«Chasser les envahisseurs et les Croisés des terres de l’Islam», tel est l’objectif des groupes armés. A défaut de parvenir à cette fin, les jihadistes d’AQMI à l’origine des attentats de Grand Bassam en Côte d’Ivoire, de Ouagadougou au Burkina Faso et ceux de Bamako au Mali semblent cependant avoir obtenu un résultat. Celui de susciter la crainte et la méfiance des ressortissants nationaux par rapport aux endroits fréquentés par les occidentaux. Et désormais plus que l’économie, ce sont les rapports sociaux entre les expatriés et les nationaux qui prennent un sérieux coup.
Grand Bassam – Côte d’Ivoire : la plage désespérément déserte
«Depuis l’attaque de Bassam, j’évite désormais autant que possible les grands restaurants, les supermarchés et les hôtels de luxe», affirme Patricia Konan, ivoirienne, habitante du quartier chic de Cocody» (source: « Connexion Ivoirienne ».
Et le site abidjanais de poursuivre : «Comme cette habituée des grandes surfaces, de nombreux abidjanais disent désormais se méfier de ces endroits généralement fréquentés par les occidentaux et qui sont bien souvent, selon le mode opératoire des djihadistes, les cibles privilégiées des attaques terroristes (…) La hantise de ces endroits dans la capitale économique ivoirienne s’est davantage accrue depuis l’attaque le 13 mars d’une plage de Bassam (ville balnéaire à 43 Km à l’est d’Abidjan) par un commando armé qui a fait un bilan officiel de 19 victimes dont quatre Français, une Allemande, une Macédonienne.
A Port-bouet (au sud d’Abidjan), Jean-Pierre Zongo, artiste-peintre, juge « difficile de retourner sur la plage ou dans les restaurants fréquentés par les européens ». Pour lui, “il faudrait un bon moment avant de repartir’’ dans ces endroits car l’attaque “est marquée dans les mémoires… On ne sait jamais » quand pourrait survenir une autre attaque, conclu le jeune burkinabè. Je fais désormais mes achats à la boutique tenue par le mauritanien du quartier’’, glisse avec un brin d’humour, Guillaume Adou, habitant de Marcory (au sud d’Abidjan).
Les raisons de cette peur ? «La méfiance de ces abidjanais est réelle, d’autant plus que dans son communiqué de revendication de l’attentat de Bassam, Aqmi a demandé “aux musulmans de s’éloigner des endroits fréquentés par les Occidentaux, pour ne pas être touchés lors d’une prochaine attaque». Selon toute évidence, le message semble bien perçu par ceux-là.
Toujours à Abidjan, indique le site, «en dépit de la propagande la plage de Bassam désespérément déserte… Il faut encore du temps pour que les plages de Bassam reprennent vie. Deux semaines après l’attaque djihadiste perpétrée dans la ville balnéaire, les convois en provenance d’Abidjan les weekends, les longues files de véhicules de particuliers qui créaient d’interminables bouchons à partir d’Abidjan, tout cela n’est plus d’actualité à Grand Bassam… A Bassam, les appels des autorités et la grande communication positive pour rassurer, sont loin de produire leur effet. Les abidjanais se méfient encore de la plage, les bassamois aussi».
Ouagadougou – Burkina: « Moins de Blancs »
Dans cet autre reportage de Jeune Afrique au Faso après l’attentat à l’Hôtel «Splendid», le scénario est presque identique. Le journal rapporte les complaintes d’un artisan bronzier :
«Vu que l’hôtel est saccagé, il y a moins de touristes, moins de Blancs. Mais on espère que les Blancs ne vont pas nous laisser tomber».
Il faut dire que toutes activités économiques, artistiques et touristiques à l’origine du rapprochement entre expatriés et nationaux sont ici arrêtées. Les uns et les autres restent terrés dans son environnement évitant tout contact avec l’autre.
Bamako : l’ACI 2000 désormais déserté
Le quartier ACI 2000 a été la cible de deux attaques. La première à l’Hôtel Radisson et la seconde au siège de l’EUTM.
Déjà réputé pour son insécurité, ces deux attentats ont quelque peu exacerbé la hantise dans le quartier. L’hôtel Radisson n’accueille désormais plus autant de clients avant l’attaque et ce, nonobstant, les communiqués visant à rassurer.
C’est parce qu’il s’agit d’un quartier huppé, habité par des occidentaux potentiels cibles des jihadistes que l’endroit n’attire plus autant les nationaux. Les usagers s’y font désormais rares en début de nuit. Les hôtels y redoublent de vigilance et les soldats de la MINUSMA y entament régulièrement des patrouilles. Pas de quoi rassurer !
Et si tout cela faisait partie du plan des jihadistes visant à scinder les deux groupes, occidentaux et nationaux, afin de mieux sévir ?
B.S. Diarra