Au centre du Mali, des centaines de Peuls fuient les violences

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A Bamako, au marché à bétail de Niamana, dans le camp des déplacés du village de Sadia. Nicolas Réméné (photo archives)

Les heurts ont fait au moins 209 morts en 2018. A l’origine des conflits : les litiges fonciers entre les éleveurs peuls et les agriculteurs dogon.

Entre les quatre clôtures de bois, deux vieilles femmes, visiblement affaiblies, se reposent sous une tente. Devant, huit enfants mangent à même le sol dans une gamelle au-dessus de laquelle tournent des dizaines de mouches. Cet enclos insalubre du marché au bétail de Niamana, en périphérie de Bamako, accueille d’ordinaire bœufs et moutons. Mais depuis le 15 décembre 2018, ce sont 114 hommes, dont 60 enfants, qui y dorment sur la terre humide. « Regardez bien, ce sont eux les supposés terroristes du centre du pays », ironise, un brin amer, Hamadoun Dicko, le responsable jeunesse de l’association peule Tabital Pulaaku.

Dans le centre du Mali, les conflits intercommunautaires opposant des miliciens peuls à la milice dogon Dana Amassagou se sont multipliés ces derniers mois. En 2018, au moins 209 personnes ont été tuées dont 13 enfants, selon la Mission des Nations unies au Mali (Minusma). A l’origine des conflits : les litiges fonciers entre les éleveurs peuls et les agriculteurs dogon.

« Tout avait été incendié »

Depuis 2016, la montée en puissance de la katiba Macina, groupe djihadiste fondé par le prédicateur peul Amadou Koufa, a entraîné une stigmatisation des Peuls, de plus en plus confondus avec les terroristes par les autres ethnies. « Les Peuls sont confrontés à trois problèmes : l’Etat, Dana Amassagou et les djihadistes. Quand l’armée ou les Dana Amassagou trouvent un Peul, ils le tuent car il n’est pour eux qu’un djihadiste. Et quand les djihadistes tombent sur les Peuls, ils les tuent aussi, parce qu’ils ne sont pas de leur côté », simplifie Hamadoun Dicko.

Assis à sa droite, Hamidou Bah, le président de la jeunesse de Niamana, est le seul à accepter de se replonger dans l’horreur que lui et les 113 autres habitants de Sadia (cercle de Bankass, centre du Mali) ont vécu le 13 décembre 2018. « J’étais tranquillement assis avec ma femme quand, subitement, j’ai vu mon village se faire encercler par plus de cent chasseurs dogon. Nous avons tous fui dans la forêt (…). Quand les jeunes sont partis voir l’état du village, il n’y avait plus rien. Tout avait été incendié », détaille-t-il, les larmes aux yeux. Au pied d’une des cases brûlées, gisaient les corps d’une vieille femme et de son enfant. Incapable de marcher, elle n’avait pas réussi à fuir.

Dans le cercle de Bankass, les massacres entre communautés se sont multipliés fin 2018. Human Rights Watch dresse le bilan d’au moins 34 civils tués par les miliciens dogon les 5, 12 et 13 décembre. Dans le nord du pays, selon l’ONG, des Peuls armés ont attaqué le 12 décembre deux campements touareg, causant plus de 45 morts. La liste ne fait que s’allonger, sans que l’Etat n’intervienne avec suffisamment de vigueur pour que les conflits s’arrêtent. Le dernier en date a eu lieu le 1er janvier à Koulogon.

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