Au Mali, l’assassinat d’un ex-chef rebelle menace un accord de paix déjà fragile

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Assassiné à Bamako le 13 avril, Sidi Brahim Ould Sidati était l’un des signataires de l’accord de paix d’Alger, en 2015.

Il incarnait une part de paix fragile, dans un pays morcelé et menacé de toute part. Sidi Brahim Ould Sidati, président en exercice de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), une coalition d’anciens rebelles indépendantistes qui avait déclaré la guerre à l’Etat malien en 2012, a été assassiné par balles mardi 13 avril. L’attaque a eu lieu en plein jour devant son domicile de Bamako, la capitale du Mali. Les deux individus soupçonnés de l’avoir abattu n’ont pas encore été formellement identifiés. Un suspect a néanmoins été arrêté.

« Homme de consensus »

En 2015, Sidi Brahim Ould Sidati avait représenté la CMA lors de la signature de l’accord de paix dit d’Alger avec l’Etat et la Plateforme, une coalition de groupes armés loyale au pouvoir. Les ennemis d’alors s’étaient engagés à préserver l’unicité du Mali. Six ans plus tard, le pays est toujours entier, mais à genoux : au nord et au centre, les djihadistes étendent leur emprise. « L’assassinat de M. Ould Sidati est un coup dur pour le gouvernement de transition [instauré après le renversement du président Ibrahim Boubacar Keita, le 18 août 2020 ]. Il était l’une des pièces maîtresses du processus de paix », glisse un diplomate malien, qui craint que sa disparition ne vienne encore retarder la mise en œuvre de l’accord.

Depuis sa signature, les changements négociés peinent à se concrétiser. Censés avoir remis leur arsenal et obtenu l’intégration d’une partie de leurs hommes au sein de l’armée malienne, les combattants des ex-groupes rebelles – dont le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) de M. Ould Sidati – n’ont pas déposé les armes. Face à un gouvernement central méfiant, ils revendiquent une plus grande autonomie pour leurs régions et une meilleure représentation des citoyens du Nord au sein d’instances nationales réformées. Dans la province de Kidal, début avril, des protestataires ont dit vouloir se désengager de l’accord conclu en 2015, faute d’avancées.

Pourtant, « il n’y a pas d’alternative à ce texte. M. Ould Sidati, lui, le défendait, souligne Jean Ntole Kazadi, conseiller spécial du Centre Carter, l’observateur indépendant du processus de paix malien. C’était un homme de dialogue, qui discutait franchement avec le gouvernement ainsi qu’avec tous les autres mouvements armés ». Après l’assassinat, les hommages se sont multipliés pour saluer la mémoire de cet ancien enseignant, « homme de consensus », qui, selon Mahamat Saleh Annadif, représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, « faisait partie de ceux qui croient et œuvrent réellement pour la paix et l’unité du Mali ».

« Un tournant »

Le successeur de M. Ould Sidati à la tête de la CMA poursuivra-t-il cette voie ? Certains en doutent. Des membres de la coalition, dont certains combattants du MAA de M. Ould Sidati, ont déjà été accusés de jouer un double jeu, déclarant publiquement œuvrer pour la paix mais se montrant en réalité complaisants avec les djihadistes. « M. Ould Sidati ne trempait pas dans ces histoires. Pour lui, la seule manière de vaincre les terroristes était de mettre en œuvre ce texte », assure une source onusienne.

Le gouvernement a déclaré avoir ouvert une enquête pour que toute la lumière soit faite sur « cet acte abominable » dont les motifs restent flous. Pour certains, le processus de paix était directement ciblé, tandis que d’autres y voient un règlement de comptes entre Bérabiches, la tribu arabe du nord du Mali à laquelle M. Ould Sidati appartenait. Il aurait ainsi payé sa trop grande proximité avec l’Etat. En 2015 et 2016, deux tentatives d’assassinat avaient déjà visé des cadres arabes de l’accord de paix, à Bamako.

« Cet assassinat est un tournant. Jamais un dirigeant de cette importance n’avait été liquidé dans notre capitale. Ça souligne une escalade de l’insécurité », analyse un ancien ministre. Chez les proches de M. Ould Sidati, le deuil se mêle à la colère. Aucune protection n’avait, selon eux, été fournie à leur chef par les autorités, pourtant censées veiller à la sécurité des hauts cadres impliqués dans l’accord d’Alger. « Il y a eu négligence du gouvernement et il doit la réparer », tance Mohamed Elamouloud Ramadane, le porte-parole de la CMA, tout en exigeant que l’enquête judiciaire ouverte soit menée de concert avec la communauté internationale, « pour plus de clarté et de franchise ». Un signe de plus que la confiance entre l’Etat et les anciens rebelles, déjà bien fragile, ne tient plus aujourd’hui qu’à un fil.

SOURCE: https://www.lemonde.fr/afrique

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