17 survivants des conflits et attaques causés par les djihadistes, Famas, Donso et les coups d’Etat ont témoigné devant la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) sur les violations qu’ils ont endurées depuis des années. Les témoignages se sont déroulés lors des audiences publiques du 18 septembre 2021.
Selon le récit de Gaoussou Diarra, Me Mariam Diawara, Abdoulaye Sissoko, leurs arrestations avec 40 autres cadres, enseignants, avocate ou écrivain lors du coup d’Etat du 19 novembre 1968 a laissé des séquelles. Ils ont accepté de témoigner de leur souffrance et au nom de leurs consorts. Ils ont indiqué qu’ils ont été détenus arbitrairement dans un premier temps à la permanence du parti puis déportés un peu partout dans le pays. Pendant leur détention, ils affirment avoir subi plusieurs types de violations graves des droits de l’homme tels que les tortures, traitements cruels, inhumains ou dégradants. Pour d’autres, leurs parents ont passé 10 ans en détention, sans être jugés. Certaines femmes victimes ont été interdites d’observer le veuvage.
Fousseyni Diallo est éleveur et conseiller du chef de village. Binta Dembélé, une ménagère. Tous habitants de Koulogon-Peuhl à Mopti. En 2019, leur village a été pillé, avec des morts, des déplacements forcés. Selon eux, cette exaction est le fait des Donzo. Plus de 45 personnes sont morts dont 15 de la famille Diallo.
« Le président avait instruit au chef d’état-major général de l’armée de prendre des dispositions pour sécuriser le village et en application de cette instruction des militaires sont restés au village pendant 7 mois. A leur départ, les assaillants sont retournés pour saccager tout ce qui restait comme biens matériels. Le baptême d’un nouveau-né devrait avoir lieu ce 1er janvier 2019, mais malheureusement ce baptême n’a plus eu lieu car ce bébé a été calciné au cours de la même attaque. Suite à cela, certaines familles ont été obligées de quitter le village » ont-ils soulignés.
Agé de 37 ans Adama Touré Assagaïdou a 3 femmes et 12 enfants. Il est cultivateur et imam dans son village. Il a été arrêté en 2013 à Gao par les FAMas. Il a été torturé, il a subi des traitements inhumains et dégradants dont il garde les séquelles physiques, traumatismes et perte de mémoire. La victime a affirmé qu’à cette époque, les FAMas ont fouillé toute sa maison et tout saccagé croyant trouver des preuves de son appartenance au Mujao. Il ajouta qu’il a été ligoté et conduit au camp 2 de Gao où il était soumis à un interrogatoire sévère. Ils l’ont torturé, humilié avant de l’envoyer à la gendarmerie de Gao. Là encore c’était le même interrogatoire. Il a été privé de nourriture apporté par sa propre famille et enchaîné avec un autre détenu. Trois jours après, la victime a été libérée. Mais, il a déclaré avoir été considérablement touché par l’humiliation subie et de la part de l’armée de son propre pays.
Sangaré Korotoumou, âgée de 28 ans avec trois enfants affirme avoir été enlevée, séquestrée et mariée de force à Gatji, Commune de Youarou à Mopti en 2012 par les djihadistes. Elle est une aide-soignante à Ségou, elle se dit très stigmatisée et humiliée par ce déplacement forcé.
En dehors de ces victimes citées, plusieurs autres ont témoigné leur douleur devant le public. Ils sont victimes d’atteintes au droit à la liberté (arrestations, détentions, enlèvements, séquestrations) ; atteintes au droit à la vie et à l’intégrité physique (assassinats, meurtres, tortures, traitements inhumains, cruels et dégradants) et disparitions forcées.
Fatoumata Kané
REPARATIONS POUR LES VICTIMES D’EXCATIONS AU MALI
Pour la création d’un havre de paix
La CVJR a tenu sa quatrième audience publique ce samedi 18 septembre 2021, au Centre international de Conférence de Bamako. 17 victimes des conflits nationaux ont exprimé leurs souffrances et amertumes ressenties après une violence qu’elles ont subie.
L’ouverture officielle fut présidée par le colonel-major Ismaël Wagué, ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale. « Après les 3 premières audiences publiques, de nombreuses victimes ont témoigné auprès de la CVJR, de leur volonté de comparaitre sur l’un ou l’autre des thèmes déjà abordés afin de partager avec la nation malienne leur vécu, mais toujours dans un esprit de pardon et de réconciliation nationale. C’est la raison pour laquelle, l’assemblée plénière de la CVJR a décidé de consacrer la présente séance aux trois premiers thèmes passés à savoir, les atteintes au droit à la liberté (arrestations, détentions, enlèvements, séquestrations) ; les atteintes au droit à la vie et à l’intégrité physique (assassinats, meurtres, tortures, traitements inhumains, cruels et dégradants) ; les disparitions forcées », a expliqué Ousmane Oumarou Sidibé, président de la CVJR.
Selon lui, le droit à la liberté est une dignité fondamentale et quiconque la perd mérite d’être aidé à la récupérer.
Les victimes, à travers leur représentante Mme Fatoumata Touré, ont exprimé leur joie et leur reconnaissance pour la tenue des audiences publiques qui, selon elles, portent leurs voix aux plus décideurs du pays. Ainsi, elle a rassuré la commission pour accompagner toutes les audiences prévues par la CVJR.
« Nous demandons aux autorités de la transition de mettre les victimes aux premiers rangs dans l’organe qui s’occupera de la réparation afin d’éviter de faire encore plus de frustrés et de victimes que les crises ». « Ici, seules les victimes seront entendues, la CVJR leur offrant un cadre digne et sécurisé où elles pourront raconter les souffrances. L’audience publique est un espace d’écoute respectueuse, où les victimes ont un rôle de premier plan. C´est un cercle de solidarité, construit autour du récit. Elle permet surtout de rendre aux victimes leur dignité, d’intégrer leurs récits à la mémoire nationale et de faciliter un début de guérison », a-t-il précisé.
« Je tiens à affirmer ici notre condamnation sans réserve des violations de droits de l’Homme quels que soient leurs auteurs. Nous condamnons fermement toutes les atteintes aux droits de l’Homme en particulier celles qui font l’objet des audiences publiques de la CVJR. Même si notre histoire nationale a connu des épisodes douloureux, il faut aussi admettre que le pardon demeure une valeur cardinale de notre société, un socle sur lequel nous devons bâtir la réconciliation nationale que tous nos compatriotes appellent de leurs vœux », a dit le ministre Wagué avant d’annoncer deux projets, une loi et un organe de réparation.
Fatoumata Kané