Assassinat d’Abdoulaye Oumar Maiga : Règlement de compte ou meurtre prémédité

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Un symbole de Gao, Abdoulaye Oumar Maïga dit Abdoulaye Opitain, s’est éteint le 25 novembre 2018 avec ses deux gardes du corps. Leurs corps ont été criblés de balles. C’est toute la région qui est amputée d’un ses bras économiques. L’émotion se mêle au deuil et les larmes refusent de tarir. Avec cet assassinat, deux hypothèses se dégagent.

 La tristesse, la colère, le désir de vengeance et l’amertume ont régné toute une semaine dans la capitale de la 7e région du Mali. Les écoles, les commerçants et les opérateurs économiques compati à la brutale disparition d’Abdoulaye Oumar Maïga dit Opitain. Chacune de ces corporations a observé le deuil en sa façon. Les élèves ont juré de ne rentrer en classes qu’après son enterrement (le mercredi, Ndlr).

Chacun, dans la ville de Gao, se souvient de ses multiples bienfaits envers les pauvres, les plus démunis, les religieux, les autorités administratives et les particuliers. Tout ce qui va dans l’intérêt général de la région était son affaire personnelle. Tous se souviennent de lui avec une seule et unique épithète “l’homme plus généreux et dispendieux de Gao”. Même le président IBK garde un souvenir ému de l’homme. Lors de son dernier passage à Gao pendant la campagne présidentielle, il a dit ceci : “Je ne pensais pas qu’à Gao il pouvait y avoir une si belle maison qui me fait souvenir d’un hôtel au Maroc”.

Il était cette fierté vantarde dont les autorités, les notables, la jeunesse, les femmes, les associations, les pauvres savaient compter en cas de besoin. Ses voisins sont les plus attristés. Les traces de l’homme sont visibles partout dans la capitale régionale et même au-delà.

Avec cette image qui le couvre, il commençait à être gênant pour les autres opérateurs économiques de la région mais aussi les membres de ses anciens clans avec lesquels il avait débuté ses activités économiques. Selon ses proches, il savait parfaitement qu’il était dans le collimateur de ses multiples rivaux car son intime ami a été enlevé par des inconnus et a disparu sans traces ni nouvelles depuis deux longues années. Son ami a été kidnappé par des malfrats qui voulaient lui rendre sa monnaie par la mort.

Qui est derrière cet assassinat ?

Sans hésiter, selon un confrère de la place, certains doigts accusateurs se dirigent vers le MNLA. Il est vrai que la ville et sa région font l’objet de certaines convoitises qui ne disent pas leur nom. “Des anonymes sont tués tous les jours à Gao, mais on en parle pas”. Cette mort-là, va en effet avoir une onde de choc considérable […] Mais certaines morts plongent toute une communauté dans un désarroi profond. On s’aperçoit que cette ville qui est la capitale des forces d’occupation du Mali, qui a tant subi et qui subira encore malheureusement, va lécher encore longtemps sa plaie.

Celle qui lui a été infligée le dimanche 25 par des inconnus avec l’assassinat, en pleine ville et en pleine journée, du prodigieux opérateur économique. En effet, l’homme était devenu une solide ossature économique qui a créé un gisement important d’emplois directs et un important vecteur de redistribution de revenus. C’est donc un homme-phare que toute la région a perdu. Il était certain d’être une ciblé sur la liste noir d’ennemis connus par lui mais inconnus par les autres. D’ailleurs, il était très stratégique et ne se déplaçait jamais dans ses voitures personnelles et sortait rarement. Il s’était doté d’un des meilleurs éléments d’un groupe armé. Au regard de sa vigilance doublée, son assassinat est le concours de plusieurs circonstances, selon “les on-dit”.

Quelques minutes avant sa mort, l’indicateur chargé de suivre sa position était non loin du lieu du drame. Il donnait en temps réel ses mouvements et actions. Son garde du corps personnel a même eu le temps d’avertir sa base militaire pour lui faire savoir que son véhicule était suivi par une voiture suspecte. Mais, son chef hiérarchique lui a dit être occupé et que dès que possible il sera sur les lieux. Trop tard, les assaillants descendent et arrosent par balles sa voiture en commençant par le garde du corps principal, suivi du second et enfin leur cible réelle. Mais deux suppositions peuvent être dégagées pour se situer dans le sens de la vérité sans pourtant y parvenir, car il y a la réalité divine qui prévaut et prend le dessus sur toute suspicion.

 Deux hypothèses se dégagent

La première, cet assassinat est un règlement de compte entre lui et certains de ses anciens collaborateurs. Entrepreneur et homme d’affaires, il était, selon des sources locales, dans ce qu’on peut appeler des groupes mafieux. Comme dans toute secte, une fois que l’on entre, il lui est impossible d’en sortir au risque de sa vie. L’on se souvient, il y a moins de deux ans, sur la route du Niger, il était la cible d’un braquage dans lequel il avait perdu au moins 40 millions de F CFA. Selon certains, ce braquage était un coup monté de toutes pièces par lui pour dérober cette somme qui ne lui appartenait pas seul et ses collaborateurs ne lui ont pas pardonné un tel forfait. En plus, l’homme commençait à être véritablement le plus riche et le plus grand générateur d’emplois pour la jeunesse de Gao, selon des sources sûres et dignes de foi, plus de 2000 sont employés directement ou indirectement, sans compter ceux qu’il a aidés à travailler à leur propre compte.

Avec une telle générosité de cet homme des jalousies naissent. Donc il fallait à tout prix se débarrasser de cette vache laitière pour maintenir la région dans la précarité et pousser les jeunes par la force au chômage et à la révolte. Le réduire au silence revient à affaiblir toute une communauté qui arrive à s’imposer pacifiquement contrairement à certains qui font usage de la force et qui réussissent difficilement.

De ce fait, le tuer serait atteindre un de leurs objectifs. La seconde, plus probable est celle selon laquelle, la mort de Kouffa aura une conséquence plus directe. Il faut forcément le venger par une autre mort plus douloureuse pour le pays ou pour une région dans laquelle sont concentrées les forces étrangères. Le potentiel candidat doit être choisi et avoir un profil atypique. Une sale besogne doit être faite avec les bras armés des terroristes affilés à la Katiba de Kouffa.

Abdoulaye Opitain correspond parfaitement à ce profil. Et si cette hypothèse s’avère, elle démontre de facto que le MNLA, qui est pointé du doigt dans ce meurtre, est en association avec les terroristes. Les forces de lutte contre-terrorisme doivent se mettre en selle pour édifier l’opinion nationale et internationale sur la position exacte du groupe rebelle fondu dans la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).

 Les pistes plausibles

A ces deux hypothèses, vient se greffer une troisième selon laquelle Abdoulaye est le financier de la compagnie “Nour Transport Voyageurs”. Ces derniers temps, il réclame sans cesse son argent et la compagnie lui donne des échéances qu’elle n’arrive pas à respecter. En plus récemment, il a gagné un gros projet avec l’Etat devant d’autres concurrents de la région. “Faire d’une pierre deux coups”. L’éliminer revient à résoudre deux problèmes à la fois. Non seulement effacer les traces du contrat avec le promoteur de la compagnie de transport et permettre a un autre operateur d’avoir en même temps ce contrat juteux de plusieurs milliards de F CFA. C’est que l’on penser à un règlement de compte et à un meurtre prémédité. Le diable argent n’a pas d’amis et les ennemis sont partout et prêts à tout moment pour bondir.

Ce qui est sûr et certain, avant sa mort, il était passé dans plusieurs mosquées pour dire haut et fort que sa vie est menacée et qu’il avait besoin des bénédictions des fidèles musulmans. La vérité est difficile et quasiment impossible dans cette affaire, seule une réelle volonté de la part des autorités d’enquêter permettra d’y accéder.

B. M.

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