Ansongo : Le nouvel épicentre de l’insécurité

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A la commune de Tina Hamma située à 55 km de la ville d’Ansongo, ce mercredi 12 février 2020, des hommes armés ont saccagé et incendié les locaux de la mairie et la radio AMANAR, selon des sources locales.

Depuis, un certain temps, le cercle d’Ansongo est malheureusement devenu célèbre à cause de la recrudescence de l’insécurité. La semaine dernière, des assaillants ont fait irruption dans la localité de Ouatagouna, ils ont d’abord effectué un passage au domicile du premier adjoint au maire, qui n’était pas sur place. En chemin, les assaillants ont croisé le trésorier du comité de gestion scolaire de Ouatagouna, qui fait aussi office de conseiller du chef de village, M. Hamida Zeyya et le Directeur du second cycle, M. Yacouba Issiyaka Touré, près de la mairie de Ouatagouna alors qu’ils descendaient d’un car de la SONEF, en provenance d’Ansongo. Tous deux ont été sauvagement tués à bout portant.

Le mercredi 5 février, trois hommes armés sur des motos ont aussi fait irruption dans le village de Lellehoye. Sur place, ils ont interpellé deux ressortissants du village, dont l’un a été lâchement battu et laissé pour mort, tandis que l’autre, Sadou Yéhia dit Banandi, a été enlevé par les assaillants vers une destination inconnue. Avant de disparaitre dans la nature, ces derniers ont aussi emporté un nombre très important de têtes de bétail.

Selon une source bien introduite, l’enlèvement de Sadou pourrait être motivé par sa sortie dans un focus diffusé récemment par la chaine française France 24 sur la présence de Barkhane dans la zone. Ce qui pourrait laisser croire à un acte des terroristes, particulièrement ceux issus des rangs de l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS).

La région de Gao est au centre d’une crise multidimensionnelle ayant frappé le Mali depuis 2012. Les populations de Gao ont vécu une série d’événements importants du début de la rébellion, avec le départ de l’Etat, l’occupation de la région et l’intervention militaire qui a suivi. La compréhension des facteurs historiques, des enjeux communautaires et les dynamiques conflictuelles dans les trois cercles de la région de Gao – Ansongo, Bourem et Gao – est fondamentale pour l’apport de solutions inclusives et durables. De même, la confiance entre les acteurs engagés dans la résolution de la crise (nationaux mais aussi les nombreux acteurs internationaux présents) et les populations locales reste cruciale pour l’application de ces solutions.

Ce rapport, issu d’un processus de recherche participative de plus de quinze (15) mois, a comme vocation de faire remonter les opinions de toutes les couches de la population de Gao et de proposer aux acteurs, tant nationaux qu’internationaux œuvrant dans la région, une analyse approfondie de la situation actuelle et du contexte des dynamiques locales.

Les points de vue des populations locales offrent aux acteurs concernés l’opportunité de se confronter aux perceptions que ces populations ont de l’impact de leurs interventions visant à résoudre la crise, qu’elles soient financières, techniques ou militaires. La persistance de l’insécurité malgré la multitude de forces militaires internationales telles que la MINUSMA et la force Barkhane et nationales, avec la présence des Forces Armées Maliennes (FAMa), le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et les mouvements armés, entraine de la frustration chez les populations qui se méfient davantage de ces forces, méconnaissant parfois leurs mandats respectifs.

De même, les clivages communautaires et la méfiance intercommunautaire semblent s’accentuer et font apparaitre, encore une fois, la nécessité de générer une compréhension commune du contexte à travers une analyse profonde des dynamiques conflictuelles dans la région.

Pour un tiers de la population de Gao, la réconciliation entre l’Etat et les citoyens constitue une priorité. Néanmoins, cet objectif reste difficile à réaliser. La population reproche à l’Etat non seulement de l’avoir abandonnée aux occupants pendant la crise, mais surtout d’avoir commis à son encontre des dérives depuis son retour. Cette confiance fragile entre l’Etat et les citoyens de la région de Gao est davantage prononcée avec les forces de sécurité (police, gendarmerie) et le système judiciaire. Face au manque de protection par les forces de défense et de sécurité (FDS) qui les utilisent comme bouclier, les populations ont développé un sentiment profond d’insécurité, surtout dans les lieux publics et pendant la nuit.

La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, constitue aujourd’hui une autre source de tensions. Les acteurs, censés s’approprier le processus, peinent à s’entendre et à œuvrer dans le même sens. Ainsi, les frictions sociales s’accentuent entre les différentes communautés à Gao. Une autre difficulté dans la mise en œuvre de l’Accord s’explique par le peu de confiance que la population accorde au MOC.

Mahamadou YATTARA

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