BAMAKO – Plus d’un an après l’intervention de l’armée française dans le nord du Mali, la ville de Kidal, fief des Touareg et de leur rébellion, reste la ville de tous les dangers, où l’armée et l’administration maliennes peinent toujours à imposer leur autorité.
Des unités de l’armée, de la gendarmerie et de la police, ainsi que le gouverneur et quelques fonctionnaires sont bien revenus à Kidal, mais ils restent impuissants dans cette ville située à plus de 1.500 km au nord-est de Bamako. “Nous sommes simplement étrangers chez nous”, reconnaît sous couvert d’anonymat un soldat malien interrogé par téléphone depuis Bamako. “Aucun soldat malien ne s’aventure seul dans a ville”, ajoute-t-il en précisant que
lorsque l’armée y organise une patrouille, elle est toujours accompagnée de véhicules de la force de l’ONU, la Minusma.
Les soldats maliens, moins de 200, sont cantonnés hors de la ville. Avec environ 400 hommes, les Tchadiens de la Minusma constituent désormais la force militaire la plus importante à Kidal, le nombre de soldats français y diminuant progressivement, conformément au calendrier de retrait fixé par Paris et prévoyant le maintien au Mali d’un millier de soldats en 2014.
“Deux pouvoirs sont à Kidal: le gouvernement malien qui est comme en prison, et les Touareg armés qui sont chez eux”, affirme un officier tchadien. Les quelques policiers qui ont été envoyés à Kidal sont également “coincés” dans l’ancienne préfecture en attendant des locaux en cours de réfection. Comme les soldats, ils ne se hasardent en ville qu’avec les membres de la Minusma, et encore, seulement au grand marché central.
Un seul voleur y a été arrêté par la police en deux mois de présence, mais faute d’un tribunal fonctionnel pour le juger, il a été libéré, selon une source policière à Kidal. Aucun policier, aucun militaire malien ne peut circuler seul en ville sans courir le risque de se faire enlever, poursuit la même source.
Les rebelles touareg circulent librement
En revanche, les véhicules bourrés de combattants de la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qui, en vertu d’un accord signé en juin 2013 à Ouagadougou avec le pouvoir central de Bamako devaient être cantonnés et désarmés, y circulent librement.
Laminé par les groupes jihadistes alliés d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui ont occupé le nord du Mali pendant neuf mois en 2012 avant d’en être en partie chassés par une intervention armée internationale lancée en janvier 2013 par la France, le MNLA était revenu dans la ville quelques semaines plus tard, à la faveur de cette intervention.
Depuis, les rebelles touareg s’y sont bien implantés, selon des témoins, certains d’entre eux occupant le bâtiment vétuste de l’escadron de la gendarmerie nationale ou encore un poste de sécurité à l’une des sorties nord de la ville, qui conduit vers l’Algérie, située à 300 km de là. Mais le MNLA n’a pas empêché les infiltrations d’éléments jihadistes qui frappent régulièrement à Kidal les forces de la Minusma et ont enlevé et assassiné le 2 novembre 2013 deux journalistes français.
Le gouverneur de la ville, Adama Kamissoko, note cependant qu’il y a “quand même des progrès à souligner” par rapport à la situation qui prévalait à son arrivée à Kidal à l’été 2013. Il en veut pour preuve la réfection du bâtiment officiel -un temps occupé par les rebelles touareg- dans lequel lui et sa vingtaine collaborateurs doivent s’installer alors que pour l’instant ils “squattent” la mairie.
Le 15 février, “nous allons officiellement réceptionner des mains de la Minusma de nouveaux locaux du gouvernorat et certains bâtiments officiels, donc le travail va pouvoir commencer à reprendre”, affirme M. Kamissoko à l’AFP. Une source à la Minusma confirme, mais ajoute: “Nous avons quand même prévu, pour des raisons de sécurité, de mettre des barbelés autour du périmètre qui abritera les bâtiments officiels”.
Pour l’instant, ni le président Ibrahim Boubacar Keïta, ni son Premier ministre Oumar Tatam Ly, ne se sont rendus à Kidal depuis leur prise de fonction l’an dernier, signe que la sécurité n’y est pas suffisante. En décembre, le MNLA avait organisé une manifestation à l’aéroport pour empêcher l’avion du Premier ministre de se poser.
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