Après la mort de treize soldats au Mali, Macron face au défi de la présence française au Sahel

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Une cérémonie nationale est prévue en début de semaine prochaine, et l’exécutif appelle au « recueillement ». Mais la réflexion sur d’éventuelles stratégies alternatives dans la région est déjà en cours.

Treize noms seront d’ici peu ajoutés sur le marbre du mémorial des soldats morts pour la France en opérations extérieures, tout juste inauguré par le président de la République le 11-Novembre : ceux des six officiers, des six sous-officiers, et de l’opérateur de la Légion étrangère qui ont péri ensemble, dans la collision de deux hélicoptères, au cours d’une opération de combat au Mali, lundi 25 novembre.

« Treize héros morts pour la France », a déclaré mardi la ministre des armées Florence Parly, qui devait se rendre aussitôt à Gao sur la base française de l’opération « Barkhane », avec les chefs d’état-major. L’Elysée prépare une cérémonie d’hommage national aux Invalides, qui devrait avoir lieu lundi 2 décembre. « Je sais que la nation tout entière sera soudée » à cette occasion, a ajouté Mme Parly. Les corps des soldats seront ensuite emmenés dans leurs régiments respectifs pour l’adieu de leurs camarades.

Les treize militaires sont morts lors d’une opération d’envergure, lancée depuis le 22 novembre dans la vallée d’Eranga située au sud d’Indelimane, dans le Liptako, région du centre-est du Mali où sévit l’organisation Etat islamique au grand Sahara (EIGS).

Selon l’état-major des armées, des groupements commandos parachutistes étaient lundi vers 17 heures « au contact » d’un groupe de djihadistes (« un pick-up et plusieurs motos ») sur le terrain, quand, à la nuit tombée, ils ont dû appeler un soutien aérien pour franchir un oued. Deux Mirage 2000 et trois hélicoptères sont arrivés. L’un d’eux emportait une équipe d’extraction, les deux autres filaient à la poursuite des djihadistes.

Une opération « par nuit noire, dans des conditions de combat »

A 18 h 40, les soldats ont entendu deux des hélicoptères exploser après s’être heurtés, ce que l’équipage du troisième appareil a rapidement confirmé. « Les pilotes envoyés en opérations sont formés, expérimentés, a affirmé mardi le général François Lecointre. Il s’agit d’une opération difficile, par nuit noire, dans des conditions de combat. Ce n’est pas simplement une collision [mais] un accident qui se passe lors d’une opération de combat de reconnaissance, avec des hélicoptères qui manœuvrent pour détecter l’ennemi au sol. »

Tandis que les armées entourent les familles des tués, l’heure doit selon l’Elysée être à la « sobriété » dans l’expression présidentielle. Mais l’événement est, à ce jour, le plus meurtrier du quinquennat pour le chef des armées Emmanuel Macron. Le moment du recueillement fraternel passé, il sera considéré par les militaires comme une illustration de sa capacité à assumer le prix du sang au profit de la cause défendue : la lutte contre les groupes terroristes djihadistes, qualifiée par sa ministre mardi de combat « sans répit ».

L’héroïsation spontanée dont fait part le gouvernement en de telles circonstances ne plaît pas à tous : « Ce sont des soldats, ils ont rempli leur mission », dit un officier. Quant à l’unité politique appelée par l’exécutif autour du nécessaire respect de la nation pour ses soldats, elle a déjà été écornée. Dans un communiqué publié quelques heures seulement après l’annonce, les députés La France insoumise (LFI) ont interpellé le gouvernement sur la pertinence de l’engagement français au Sahel. « Il est temps d’ouvrir une discussion sérieuse et rationnelle pour envisager les voies de sortie d’une guerre dont le sens échappe désormais à nombre de nos compatriotes et de Maliens eux-mêmes », estiment les élus proches de Jean-Luc Mélenchon.

« Part de tragique »

Une prise de distance qui a fortement irrité l’exécutif. Ce « n’est pas le sujet du jour (…). L’heure n’est pas au questionnement sur le bien-fondé ou pas de cette opération, l’heure est au recueillement », a martelé Mme Parly. « Nous sommes dans un moment d’émotion, pas dans un moment où tirer des leçons », abonde un proche du président. « Je sais les conséquences opérationnelles, humaines, familiales des décisions d’intervention et des ordres d’engagement que je suis amené à prendre », avait déclaré le chef de l’Etat le 11 novembre, assurant vivre « avec cette part de tragique ».

Des « opérationnels » consultés par Le Monde refusent de comparer l’opération avec l’embuscade d’Uzbin d’août 2008 en Afghanistan, au cours de laquelle dix militaires avaient trouvé la mort sous le feu des adversaires talibans. Mais ces drames ont un effet commun : ils rappellent aux Français que des soldats combattent au loin en leur nom. En 2008, l’exécutif français qui rechignait à employer le mot « guerre » pour qualifier les opérations menées alors contre Al-Qaida sous commandement américain, avait pris la mesure d’un engagement décidé jusque-là avec parcimonie.

Au cours de l’été 2011, en revanche, quand treize soldats tombèrent successivement, le président Nicolas Sarkozy avait ordonné de suspendre les opérations. La décision avait suscité une incompréhension totale parmi les militaires, car elle revenait à laisser le terrain libre à l’ennemi désigné. Elle est restée comme un souvenir amer.

A quelques semaines des déplacements des autorités auprès des forces pour les fêtes, l’Elysée assure qu’il ne saurait être question de renoncer aux opérations, même s’il s’agit de la plus lourde perte de l’armée française depuis l’attentat contre le bâtiment Drakkar, en 1983 à Beyrouth, qui avait tué 58 soldats tricolores.

« Il ne faut pas voir cet événement dramatique comme un élément qui va changer le travail de fond mené depuis des mois au Sahel », assure l’entourage présidentiel. Mi-novembre, à l’issue d’une rencontre avec les présidents du Tchad, du Niger et du Mali, le chef de l’Etat avait indiqué qu’il comptait « confirmer et conforter l’engagement » français dans la région. « Sans une présence militaire (…) nous ne pouvons pas garantir le travail indispensable de stabilisation politique et économique » des pays du G5 Sahel, a souligné Edouard Philippe mardi après-midi à l’Assemblée nationale, lors des questions au gouvernement. Le premier ministre a évoqué un « très long combat » contre le terrorisme islamiste.

Fournir des « victoires »

Emmanuel Macron n’a pas lancé de nouvelle opération militaire depuis son élection – autre que le raid spectaculaire, mais ponctuel, d’avril 2018 contre des installations chimiques du régime syrien. Mais s’il a choisi de poursuivre celle engagée par François Hollande en 2014 au Sahel, c’est moyennant des adaptations de nature à fournir des « victoires », réclamées aux généraux dès son tout premier déplacement au Mali en mai 2017.

Or, les résultats se dérobent toujours, dans cette immense région en déshérence où sont engagés 4 500 des 7 000 soldats français actuellement déployés en opérations extérieures. Et selon les informations du Monde, le chef de l’Etat attend bien, en cette fin d’année, des propositions pour des stratégies alternatives au Sahel, tant politiques que militaires. L’Elysée avait déjà au cours de l’été réclamé des modifications de « Barkhane », sans que les contours de la mission changent radicalement.

« Nous combattons auprès de nos partenaires maliens, nigériens, burkinabés. Nous recevons un soutien précieux de nos alliés européens. Nous sommes debout, unis, résilients », a assuré Florence Parly mardi. Mais les groupes armés se sont dispersés. Et les tragiques revers des forces armées maliennes depuis octobre – 150 morts en deux mois dans des attaques djihadistes – sont déstabilisateurs. Tout comme les coups sévères portés par les groupes armés au Burkina Faso ces derniers mois.

L’opération contre l’EIGS dans laquelle ont péri les treize soldats de « Barkhane » peut apparaître comme une volonté de l’état-major de stopper cette spirale dangereuse et de rétablir un équilibre. Reste que les opérations françaises doivent changer pour mieux répondre aux besoins locaux, estiment de bons connaisseurs de ces théâtres, qui observent la montée d’un mécontentement anti-français dans les populations. L’émotion passée, l’heure passera aux décisions.

Source: https://www.lemonde.fr/

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10 COMMENTAIRES

  1. Si c’étaient les hélicoptères des FAMA
    victimes de cette collision, qu’auraient
    dit les Maliens maudits et aigris ?
    IBK comme-ci, IBK comme-ça,
    régime corrompu, avions défaillants, etc.
    Mais comme ce sont leurs propres maîtres,
    les Français, qui ont commis la faute, ces
    mêmes Maliens hypocrites
    ne peuvent que la fermer.

  2. Si c’étaient les hélicoptères des FAMA
    victimes de cette collision, qu’auraient
    dit les Maliens maudits et aigris ?
    IBK comme-ci, IBK comme-ça,
    régime corrompu, avions défaillants, etc.
    Mais comme ce sont leurs maîtres les
    Français qui ont commis la fautes, ces
    mêmes Maliens hypocrites
    ne peuvent que la fermer.

  3. Comment on peut insulter la memoire de ces soldats qui sont morts pour la liberte du peuple malien ?? C’est honteux !!!

  4. Je reste persuade que cette presence militaire francaise est une tres bonne idee. A la guerre il y a toujours des victimes c’est les regles de la guerre. Mais il faut etre reconnaissant envers eux et leur sacrifices quils font pour nous. Tout comme nos fama

  5. toutes mes condoleances aux soldats francais qui sont tombes dans ce crash.. ca fait vraiment de la peine. paix a leur ames

  6. Il faut continuer cette mission barkhane, tot ou tard les terroristes disparaitront. J’ai vraiment confiance !

  7. La presence francaise au sahel fait beaucoup de bien a la region. Il faut garder la tete haute apres cet accident !! On est derriere vous

  8. Je suis sûr que la population française n’aime pas que leurs armée aillent au Mali.
    C’est une question d’argent, le gouvernement français compte sur ces guerres pour vendre leurs armements.
    Ni les Maliens ni les Français ne veulent pas l’intention Barkhane, mais on a pas le choix !

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