Algérie, Mali, des pays sans images

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Que ce soit à In Amenas ou à Konna, pratiquement aucune image de combat n’a été diffusée par les télévisions du monde entier. Explications.

Opérations militaires au Mali, prise d’otages et violences dans l’Algérie voisine : comme d’autres, ces conflits sont pour l’heure des “guerres sans images” dans lesquelles l’activité des médias demeure très contrôlée. Une semaine après le début du déploiement au Mali et durant deux jours de prises d’otages dans le Sud algérien, pratiquement aucune image de combat n’a été diffusée par les télévisions du monde entier, alors que les affrontements faisaient rage.

Seules des vues de soldats français dans des camions ou des photos du complexe gazier algérien tournaient en boucle sur les écrans. Le périmètre de ce site est bouclé par les forces algériennes. Il y a d’une part l’extrême prudence des équipes de journalistes dans ces environnements particulièrement dangereux et parfois difficiles d’accès, de l’autre la volonté des belligérants, armées régulières ou guérillas, de contrôler images, photos ou vidéos dont l’impact peut-être énorme, tant sur les opinions publiques que sur les conflits eux-mêmes.

Faux argument

Dans un communiqué conjoint, les ministères français de la Défense et des Affaires étrangères ont appelé les journalistes à “la plus extrême vigilance” et ont mis en garde contre le non-respect de “règles élémentaires de prudence”. Les autorités ajoutent que les imprudents mettraient aussi “en péril” la sécurité de ceux qui viendraient à leur aide. Mais les organisations de défense de la liberté de la presse ne l’entendent pas de cette oreille. “Faut-il en déduire que les journalistes doivent être cantonnés loin des zones de combat ? L’argument des risques justifie-t-il l’absence d’observateurs indépendants ? Naturellement pas”, estime le directeur de Reporters sans frontières, Christophe Deloire.

“C’est aux journalistes, et non aux militaires, de déterminer les risques à prendre. Or, les journalistes internationaux et locaux sont pour l’instant contraints par les autorités françaises et maliennes à ne pas s’approcher à moins de 100 kilomètres des zones de combat”, regrette-t-il dans une tribune. “Les anciens ont en mémoire que les Américains ont perdu pied au Vietnam en laissant travailler les reporters, et même en les aidant à rejoindre le front. Les photos, comme celle devenue iconique de la petite fille brûlée au napalm, ont provoqué un tournant dans le conflit”, fait de son côté valoir un ancien officier de presse sous le couvert de l’anonymat.

Conflits nouveaux

“Depuis, tous les protagonistes de tous les conflits savent qu’il faut contrôler les images, car elles aussi sont des armes au service d’un camp ou de l’autre”. Ce verrouillage de la communication “est plus dans la culture de l’armée française que dans celle de l’armée américaine”, précise Maurice Botbol, directeur de Intelligence Online et de La Lettre du Continent. “Il y a plein de choses que l’on ne sait pas aujourd’hui sur cette guerre”, mais “on finira par avoir des réponses au fur et à mesure que les choses vont évoluer”, pense-t-il.

Pour Thierry Thuiller, directeur de l’information de France Télévisions, plusieurs facteurs expliquent cette absence d’images : “On assiste un changement de nature des conflits, avec plus de frappes aériennes, plus de forces spéciales qu’on ne peut pas filmer, contrairement aux troupes conventionnelles.” En outre, “toutes les armées du monde et tous les groupes armés ont totalement intégré la dimension de la communication, y compris par les réseaux sociaux”. Le journaliste, lui, “est dans un compromis subtil entre ce qu’il risque de révéler aux ennemis en filmant et l’intérêt légitime des téléspectateurs à savoir ce qui se passe”, a-t-il expliqué.

Il remarque toutefois que contrairement à d’autres conflits, comme la guerre civile en Syrie, “on a au Mali et en Algérie très peu de sources d’images, sans doute en raison de l’absence de réseaux téléphoniques mobiles en plein désert, alors qu’ailleurs on peut recevoir des films ou des photos via les portables”. Bien que les guerres “ouvertes” n’existent plus, “ce n’est pas chercher le spectacle à tout prix que de vouloir que les journalistes rapportent les faits qu’ils constatent. C’est vouloir, tout simplement, connaître la réalité des combats”, conclut Christophe Deloire.

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