Au Mali, retour à la “case” départ

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Afghanisation, talibanisation, balkanisation… La terminologie utilisée par lesmédias concernant la situation dans le Nord du Mali, nous rappelle la situation de l’Afghanistan au début de la guerre éponyme en 2001. À cette même période, les talibans détruisaient les Bouddhas de Bâmyân tandis qu’aujourd’hui, des éléments d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) détruisent les mausolées de Tombouctou.

Pourtant, beaucoup de témoignages semblent corroborer la responsabilité de ces exactions aux membres du groupe Ansar Eddine (défenseur de l’Islam). Les avis divergent selon les sources et rendent complexe le traitement de cette information. Qui sont les islamistes qui dominent désormais l’ensemble du Nord-Mali ? Comment vivent les populations des grandes villes du septentrion malien (ou Nord) ? Que peut faire le Sud pour aider ses ressortissants du Nord ?

DES INSTANCES TIERCES PROMPTES À L’IMMOBILISME

Nous sommes actuellement et véritablement dans le flou. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder tout l’attentisme autour de cette actualité. Le Conseil de sécurité des Nations Unies refuse de faire voter une résolution d’intervention militaire de peur de voir la force des casques bleus déployés s’embourber et préférant la voie de la sanction économique. La responsabilité du traitement de la crise malienne incombe, sous couvert de responsabilisation, désormais aux organisations sous-régionales africaines, l’Union africaine (UA) et la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest en tête (CEDEAO). De son côté, l’Algérie, pourtant acteur majeur de la résolution des précédents conflits entre les rebelles touaregs et Bamako, est obligé de garder une certaine neutralité en particulier à cause de la captivité d’une partie de son corps diplomatique enlevé à Gao en avril dernier dont trois ont été libérés récemment.

AU NORD, UNE LENTEUR DÉCISIONNELLE QUI PROFITE AUX MAÎTRES DES LIEUX

Pendant ce temps au Nord, les rebelles du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) ont perdu toutes leurs positions territoriales au profit des islamistes (AQMI, le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest, MUJAO et Ansar Eddine). Devant cette déroute, le MNLA est prêt a renoncer à ses désidératas sécessionnistes (Mali : le MNLA prêt à renoncer aux revendications indépendantistes, Malijet.com) au profit d’un soutien de la communauté internationale se posant en alternative laïque à la montée de l’islamisme radicale dans la zone.

D’ailleurs, les groupes wahhabites se renforcent sur l’Azawad dans l’idée de créer un califat transnational. Ils développent une idéologie rigoriste avec une interprétation individuelle de la charia (Abdlemajid Charfi : “Au Mali, Ansar Eddine est sous l’influence directe du wahhabisme”, jeuneafrique.com) rejetant, du même coup, toutes les autres pratiques religieuses. Quant aux populations vivant dans les villes de Tombouctou ou de Gao, si elles n’ont pas quitté les lieux, elles vivent de rationnement (pour l’eau et l’électricité) et subissent l’inflation des denrées alimentaires.

POUR LA RÉSOLUTION DU CONFLIT, LE SUD EN PREMIÈRE LIGNE

De manière similaire, les populations du Sud vivent un peu dans l’expectative tant la question du Nord est primordiale pour l’unité du pays. D’un point de vue géostratégique, le Nord, zone de trafic, est aussi une porte d’entrée pour le commerce. L’enclavement du pays et la crise ivoirienne ont favorisé le retournement des flux marchands vers le Nord. Pour une économie essentiellement axée sur l’informel, le commerce constitue une de ses principales ressources. De plus, il faut noter que la situation sociopolitique se détériore depuis la difficile succession en 2002 d’Alpha Oumar Konaré par Amadou Toumani Touré. Depuis, la classe politique malienne n’a cessé d’être décrédibilisée aux yeux des électeurs. Par exemple, l’agression du président Dioncounda Traoré, le 22 mai 2012, révèle une forme d’antagonisme populaire contre la vieille garde politicienne malienne. Aussi, le gouvernement de transition actuel dirigé par Cheikh Modibo Diarra, ancien président de Microsoft Afrique, possède aujourd’hui le poids de la transition politique avec une crédibilité internationale fortement écornée depuis son absence au sommet de Ouagadougou (Burkina Faso), le 7 juillet 2012.

L’intervention en Libye par la coalition internationale en mars 2012, n’est pas à proprement parler, le facteur premier expliquant l’embrasement de la sous-région. En effet, l’effritement graduel de l’État malien depuis sa démocratisation en 1991 a amené, de manière analogue, le pays vers une fragilisation du pouvoir presque inextricable. La solution militaire envisagée doit prendre en compte tous les aspects ethnogéographiques de la zone qu’ils soient au Nord comme au Sud.

 

Le Monde.fr | 30.07.2012 à 09h02

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