‘’L’ascenseur’’ du système éducatif malien est en panne depuis quelques semaines. Tandis que certains élèves et étudiants continuent avec les études, d’autres notamment du nord sont contraints à l’exil ou des vacances forcées du fait de l’occupation de certaines régions par des groupes rebelles. A quelques semaines des examens de fin d’année, le sort de ces milliers de jeunes se retrouve, de la manière la plus inéluctable, compromis. Quelles sont les décisions prises, par les plus hautes autorités du pays, face à cette situation ? Quels sont les enjeux pour les élèves, le système éducatif et le pays ? Quelles perspectives pour une meilleure gestion de cette situation ? Telles sont, entre autres, les questions qui méritent d’être posées.
Les 2/3 du territoire national sont occupés depuis, quelques jours, par les rebelles du MNLA, d’AQMI et d’Ançardine. Cette situation n’a pas été sans conséquence, que ce soit pour le Mali que ses partenaires. Sur le plan social, des centaines de maliens ont été contraints à l’exil créant du coup une crise humanitaire sans précédente. Les secteurs de l’économie n’ont pas été épargnés du fait du ralentissement des activités et la réticence de certains bailleurs de fonds. Politiquement, le pays est paralysé. Même si les multiples actions entreprises de part et d’autre, en la matière, annoncent une normalisation ; le mal est déjà consommé et les conséquences inévitables. Au delà de ces constats généraux, une sérieuse inquiétude persiste : le sort des élèves, en examen, dans les régions occupées ? Déplacés ou contraints de rester chez eux pour paralysie du secteur, ces milliers d’élèves se trouvent aujourd’hui dans une situation qui nécessite beaucoup de réflexions.
Les décisions prises : pour l’heure, rien de concrets n’a été décidé par les plus hautes autorités du pays. Les cours sont suspendus dans plusieurs localités du Nord. Confrontées à d’autres préoccupations telles que la sécurité, l’hébergement, la faim, la santé…les populations de ces localités occupées se déplacent pour leur majeure partie vers d’autres destinations. Du coup, les écoles se retrouvent sans élèves, ni enseignants. L’état et les collectivités, sensés trouver des réponses à ces problèmes, sont presque inexistants. Dans une interview accordée au journal ‘’Le Prétoire’’ (dans sa livraison du 16 avril 2012), le directeur national de l’Enseignement fondamental assurait que « des mesures sont en cours pour accueillir les élèves des zones affectées par la crise et la tenue des examens ». De ces propos, il ressortait que les dispositions prises étaient relatives à l’accueil des élèves venant du nord dans toutes les écoles, l’organisation d’une deuxième session d’examen pour donner une chance aux élèves en classe d’examen de composer, l’ajournement, au pire des cas, pour ceux qui n’auront pu continuer avec les programmes et le respect de la date des examens quelques soient les circonstances. C’est donc dire, que des décisions ont été prises. Cependant, seront-elles efficaces au regard de la situation et des différents enjeux auxquels le pays doit faire face ?
Les enjeux pour les élèves, le système éducatif et le pays : malgré la volonté des autorités scolaires de faciliter l’insertion des élèves venus du nord dans les différents établissements du sud, un problème persiste. Certains n’ont pu effectuer le déplacement vers le sud, tandis que d’autres ont préféré s’exiler dans des pays voisins. Cet état de fait s’explique à deux niveaux : il était plus facile pour d’autres de se rendre au Niger ou en Mauritanie qu’à Bamako, tandis que certains craignaient d’être stigmatisés ou confondus avec les bandits armés du MNLA. Ce sont donc plusieurs élèves qui se retrouvent menacer avec cette crise et, par ricochet, écarter des mesures prises par les autorités scolaires. L’issue pour ces jeunes reste pour l’instant une année blanche. Quant au système éducatif, déjà en proie à toutes sortes de difficultés, les conséquences sont toutes aussi désastreuses. Le réaménagement du calendrier scolaire, le recul du niveau des élèves, la démotivation des acteurs…en sont des illustrations de cet état de fait. Il faut aussi noter que plusieurs étudiants se retrouvent dans la même situation. Il s’agit, pour la plupart, de ressortissants touaregs, tamasheqs et arabes contraints également à l’exil quand bien même ils ne partagent pas la vision du MNLA et autres compagnons. En d’autres termes, les conséquences de la crise au Nord n’épargneront aucunement le système éducatif. De l’exil forcée pour certains à la perte de l’année scolaire pour d’autres, en passant par le changement brutal d’environnement éducatif : l’occupation des régions septentrionales aura de sérieux effets dans tous les domaines, sociaux, religieux, culturels, éducatifs, politiques, économiques… si aucune mesure n’est prise rapidement.
Les perspectives : au regard de la situation, plusieurs réflexions relatives aux cas des élèves et étudiants en exil doivent être menées. L’intégration des enfants venus à Bamako et autres localités non occupées doit être une priorité pour tous les acteurs du système éducatif. La recherche d’alternative d’éducation en faveur des enfants restés dans les régions occupées mérite une attention particulière. Le point exact, en ce qui concerne, les élèves et étudiants concernés par cette situation doit être fait le plus rapidement possible. Aussi, il faut tout mettre en œuvre pour sécuriser l’ensemble du pays et donner l’opportunité à tous les enfants et jeunes du nord de retrouver leurs familles et continuer leurs études. Nous tendons vers une année ratée pour des centaines de jeunes, hypothéquée pour certains, bricolée pour d’autres et sauvée pour ceux du sud. Pourquoi un tel sort pour des innocents qui ne demandent qu’à vivre et s’épanouir dans une nation de paix et de justice ?
GAOUSSOU YAH TOURE.