C’est la triste réalité qui prévaut actuellement au Nord-Mali où les éléments du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) opèrent en de véritables bandits dont la devise reste violer et piller. Ansar Eddine son compère, qui veut créer une République islamique au Mali, ne fait pas mieux que de profaner les tombes des saints de la ville des 333 saints.
« Le calme est revenu à Bamako, mais l’on retrouve encore des corps gisant ça et là dans les rues », a déclaré Moctar Mariko, président de l’AMDH. « La population civile est la première victime de ce conflit entre factions militaires », a-t-il déploré. « La communauté ouest-africaine, et plus largement, la communauté internationale doivent intervenir, notamment en apportant leur aide à l’armée républicaine malienne, afin de s’interposer entre les belligérants avant que la situation ne tourne au règlement de comptes. La population civile malienne est prise en otage, tant au Nord du pays qu’à Bamako. Les violences et tensions n’ont que trop duré, les pertes en vies humaines ne font que s’accroitre. Nous condamnons à nouveau tous ces actes et appelons à un cessez-le-feu durable qui permettra au gouvernement civil d’achever la transition », a-t-il ajouté.
« Les manœuvres pour la prise de pouvoir et le contrôle de la transition politique doivent cesser immédiatement », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. « Il faut garantir au gouvernement civil de transition la possibilité de mener à bien ses missions sans que plane le risque permanent d’un coup d’Etat ou d’un contre coup d’Etat », a-t-elle ajouté.
La situation au Nord du pays connait de nouvelles tensions malgré un calme apparent. Ançar Eddine semble contrôler les grandes villes et le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) leurs périphériques.
D’autres mouvements s’organisent et entrent dans la lutte pour la prise du pouvoir dans cette région. Le 25 avril, un nouveau groupe rebelle créé par des tribus arabes, le Front national de libération de l’Azawad (FNLA), s’est opposé à Ançar Eddine à Tombouctou. Ançar Eddine leur a déjà ordonné de quitter les lieux et parallèlement, semble vouloir se rapprocher du MNLA pour s’assurer le contrôle de la région et ainsi dissuader tout autre groupe d’occuper la ville.
« Au lendemain d’un sommet des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) à Dakar, nos organisations appellent la communauté internationale à se mobiliser plus massivement pour assurer une gestion de la transition politique par un pouvoir civil dégagé de toute pression des militaires. Il faut sortir de la passivité. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations unies doivent imposer aux acteurs de l’instabilité, le respect de la feuille de route pour la sortie de crise qui passe par l’organisation des élections », a déclaré Sidiki Kaba président d’honneur de la FIDH.
L’indignation des artistes et intellectuels
Les réactions sont unanimes au Mali après la profanation, vendredi 3 mai 2012 au matin, par des islamistes, du mausolée d’un saint de Tombouctou, Cheikh Sid Mahmoud. Dans un communiqué, lu samedi à la télévision nationale, le gouvernement de transition a dit avoir «appris avec indignation la profanation d’un mausolée perpétré par des individus sans foi ni loi». Le gouvernement a condamné «avec la dernière énergie cet acte inqualifiable qui foule au pied les préceptes de l’islam, religion de tolérance, et le respect de la dignité humaine» selon le communiqué. Dans la classe politique comme chez les intellectuels maliens, au delà de tout clivage et opposition, tout le monde se rejoint pour dénoncer cette ignominie.
«Acte de barbarie», «ignorance», «intolérance», les mêmes mots reviennent à chaque fois pour dénoncer ce sacrilège fait à l’identité malienne : samedi, à Bamako, les querelles autour de la transition ont cessé à l’évocation de la profanation du mausolée de Cheikh Sid Mahmoud.
Pour Abdou Sidibé, député de la région de Gao, en touchant au Patrimoine sacré de Tombouctou les islamistes ont commis l’irréparable : «Tombouctou a toujours été un phare. Le nom de Tombouctou est plus connu que le nom ‘Mali’. Tout le pays est consterné, cela dépasse l’entendement. C’est comme si le ciel tombe sur la tête» déclare le député.
Autre témoignage et même indignation, celle de Cheikh Oumar Sissoko, cinéaste mais aussi homme politique. Pour lui, cette profanation est le signe suprême de l’intolérance : «Ce mausolée fait partie du patrimoine culturel et spirituel de Tombouctou mais aussi de l’humanité. Engagement avait été pris de ne pas toucher au matériel spirituel, cet engagement est caduc et l’intolérance qui se développe aujourd’hui est une tragédie.»
Le professeur Baba Akib Haïdara est lui aussi choqué. Ce notable, originaire de Tombouctou a consacré toute sa vie à la restauration et à l’étude des manuscrits. Rappelons que Tombouctou est inscrite depuis 1988 au Patrimoine mondial de l’humanité pour ses trois grandes mosquées, mais surtout ses dizaines de milliers de manuscrits -dont certains datent de l’ère pré-islamique- et qui témoignent de l’âge d’or de ce grand centre intellectuel et religieux au XVIe siècle. Baba Akib Haïdara est un ancien ministre de l’Education nationale et il fut aussi le représentant de l’Unesco au Mali :
Baba Akib Haïdara : «Nous sommes touchés au plus profond de notre âme»
Je souffre et avec moi, tous souffrent de la même façon… On régresse, on régresse, c’est inacceptable… on s’attaque à des valeurs, à des esprits, à ce qu’il y a de profond dans l’âme de Tombouctou… Il faut dire à l’Unesco de mobiliser l’opinion internationale… Ce n’est pas ça l’islam et ça peut devenir une grand catastrophe si on ne fait rien.
«Un des premiers actes des forces armées, lorsqu’elles ont investi la ville de Douentza, ça été justement détruire le monument Djina Dogon. On n’est pas dans l’islam, on est dans la dégradation de toute trace de civilisation et de savoir » renchérit Ismaïla Samba Traoréécrivain et éditeur. Pour certains artistes et intellectuels maliens, la guerre au nord du Mali ne remet pas seulement en cause l’intégrité territoriale, elle touche plus encore à l’âme malienne.
Ces intellectuels viennent de lancer un manifeste pour la défense des patrimoines des zones sous occupation
Ibrahim Yattara.