Dans la nuit du 1er au 2 mai dernier, les forces spéciales américaines ont assassiné, au Pakistan, le chef du réseau de terrorisme international, Oussama Ben Laden. Al Qaeda, qui a de nombreuses ramifications dans le monde, est également représenté au Sahel par AQMI. Quelles pourraient être les répercussions de la mort de Ben Laden ?
Depuis le début de la semaine dernière, le réseau international de terrorisme, Al Qaeda, est écimé au plus haut sommet, particulièrement depuis l’assassinat par l’armée américaine de son chef historique, Oussama Ben Laden. Ce réseau, au niveau mondial, a toujours été dirigé d’une main de fer par Ben Laden, lequel avait suffisamment d’influence sur ses hommes, notamment son second, l’imam égyptien Ayman Al-Zawahiri. Surtout, il bénéficiait de ressources financières colossales qui lui permettaient de créer et d’entretenir des cellules actives dans toutes les régions du monde. Dans la bande sahélo saharienne, principalement dans le nord du Mali, se trouve une de ces cellules : AQMI (Al Qaeda pour le Maghreb islamique). Plusieurs spécialistes de la question s’accordent pour dire que depuis un certain temps, Ben Laden ne finançait plus comme auparavant les différentes cellules d’Al Qaeda. Il n’en demeure pas moins que l’homme continuait d’user de son influence et de son charisme pour garder le contrôle sur ses troupes, surtout sur leurs activités. Et celles-ci ont trouvé les moyens de survivre sans trop dépendre de « la base» (signification d’Al Qaeda).
Dans le Sahel, leurs principales activités consistent à monnayer des otages et à s’adonner à divers trafics. Il se trouve que jusque là, les terroristes se contentaient de sous-traiter avec les communautés autochtones (notamment Touareg, Sonrhaï).
Selon plusieurs recoupements, les enlèvements d’étrangers sont plutôt le fait de ces communautés qui revendaient ensuite les otages aux terroristes. Quant aux trafics, les terroristes s’appuieraient sur l’expertise du milieu de ces communautés pour convoyer ou garder leurs «marchandises».
Avec la décapitation d’Al Qaeda, les cellules gagneront plus d’autonomie et de liberté de décision, et seront contraintes de prendre des initiatives propres pour avoir plus de fonds et de moyens d’action.
Aqmi étant présente dans le Sahel depuis trop longtemps, elle en connaît maintenant les moindres coins et recoins, connaît les pistes et grottes, connaît l’emplacement des mines antipersonnel et pièges. Elle n’a donc plus besoin des services de convoyage et de gardiennage des populations locales. Elle peut elle-même opérer les enlèvements des étrangers, un «commerce» assez lucratif. Mais si elle peut ne plus avoir recours aux autochtones pour ces activités précises, les jeunes désœuvrés, les ex-bandits armés et les anciens rebelles constituent pour elle un formidable vivier de recrutement dont le but est d’élargir, de fortifier et de rendre plus opérationnelles les différentes cellules. La chose serait d’autant plus aisée que ces jeunes désœuvrés, ex-bandits armés et anciens rebelles, selon plusieurs sources crédibles, seraient en train de se réorganiser dans le nord du Mali. Le nord du Niger serait dans la même situation de reconstitution de certains mouvements armés. Si le but exact de tout ce remue-ménage n’est pas encore connu, Aqmi pourrait largement profiter de la situation et établir une plus solide connexion avec des autochtones qui ont reçu en renfort des hommes et des armes en provenance d’une armée libyenne en déroute. Autant dire que des menaces réelles planent sur la bande sahélo saharienne.
Par ailleurs, l’Occident doit craindre des représailles sur les cinq otages (quatre Français et un Italien) détenus encore dans le nord. Pour venger l’assassinat de Ben Laden, Aqmi pourrait s’en prendre à ses otages, même si la responsabilité de la France et de l’Italie n’est pas engagée dans l’attaque contre la résidence du chef d’Al Qaeda.
Cheick TANDINA