Après l’attentat au Radisson Blu : Comment lutter efficacement contre le terrorisme

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Le  terrorisme est devenu un mal planétaire qui, tel un cancer, étend ses tentacules par métastases sur le planisphère. Comme peut le prouver éloquemment la géographie macabre des cibles et des théâtres d’action des groupes jihadistes. Le 31 octobre, un avion russe explose au-dessus du Sinaï faisant 224 morts composés essentiellement de touristes russes qui rentraient de vacances  d’Egypte. L’attentat est revendiqué par l’Etat islamique. Auparavant, la Tunisie, un pays aux potentialités touristiques énormes, avait, elle aussi, été  victime d’une série d’attentats dont le plus récent a concerné un bus de la garde présidentielle qui a sauté en plein cœur de Tunis sur l’avenue Mohamed V, pas plus tard que le 24 novembre dernier avec à la clé 13 morts et 20 blessés. Et dont le plus spectaculaire aura été celui de Sousse qui a fait 38 morts, le 25 juin 2015. La France  dont on pouvait penser, a priori, qu’elle est  à l’abri, n’échappe pas au festival tragique. Les attaques du 7  janvier (Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher) qui ont fait 12 morts et du 20 septembre 2015 (Bataclan, Stade de France…) soldées par le lourd bilan de 130 morts et 352 blessés, le prouvent à suffisance. La Turquie  a, elle aussi, connu  son lot d’agressions dont la plus mortelle aura été celle d’Ankara, la capitale, qui a entraîné 95 morts et 246 blessés.  L’attentat été perpétré par deux kamikazes, selon le gouvernement islamo-conservateur turc qui a, en son temps, décrété trois jours de deuil national.

On ne peut plus compter les attaques de Boko Haram récemment affilié à l’Etat islamique  qui, à longueur de semaines et de mois, causent des dizaines, voire des centaines de victimes au Nigeria, au  Niger et au Cameroun.  Dans l’indifférence générale de la communauté internationale.

Chez nous au Mali, 8 mois après l’attaque du restaurant « la Terrasse » de Bamako, le 7 mars dernier, tragiquement sanctionnée par 5 morts dont un Français et une semaine après les événements de Paris, le Mali est, de nouveau, victime d’une agression terroriste à travers le raid sanglant mené le 20 novembre  par deux  jihadistes sur l’hôtel Radisson. Bilan : 22 morts et 7 blessés. Un attentat revendiqué à la fois Al Mourabitoun affilié à Al-Qaïda et le Front du Macina, mouement affilié à Ançar Dine du très tristement célèbre  Iyad Ag Ghaly.  Des événements qui  ont suscité un émoi exceptionnel au sein de la communauté internationale qui a exprimé, de manière très forte, sa compassion et sa solidarité avec le Mali dans cette épreuve douloureuse. Entre l’assaut de « la Terrasse » et l’agression du Radisson ont eu lieu les événements de Sévaré qui ont vu  un commando de jihadistes prendre en otages les pensionnaires de l’hôtel Byblos très fréquenté par les étrangers, notamment les éléments de la MINUSMA, soldés par une dizaine de victimes : cinq morts parmi les forces de sécurité et deux assaillants tués. Faut-il encore prendre en compte les attaques épisodiques, les poses de mines, les véhicules piégés et autres engins explosifs qui rythment, malheureusement, la vie des populations dans le septentrion malien ?

Face à la recrudescence de cette pandémie d’un nouveau genre, la lutte armée s’impose, car pour l’islam même la vie humaine est sacrée – surtout la victime d’innocentes victimes – et ne saurait être bradée pour quelque raison que ce soit. Car ce sont l’islam qui, à travers des actes barbares commis en son nom, voit son image dégradée, diabolisée et les musulmans sont tués indistinctement, sont les premières victimes de ces groupes terroristes. A y voir de près, le terrorisme  tel qu’on le vit, apparait comme un des avatars de la guerre froide. Ben Laden n’est autre chose qu’une création des Etats-Unis  et de la CIA dans le but de contrer le socialisme et l’ex URSS en Afghanistan. S’étant probablement rendu compte qu’il a été berné, le père de Al Qaeda  n’a rien trouvé de mieux que de se retourner contre ses  anciens employeurs. On connait la suite. L’Etat islamique a été de même suscité par les mêmes Américains qui, du temps de Bush Jr, après avoir combattu et vaincu Saddam Hussein, malgré  le rapport de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique qui avait conclu que le dirigeant arabe ne possédait pas l’arme atomique, ont commis l’erreur de mettre de côté tous les partisans de l’ex dictateur irakien, y compris dans l’armée – une armée très aguerrie – et sur le plan politique à travers la marginalisation du parti Bass. Ce sont ces partisans qui constituent, aujourd’hui, le noyau dur de l’Etat islamique. Il  y a dans les actes l’EI pose une soif inextinguible et une haine viscérale de l’humain. L’islam ne sert que de couverture commode.

En clair, l’Occident, obnubilé par la quête désespérée de ses intérêts géostratégiques, a toujours joué le rôle d’un apprenti sorcier, prosaïquement parlant celui de quelqu’un qui déclenche des forces qui finissent par le dépasser et tout le monde se retrouve dans la mouise par sa faute. De toutes les façons, le vin est tiré et il faut le boire.

Pour ce qui nous concerne, dans cette lutte contre la pieuvre du terrorisme figure en bonne place, dans la batterie de moyens que nous devrons mettre au point, l’union sacrée. Il s’agit de taire les querelles politiciennes et d’ego pour faire bloc à l’ennemi commun. A l’échelle internationale, on parle de coalition. En deuxième lieu, il s’agit de se donner les moyens adéquats pour faire face à l’ennemi : moyens humains, matériels et financiers. Les forces armées et de sécurité doivent être mises dans les conditions idoines pour accomplir leurs missions. A propos de moyens, on n’entend plus parler des 6 Super Tucano, ces avions de lutte antiterroriste que le Mali aurait commandés avec une société brésilienne. Le « secret défense » est-il passé par là ?

Dans  la lutte antiterroriste, qui est lutte asymétrique par excellence, l’accent doit être mis sur le renseignement et le contrôle. Au plan international et sous-régional, les moyens et les renseignements doivent être mutualisés. Sur la durée, la lutte armée seule ne suffit pas. Comme le déclarait le président Macky Sall, lors de son récent séjour bamakois, il faut une lutte multiforme. Il faut, en particulier, mettre les jeunes à l’abri du chômage et du désœuvrement. Nous avons une population très jeune qui constitue la couche la plus importante de la société. Au Mali, le  taux de croissance de la population est de l’ordre de 3,6%  et le taux de fécondité est de plus 6 enfants par femme. Ce qui peut être une bonne chose au plan économique, mais mal utilisée, la grande masse de jeunes chômeurs peut constituer une bombe à retardement. Une proie facile pour les fous de Dieux et autres aventuriers de l’enfer. Il faut donner des raisons d’espérer à la jeunesse en lui donnant des emplois et en lui dégageant des perspectives heureuses. Cela relève de la bonne gouvernance. Relève aussi de la bonne gouvernance la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Tout doit être mis en œuvre pour qu’il n’y ait pas de fracture sociale. Une configuration qui a le don de fabriquer desperados et…commandos suicide.

Yaya Sidibé

 

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