habillés en tenue de chasseurs traditionnels dozos”. Et de promettre que ” les auteurs des crimes seront punis…”.
Selon M. Dramé, le massacre de Koulongo est le dernier en date d’une longue série de crimes commis en toute impunité au centre du Mali. « Il illustre la faillite d’un gouvernement dont le premier ministre était encore dans la zone, il y a dix jours, multipliant effets d’annonces et gesticulations sans le moindre début de résultats », indique-t-il.
En juin à Nantaka/Kobaka (25 civils tués), Koumaga (32 morts) et en juillet, Soumena (18 civils tués), ce même gouvernement avait promis enquêtes et punitions. Depuis, rien.
La répétition de ces crimes se nourrit de l’impunité et de l’inaction coupable du gouvernement.
Aucune enquête sérieuse ni sur l’origine des armes de guerre utilisées pour massacrer des populations civiles maliennes abandonnées à elles-mêmes ni sur d’éventuelles complicités au sein de l’appareil d’État.
Le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) se dit préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire dans les régions du Centre et par l’incapacité du régime d’Ibrahim Boubacar Keita de protéger les populations civiles et stabiliser cette partie du territoire national.
« La tragédie de Koulongo (Bankass) est la dernière d’une longue série de crimes effroyables commis depuis trop longtemps…Des centaines de familles ont été contraintes de quitter leurs foyers. Ces citoyens maliens vivent comme déplacés internes dans de nombreuses autres localités du pays », déplorent les membres du FSD.
Les rares communiqués lénifiants et les silences répétés du régime sur les crimes commis au Centre, son incapacité à conduire des investigations sérieuses pour retrouver et traduire en justice les auteurs d’actes abominables, et à faire la lumière sur l’introduction d’armes de guerre au centre et les complicités au sein de l’appareil d’État montrent à suffisance l’échec des politiques gouvernementales dans les régions de Mopti et de Ségou.
Le FSD invite le régime à mettre fin aux manœuvres de division et cesser d’opposer les communautés du Centre les unes aux autres.
Mohamed Sylla
(L’Aube 1035 du lundi 14 janvier 2019)