Depuis janvier dernier, le Mali essuie des attaques d’une rare violence perpétrées contre des symboles de l’Etat et qui provoquent une crise sécuritaire dans la partie septentrionale du pays.
Face à cette situation pour le moins criarde, l’ancien ministre Mohamed Ag Erlaf a fait une déclaration dans laquelle il salue l’action des forces armées et de sécurité qui, selon lui, ont, jusqu’à la limite du possible, mené leur mission de protection des populations et de leurs biens et de défense de l’unité nationale et de l’intégrité du territoire. Par la même occasion, il apprécie l’action « héroïque » de tous les fonctionnaires anonymes qui, contre toutes les menaces qui ont pesé sur leur intégrité physique, sont restés à leurs postes le plus longtemps possible.
« Je suis convaincu que la patrie reconnaissante perpétuera la mémoire de tous ceux qui sont tombés sur le champ de l’honneur pour que le Mali reste Un et Indivisible ». C’est par ces mots que l’ancien ministre du régime « konaréen » et non moins Directeur de l’Agence d’investissement des collectivités territoriales (ANICT) et Coordinateur du Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement du Nord du Mali (PSPSDN), Mohamed Ag Erlaf, en tant que malien de souche et fier de l’être, s’est adressé à ses compatriotes. Selon lui, l’enchaînement des événements au Mali ne permet plus aux patriotes de se taire qui derrière une prétendue obligation de réserve, qui derrière des calculs politiciens de positionnement ou seulement « tétanisés par le choc du ciel qui leur tombe sur la tête ».
Pour toutes ces raisons, Mohamed Ag Erlaf s’est insurgé : « Je condamne, aujourd’hui comme depuis toujours, toute idée d’atteinte à l’intégrité territoriale du Mali et à son unité. En tant que natif de la région de Kidal, je la condamne parce que je n’ai donné mandat à personne pour me libérer, ni libérer ma communauté. Je la condamne parce que je suis un homme libre, respectueux de la liberté des autres. Je condamne aussi, avec la dernière rigueur, toutes les atrocités commises, toutes les privations de liberté extrajudiciaires, toutes les atteintes à l’intégrité physique et morale de mes concitoyens, quels que soient leurs auteurs et quelle que soit la raison invoquée pour les justifier ».
La tragédie actuelle que vit notre pays résulte de la conjonction de plusieurs facteurs liés à des menaces à la sécurité identifiées depuis des années et pour lesquelles une stratégie de lutte avait été élaborée. En effet, importants moyens humains et matériels avaient été déployés pour éviter la sanctuarisation d’une partie du territoire national par des groupes appartenant à des organisations du crime organisé commettant des actes terroristes qui y ont conduit à l’arrêt des actions de développement, plongeant les populations dans une précarité accrue. Selon l’ancien ministre, si l’on ne peut contester la pertinence des objectifs visés par la stratégie de lutte contre l’insécurité au Nord-Mali, il est indéniable que ce qui a le plus manqué, c’est le temps pour sa mise en œuvre : « Le temps de la partager et celui d’agir à hauteur de souhait, le temps de faire comprendre que l’insécurité dans les régions du Nord de notre pays a toujours été une menace majeure pour la stabilité du Mali et celle de l’ensemble de la sous-région sahélo-saharienne, le temps de gérer la naissance simultanée de mouvements radicaux autonomistes et religieux qui vient s’ajouter aux risques sécuritaires liés aux menaces telles que le trafic des stupéfiants et le trafic d’êtres humains et la circulation d’armes de guerre accentuée par les évènements survenus en Libye, le temps de garantir l’exercice de la souveraineté nationale sur l’ensemble du territoire malien, le temps de rapprocher notre administration de ses administrés, le temps d’assurer une mobilité accrue et efficace aux forces armées et de sécurité et le temps de relancer le processus de développement local ».
Selon Ag Erlaf, l’heure n’est plus aux justifications, ni aux récriminations, ni à la délation, ni aux critiques stériles, ni à jouer les « Cassandre », mais plutôt à la réaction, une réaction qui, selon lui, doit être lucide et intelligente face la situation dans laquelle notre Nation a été plongée du jour au lendemain ; une réaction pour gagner le combat du Mali uni, de la liberté et des libertés pour chaque malien sur un territoire un et indivisible. Aussi, l’ancien ministre, de marteler : « Je réitère mon appel solennel à tous ceux qui ont pris les armes au Nord pour qu’ils se ressaisissent, pour qu’ils arrêtent immédiatement les hostilités afin de faire place au dialogue et à la négociation avec leurs frères du Nord et du Sud du Mali, afin de ne pas détruire l’œuvre d’une si longue histoire commune. Tout est encore possible pour sauver l’unité nationale et l’intégrité territoriale du Mali. Tout est négociable sauf l’unité nationale et l’intégrité territoriale du Mali ! L’unité nationale et l’intégrité territoriale du Mali sont sacrées. Elles ont été mises à rude épreuve, mais nous pouvons les sauver ».
Aux grands maux les grands remèdes
De grandes démocraties européennes et africaines ont eu, ou ont encore, leur « Azawad ». Elles ont réussi à sauver leur intégrité et leur unité. Mais pourquoi pas le Mali ?, s’insurge l’ancien ministre Mohamed Ag Erlaf qui fonde sa conviction sur des signaux sociaux d’une grande valeur et d’une force incalculable qui permettront de parvenir au bout du tunnel.
Le Pacte national signé le 11 Avril 1992 (il y a vingt ans donc) continue de garder en son sein des pistes de solution à nos problèmes actuels, notamment la libre administration des collectivités territoires par des élus. Mais après douze ans de décentralisation et de gestion des affaires publiques par des élus, l’insatisfaction des aspirations d’une grande partie des populations demeure toujours, tant leurs attentes sont grandes de Kayes à Kidal, parfois incommensurables avec les moyens dédiés par l’Etat. Un Etat dont les efforts en matière de financement du développement local et de responsabilisation démocratique des populations dans la gestion des affaires publiques locale n’ont pas permis d’éviter la situation actuelle. Malgré tout cela, Ag Erlaf demeure convaincu de la pertinence de ces choix opérés par les premières autorités de la 3è République. « Toutes les politiques sectorielles peuvent connaître des difficultés de tous ordres dans leur application. La reforme malienne de l’Etat et de décentralisation a connu les siennes. Ces difficultés ont été accentuées par une mal gouvernance de la sécurité et du développement local et une crise identitaire religieuse tendant vers la radicalisation de nos pratiques de l’Islam. Mais jamais l’on ne saurait fonder les échecs sur l’exclusion ou la marginalisation d’une quelconque partie du territoire national, ni sur une discrimination négative de telle ou telle communauté nationale. C’est ça aussi le Mali », explique l’ancien ministre. Toutefois, il reste optimiste : « Ensemble, nous pouvons encore, en toute sérénité, évaluer nos politiques et reformes et sans complaisance, corriger nos erreurs ou nos maladresses en tenant surtout compte de ces réalités suivantes : l’étendue des territoires du Nord du Mali et la mobilité des populations qui exigent une gouvernance particulière et des moyens importants dédiés à la gouvernance de la sécurité ; le nouveau Code de la famille qui fait assez de place à la culture des populations locales, les Imams, les Qadi et les Uléma sont parties intégrantes du paysage politique et social du Mali. Aussi, nous ne devons pas avoir peur ou honte d’être des musulmans qui vivent pacifiquement en République et en démocratie à côté de chrétiens et d’animistes. Enfin, ce que nous devons à tout prix éviter, c’est la radicalisation de nos pratiques cultuelles ou rituelles ».
Et Mohamed Ag Erlaf, de poursuivre : « Dans une grande partie du Nord du Mali, les collectivités sont davantage humaines que territoriales, et les fondements de la culture locale doivent être préservés dans la mesure où ils ne portent pas préjudice à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale du Mali. La reforme de décentralisation demeure la seule voie de sortie de l’impasse dans laquelle certains se sont fourvoyés et ont enlisé toute la Nation. En fait, il faut des collectivités territoriales et des compétences réelles transférées avec les moyens nécessaires à leur exercice et des services déconcentrés de l’Etat pour apporter une réponse pérenne en matière d’encadrement et d’appui- conseil. Et il nous faut bâtir un autre Etat responsable, présent, mais pas étouffant ».
Malgré la précarité que le Mali connaît, la solidarité a toujours été un élément fondamental dans la distribution des richesses nationales : tous les maliens sont pauvres, et certains le sont plus que d’autres. Les régions du Nord du Mali sont plus vulnérables que les autres. Leur retard en matière de développement économique et social est réel. Mais ce retard ne justifie ni les moyens utilisés pour revendiquer un mieux-être pour les populations, sans les consulter, ni les pertes humaines occasionnées, ni les humiliations distribuées, ni l’exil forcé infligé aux populations, ni les désertions par crainte de représailles, ni la compromission d’une unité nationale en construction depuis des siècles. Le Mali ne se reconstruira que par ses enfants, en tout cas pas avec les canons et autres engins de mort, même portés par la CEDEAO, l’Union africaine ou les Nations Unies. Cependant, Ag Erlaf demeure convaincu que les aspects les plus saillants de la menace sur l’unité nationale du Mali demeurent transnationaux. « Face à ces menaces transnationales, l’implication, en premier lieu des autres pays du champ (Algérie, Niger, Mauritanie, Burkina Faso), avec qui nous avons déjà des programmes communs d’action pour circonscrire la crise dans son niveau actuel, me semble indispensable, tout comme l’assistance indispensable de la communauté internationale, surtout celle de l’Union européenne à laquelle le Mali est lié dans la mise en œuvre de la Stratégie Sécurité Sahel afin que la triptyque Paix, Sécurité et Développement soit consolidée », a-t-il conclu.
Jean Pierre James
Mr Erlaf, le dernier paragraphe de votre message laisse penser que vous etiez et vous êtes encore dans la logique d’ATT. S’il est vrai que “Le Mali ne se reconstruira que par ses enfants, en tout cas pas avec les canons et autres engins de mort, même portés par la CEDEAO, l’Union africaine ou les Nations Unies.” alors pensez vous que sans les armes le Mali pourra recouvrer la totalité de son territoire? Si oui, Comment expliquez vous en tant que cadre de Kidal, ancien ministre, coordinateur de l’ANICT, et responsable du dernier en date des programmes de développement des régions nord du Mali, vous n’avez pas pu mettre vos solutions à la disposition du pouvoir pour eviter au Mali cette crise grave?
De toutes les réactionz , le vôtre est le plus sage et plus le concret
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