La situation est difficile, indéniablement. Faut-il pour autant intérioriser la fatalité de « on ne peut pas faire autrement » ? Et si on ne peut pas faire autrement à qui s’en remettre et pour attendre quoi ? C’est plus que dramatique les morts par dizaines presque chaque jour sur l’ensemble du territoire, dans une orchestration qui n’est nullement le fait du hasard. Ceux qui nous tenaillent sont bien organisés et savent ce qu’ils visent et se sont donné les moyens de l’atteindre.
La question est terrible, mais elle est celle-là : nous en face qu’elle est notre objectif ? On n’arrive à rien, si on n’a pas d’objectifs préalablement et clairement établis. En face de nous, il ne s’agit ni d’une simple délinquance à gérer par les méthodes policières ordinaires (renseignements, répressions et jugements), ni d’une menace militaire classique qu’il faut contrer par une armada redoutable. La preuve, ceux d’en face viennent en haillons sur des mobylettes avec un armement presque classique. Les moyens sophistiqués qu’ils ont, sont le plus souvent ceux qu’ils ont pris sur nos forces de défense. Quelqu’un a-t-il entendu une fois ces gens se plaindre d’une absence de moyen ? Sankara disait du reste, que l’abondance de moyens traduisait l’incapacité des combattants et de leur chef.
Ce ne sont pas les moyens qui font la guerre. Mais la conviction a une cause. Les moyens n’inculquent pas la volonté de se battre. La volonté de se battre découle d’une raison qui nous y incite.
L’enjeu ne se pose pas en terme de moyens, en tout cas pas essentiellement, mais plutôt en volonté de se battre et d’accepter mourir pour la cause. C’est cela l’enjeu aujourd’hui. Ce qui explique que nous perdons du terrain depuis 2016.
Ceux d’en face n’ont pas plus de moyens. Ils ont plus de conviction. Ce qui explique que malgré la rusticité des moyens dont ils disposent, ils prennent progressivement et résolument le dessus sur nous. À regarder les choses de près, il n’y a rien qui montre une inversion de la situation actuelle à très court terme.
Au même moment, ce qui semble se dessiner dans nos rangs, c’est le désespoir avec les malheureux réflexes qui vont avec. Nous sommes en train de nous en vouloir mutuellement. D’un côté, l’expression débridée des peurs qui s’échappent des poitrines déboussolées, de plus en plus, en défiance ouverte contre le pouvoir établi. De l’autre, la réaction instinctive d’absence d’assurance qui se caractérise par un autisme. Cette situation ne renforcera pas la lutte contre l’ennemi d’en face. À contrario elle le renforce et fait son jeu.
Fixons nous un objectif lisible !
Il est important et urgent de repréciser les objectifs qui sont poursuivis dans la lutte actuelle contre le terrorisme. C’est en le faisant que le président du Faso pourra rétablir un contrat de confiance avec la majorité des Burkinabè qui ne demande rien d’autre que de s’accrocher à un espoir. Si les gens n’ont plus d’espoir, on ne peut plus rien attendre d’eux. S’il n’y a plus d’espoir, le pire devient inéluctable.
Il faut donc rendre public, la nouvelle doctrine annoncée à l’occasion de l’adresse à la nation qui a précédé le dernier remaniement. Il faut la rendre publique et la rendre intelligible.
Ce que nous recommandons fortement, c’est de sortir dans l’enfermement mortifère des deuils à répétitions. Mourir est inacceptable. Mais savoir que la mort prélude à un avènement salvateur et de dignité pour la grande majorité rend acceptable les morts et atténue les douleurs.
En ce moment on ne va pas pleurer nos morts, mais nous allons les célébrer.
Aujourd’hui ceux qui meurent pour la patrie se retrouvent à ressembler à des morts « encombrants ». La peur panique de la colère des familles conduit de plus en plus à des inhumations à la sauvette. Or c’est le contraire qui aurait dû se produire. Nos morts sont nos héros, nos martyrs et nous devons les célébrer de la façon la plus digne possible. A leur enterrement tout le pays doit s’arrêter. Nos illustres imams et évêques doivent leur réciter les versets les plus accomplis dédiés aux personnes qui ont vécu digne et utile.
Mais cela n’est possible que dans un réarmement moral nouveau consécutif à un nouveau « deal » national.
En l’absence de ce préalable bien défini et bien compris nous serions dans un contraire inacceptable. C’est le sens donné à la raison d’accepter mourir pour une cause qui justifie une ritualisation nationale des obsèques aux martyrs.
Reprenons vite les choses en main !
Aucune rébellion armée ne peut prospérer si elle ne fait pas corps avec la majorité des populations dans son bastion. Si les rebelles n’y sont pas comme poisson dans l’eau…. » Je cite une récente réflexion de Maixent Somé.
Mao avait préconisé de vider la mare afin de cibler le poisson. C’était la réalité des années quarante et cinquante et dans le contexte politique de l’époque. Il se trouve aujourd’hui que l’eau et le poisson se confondent. L’eau est parfois poisson et le poisson est parfois l’eau. Vider simplement la mare dans ces conditions, peut-il tarir le phénomène ?
C’est peu probable. Le nouveau « deal » à construire doit impliquer justement une immersion dans la mare pour gagner les poissons. Si la confiance est rétablie, nous amorçons l’inversion de la situation et nous irons à la victoire.
Il n’y a pas une autre alternative. Mais le plus important, c’est de sortir de l’enfermement où nous sommes confinés dans la spirale des morts.
Si nous sommes réduits, tétanisés à compter nos morts nous courons vers l’abîme. Chaque mort va nous rapprocher à grande vitesse du précipice. L’ennemi a déjà fait son plan. Avec un front de guerre aussi étiré sur plus de 1000 km, il n’y a rien à faire, il est impossible d’éviter des morts. En face, l’ennemi n’a pas peur de mourir. Il y est même préparé et il sait pourquoi il meurt. Le temps n’est plus notre allié. Au contraire, il joue contre nous. Dieu aide ceux qui s’aident !
NAB