Djihadisme au Sahel : « Le problème n’est pas seulement sécuritaire, mais de gouvernance »

15

LE RENDEZ-VOUS DES IDÉES. La chercheuse Lori-Anne Théroux-Bénoni explique pourquoi la décision de rejoindre un groupe extrémiste est rarement le résultat d’un endoctrinement religieux.

Directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le bassin du lac Tchad de l’Institut d’études de sécurité (ISS), un cercle de réflexion sud-africain, Lori-Anne Théroux-Bénoni dirige depuis novembre 2017 un minutieux travail de compréhension du phénomène djihadiste au Sahel.

Son équipe, pluridisciplinaire, composée essentiellement de chercheurs de la région, a interrogé près de mille personnes qui se sont engagées, à un moment ou un autre et à différents niveaux, au sein de groupes terroristes au Burkina Faso, au Mali et au Niger. C’est à Ouagadougou, la capitale burkinabée, qu’a été présenté, mardi 10 décembre, le rapport « Extrémisme violent, criminalité organisée et conflits locaux dans le Liptako-Gourma », qui fait le point sur la situation et avance quelques pistes pour prévenir et lutter contre l’expansion du terrorisme dans la région.

Vos travaux révèlent que la motivation première des personnes qui s’engagent auprès des groupes terroristes n’est pas religieuse. Comment l’expliquer ?

Lori-Anne Théroux-Bénoni En effet, dans la majorité des cas, la décision de rejoindre ces groupes n’est pas le résultat d’un processus d’endoctrinement religieux, mais de multiples facteurs, dont certains peuvent être très personnels, comme la vengeance. D’autres peuvent répondre à des besoins de protection individuelle, familiale, communautaire. Si vous habitez une zone contrôlée par un groupe terroriste et que vous n’avez pas les moyens de fuir, alors une manière de vous protéger est d’intégrer le groupe. Dans la région de Gao au Mali, entre 2012 et 2013, de nombreux Arabes se sont enrôlés, au sein du Mujao pour se protéger des attaques perpétrées par le Mouvement de libération de l’Azawad composé essentiellement de Touareg. Les dynamiques peuvent aussi être sociales : on rejoint alors ces groupes tout simplement pour avoir des armes et défendre son bétail.

Y a-t-il un profil socioprofessionnel type ?

Non, parce que les groupes sont passés maîtres dans l’art d’instrumentaliser les failles, quelles qu’elles soient. Si bien qu’au sein d’un même pays, les modèles de recrutement diffèrent d’une ville à l’autre. Au Mali, les groupes n’opèrent pas de la même manière, par exemple, à Kidal, à Gao ou à Mopti.

Ces groupes sont donc très bien intégrés au tissu social ?

Oui, le niveau de pénétration des communautés est l’une des difficultés à laquelle les Etats sont confrontés. Il y a une véritable endogénéisation des recrutements. Au début des années 2010, on avait essentiellement des Algériens, des Sahraouis. Maintenant, les recrutements se font de plus en plus au sein des communautés locales.

Les gens impliqués dans ces groupes ne sont donc pas nécessairement de jeunes désœuvrés comme on pourrait le penser ?

En fait, il y a des rôles pour tout le monde, que l’on ait 15 ou 75 ans : le combat, le renseignement, l’influence, l’idéologie, l’approvisionnement en vivres ou en essence, le financement… Il a toute sorte de profils. On peut avoir aussi bien des bacheliers que des personnes n’ayant été qu’à l’école coranique. En fait, les circonstances sont plus importantes que le profil. Ce qu’il faut comprendre, c’est que les groupes terroristes ne sont pas homogènes. Tout le monde n’y a pas le même objectif. Même au niveau du commandement.

Est-ce que toutes les classes sociales, y compris les élites, sont concernées par ce phénomène ?

C’est difficile à affirmer, mais on s’aperçoit que, dans certains contextes, comme au Sahel burkinabé, les personnes impliquées sont issues de la couche sociale que l’on peut dire « vassalisée ». Elles se révoltent contre l’élite politique, religieuse ou sociale en place. Et contre les privilèges de cette élite. L’engagement répond alors à une volonté de perpétrer un coup d’Etat social. Mais on ne peut jamais généraliser. Il faut, dans chaque contexte précis, s’interroger sur les vecteurs qui ont permis aux groupes de s’implanter, de recruter et d’étendre leur périmètre d’action.

Quelles places occupent les femmes dans ce schéma ?

Les groupes font jouer aux femmes des rôles différents en fonction des contextes sociologiques, culturels et de leurs besoins. Mais cela peut aussi dépendre du lien social qu’elles entretiennent avec des membres du groupe. Elles peuvent être des informatrices ou jouer un rôle dans les chaînes d’approvisionnement, notamment les commerçantes, en fournissant par exemple du riz, du beurre de karité ou de l’engrais utilisé pour fabriquer des bombes. Elles ne le font pas toujours de manière volontaire. Les groupes forcent parfois les commerçants à leur vendre certains biens.

La dimension économique semble également importante…

Parfois, oui. Il s’agit de protéger une activité génératrice de revenus, comme l’élevage, notamment lorsque la présence de l’Etat est limitée ou quand ses représentants sont eux-mêmes source d’insécurité pour les éleveurs. Dans l’est du Burkina, les premières victimes de ces groupes ont été les agents des eaux et forêts. Les chasseurs n’avaient plus le droit de chasser, car le lieu de chasse habituel s’est retrouvé inscrit dans une zone protégée, au sein du complexe W-Arly-Pendjari, à la frontière du Bénin, du Burkina et du Niger. Or, dans cette réserve, est restée autorisée la chasse « sportive » pratiquée notamment par des étrangers qui, bien souvent, ne mangent pas la viande du gibier qu’ils tuent. Cela a créé de la frustration, que les groupes terroristes ont très bien su instrumentaliser.

La réponse militaire et sécuritaire suffit-elle dans ce contexte ?

Non, car le problème n’est pas seulement sécuritaire, c’est un problème profond de gouvernance. Il faut investir sur la prévention et travailler au renforcement d’un Etat perçu comme étant juste et équitable dans les zones où ces groupes ne sont pas encore présents. C’est peut-être là la meilleure façon d’éviter que les groupes n’étendent leur périmètre. Car la réponse militaire, en particulier quand elle s’accompagne de violations de droits humains, contribue à pousser plus de gens dans les bras des groupes terroristes et favorise l’étalement du phénomène.

Quelle solution proposer ?

Pendant que les Etats et les organisations internationales et régionales élaborent de vastes stratégies de lutte et de prévention des extrémismes violents au niveau national ou régional, les groupes exploitent des ressorts au niveau local, voire microlocal. Il y a clairement un décalage d’échelle. Mais souvent les vulnérabilités qui font l’objet d’instrumentalisation sont le résultat de pratiques étatiques qui n’ont pas été perçues comme justes, équitables en temps utile par les populations. La dimension clé, c’est l’aptitude des Etats à apporter des solutions aux problèmes des populations. Car l’incapacité des représentants de l’Etat, voire leur instrumentalisation des problèmes pour s’enrichir, fait le lit de frustrations et rompent le contrat social. Il ne faut pas nécessairement chercher des solutions compliquées. Il faut que ces représentants aient le sens de l’intérêt général.

Chaque dimanche, le rendez-vous des idées du « Monde Afrique »

Le Monde Afrique vous propose un rendez-vous, tous les dimanches, consacré au débat d’idées sur le continent et dans ses diasporas. Un regard singulier qui prendra la forme d’un entretien, d’un portrait, d’une tribune ou d’une analyse : c’est « le rendez-vous des idées ».

Source: https://www.lemonde.fr/

Commentaires via Facebook :

15 COMMENTAIRES

  1. Le débat autour de ce phénomème (fléau) qu’est le djihadisme dans le Sahel fait rage et donner lieu à des littératures plus ou moins fantaisistes.
    Il faut se demander pourquoi les Etats infestés par ce fléau n’ont pas eu le courage de l’anticiper en son temps en ayant une bonne politique militaire et sécuritaire: des armées solides,bien formées et bien équipées.
    “The political economy of national security “(A.Vrije).

    • People must have something at stake to defend the country! If they believe their interests are not being taken into consideration, they will work against everything that the government stands for. You can have the best armed forces, but is they don’t have the support of the people they will not be successful!

    • Le terrorisme se un pastèque tout se gens là auront leur part i’y compris le terrorist eux même

  2. Le Roi Biton a ecrit la meme chose ici sur maliweb et ailleurs!!!! L’ HISTOIRE NOUS ENSEIGNE QUE DANS TOUS LES PAYS DU MONDE OU’ IL Y A EU UNE GUERRE CIVILE, UNE PARTIE DU PAYS EST ARRIVE’E A’ LA CONCLUSION QUE LA PARTIE DU PAYS QUI DOMINE LE GOUVERNEMENT, NE PREND PAS EN CONSIDERATION SES INTERETS! NOUS QUI AVONS CHOISI DE VOTER AVEC NOS PIEDS, DEMANDEZ NOUS POURQUOI NOUS VIVONS LOIN DE NOS PAYS DE NAISSANCE?
    J’ai ecrit a’ mille reprises qu’il faut investir massivement dans les programmes de developpement generateurs d’emplois! LES CENTAINES DE MILLIERS DE JEUNES QUI SONT AU CHOMAGE SONT DES RESERVOIRS DE RECRUTEMENT POUR LES TERRORISTES! IL FAUT BRISER CE RESERVOIR EN DONNANT DES BOULOTS AUX JEUNES! J’ai regarde’ Grands Dossiers DU JEUNE FRERE RASBATH a’ propos du recrutement du corps de la police! PLUS DE 27 000 CANDIDATS POUR 2000 POSTES!!!!! DES JEUNES QUI CONSTATENT SUR LA LISTE FINALE DES GENS QUI ETAIENT ELIMINE’S!!!!! PENSEZ-VOUS POUVOIR BATIR UNE REPUBLIQUE SERIEUSE SUR L’INJUSTICE? J’ai eu froid au dos en ecoutant ma fille Coulibaly de Menaka et le jeune de Gao.
    Mes amis, AW BE’ KA SABALI!!!!
    WC, a’ qui la faute?

    • N’e porte quoi m’ait se ne pas sa il ya eu quel guerre civile au mali de bandit manipuler par l’USA est EUR ton président est leur chef ibk est un mafia il ya jamais eu de guerr civile au mali ni le terrorisme vous dormez dit la vérité au gens soit vous sorte pour cassé se bandit qui sont même aidé par le journaliste se se vous qui bloque tout le message ou vous rester comme des exclave grand guell sur le réseau sociaux a pense que a l’école est sex Panda que le mali coule se qui se pas au mali se ibk est se bande non la France

      • Je ne partage pas que “Adolphe Hitler a été un saint homme”

        Mais je constate que Israel, ce petit état juif AGRESSIF annexant et bombardant des civiles !

  3. Le commun des lucides le dit et le sait depuis des années……………. la mauvaise gouvernance est la cause profonde de la crise au nord et au centre du pays…………….. Et on ne semble pas avoir conscience de celà car on continue avec les mêmes erreurs qui ont produit ce désordre………………. le pire dans tout ça est que pour rattraper le retard causé par la mauvaise gouvernance, il nous faut au minimum 20 ans de travail acharné et une prise de conscience collective, or vu la situation actuelle, je crois qu’on n’est pas sorti de l’auberge!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    • Le noir peut etre tres raciste sans le savoir! Nous savons tres bien que plusieurs aides qui etaient destine’es au nord, ont ete’ detourne’es a’ Bamako!
      LES CAIMANS DE BAMAKO SONT PARMI CEUX QUI ONT DETRUIT LE MALI!!!!!!! A defaut de permettre a’ chaque region du Mali de gerer son budget, je conseillerais vivement de donner une autonomie de gestion au nord! THEY CANNOT DO WORST THAN BAMAKO! LET THEM LEARN FROM THEIR OWN MISTAKES!!!
      AU LIEU D’UTILISER NOS MAIGRES RESSOURCES POUR LUTTER CONTRE LA PAUVRETE’, LES IDIOTS PARLENT DE DEPENSER DES MILLIARDS POUR ACHETER LES CANONS DE LA MORT!
      AW BE’ KA SABALI!!!!!
      DO BE’ NIA LA ANI DO BE’ NIA THIE’ LAKAW LA!!!!!

      • Don’t forget the fact “By creating the failed States, West creates new markets for their own businesses and security firms “(in the “Political economy of national security ” A.vrije 2016).

        • La recherche des matieres premieres et des debouche’s pour les produits finis ont toujourd ete’ les raisons de l’occupation de nos pays par les puissances coloniales. IL Y AVAIT DES CONDITIONS POUR NOS INDEPENDANCES ACQUISES!
          Je reconnais que la securite’ est devenue a big business mais si nous analysons de pres, on ne peut que constater que les grands decideurs ne veulent pas d’une destabilisation generalise’e dans leurs zones d’influence respectives.
          Civicus-Mali, les choses sont un peu plus complique’es!

        • Écoute écrive en jihadiste on n’a du mal avec le jihadiste tu écrit en terorist le français est englais,😂😂😂😂

      • Monsieur “Le Roi Biton de Segou”, je ne suis pas fan des réseaux sociaux et j’ai laissé passé pas mal de conneries sur ces réseaux sans réagir mais votre commentaire présent dépasse la mesure. Elle montre que vous êtes vraiment ignare dans l’histoire du Mali et même votre pseudo (Le Roi Biton de Segou) sur ce site est une honteuse usurpation. Êtes vous capable d’estimer ce que la rébellion Touareg a coûte au Mali depuis 1963 à nos jours ? Tous les secteurs sociaux économique ont souffert de cette rébellion.
        Je suis persuadé que non. Ce que vous dites c’est comme si quelqu’un se réveille un jour pour dire à la face du monde qu’Adolphe Hitler a été un saint homme.
        MALIWEB.NET devrait interdire vos commentaires.

        • Je ne partage pas que “Adolphe Hitler a été un saint homme”

          Mais je constate que Israel, ce petit juif est particulièrement Agressif en annexant et bombardant des civiles !

  4. N’écoutez pas les bobards de ces cabinets téléguidés par l’impérialisme ! Il n’y a pas de problème de gouvernance chez nous, mais comme le disent Salif KEÏTA et Mahmoud DICKO, il n’y a pas de terroristes chez nous, c’est les Français qui se déguisement pour terroriser nos populations. Le MALI est si bien géré que son Président passe la moitié de son temps dans les airs et sur des Tapis Rouges, cela fait des jaloux et des Aigris (comme moi) à travers le monde. 😛😜😛😜😛😜

    Notre armée est-elle dépourvue de moyens aériens ? C’est la France qui a refusé de nous prêter ses avions de chasse.

    Les sommes destinées à la santé, à l’éducation et à l’équipement de notre armée en guerre sont-elles détournées ? C’est la faute à ce FCFA que la méchante France nous a imposé.

Comments are closed.