Abdoullah Coulibaly, président de la Fondation Forum de Bamako : ‘’Le Sahel est devenu un tragique espace d’intégration’’

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Abdoullah Coulibaly, président de la Fondation Forum de Bamako (Crédits : Frédéric Reglain)

La salle de conférence du Centre Maeva de Bamako a abrité le jeudi 22 février 2018, la cérémonie d’ouverture de la  18ème édition du Forum de Bamako sur le thème : « Aménagement du territoire de l’espace sahélo-saharien : facteur de sécurité, de développement et de paix ». Ce forum de trois jours est organisé par la Fondation Forum de Bamako avec le soutien de ses partenaires. La cérémonie d’ouverture des travaux était présidée par le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga en présence des membres du gouvernement, du président de la Fondation Forum de Bamako, Abdoullah Coulibaly, des anciens premiers ministres du Mali, des diplomates accrédités au Mali, des chercheurs et de nombreuses autres personnalités. Dans son discours, Abdoullah Coulibaly a souligné que le Sahel est devenu un tragique espace d’intégration entre les deux rives du Sahara ; un mélange cynique entre rivage, mirage et ravage. « L’instabilité a élu domicile au Sahel car la profonde crise de confiance découlant du déficit de gouvernance en a fait le lit », a-t-il dit. Le Premier ministre enfonce le clou tout en faisant savoir que l’espace Sahelo-Saharien est devenu un réservoir de recrutement pour les terroristes. Pour faire du sahel un espace de développement, les différents intervenants ont tous prôné la bonne gouvernance des Etats partageants la même zone.

Dans ses mots de bienvenue, le président de la Fondation Forum de Bamako, Abdoullah Coulibaly a fait savoir que le Sahel est pris dans l’étau des paradoxes, ses richesses et ses misères se côtoient et s’engendrent mutuellement. Avant d’ajouter que la crise malienne de 2012 a rendu davantage nécessaire la prise en compte des critères politiques et sécuritaires dans la délimitation et la définition du Sahel. Selon lui, au-delà des limites du G5 SAHEL, du CILSS, de l’UEMOA et de la CEDEAO, les questions du Sahel s’étendent aux pays du Maghreb et à la Libye. A l’en croire, la démographie ; l’économie ; les structures sociales ; les systèmes de gouvernance et les enjeux de sécurité ; les ressources naturelles et le changement climatique, sont les cinq thématiques de la présente édition. Malgré la grande combattivité de ses populations, dit-il, l’espace Sahélo-saharien est le plus souvent assimilé à la faible résilience, à la faible capacité de transformation et à l’extrême vulnérabilité face à l’insécurité générale qui revêt plusieurs formes. « Pendant que le manque ou la vétusté des infrastructures routières et des réseaux de communication entrave le commerce formel intra-sahélien, sur ce terreau fragile, prospère l’économie criminelle ou économie grise. Le Sahel est devenu un tragique espace d’intégration entre les deux rives du Sahara ; un mélange cynique entre rivage, mirage et ravage. Les consciences à force de s’indigner sont comme anesthésiées par les réseaux sociaux et les récits rocambolesques des médias sur des mouvements terroristes et des prises d’otages par-ci, le trafic d’êtres humains et les révoltants marchés à esclaves par-là. Les informations relatives au commerce des armes et des drogues, au blanchiment de l’argent sale, aux complicités en matière de corruption, ces informations, dis-je, sont présentées selon la tête du client : tête à sauver ou à faire tomber. La soif du pouvoir et la course à l’argent facile ont donné à notre espace, l’image d’une mafia », a souligné Abdoullah Coulibaly. A ses dires, l’instabilité a élu domicile au Sahel car la profonde crise de confiance découlant du déficit de gouvernance en a fait le lit. Pour lui, une rupture s’est installée entre gouvernants et gouvernés, administrateurs et administrés, juges et justiciables, élites politiques et militants. Le président de la Fondation Forum de Bamako a souhaité un Sahel où la gouvernance inspire confiance, un sahel qui s’ouvre à l’entrepreneuriat féminin à la diaspora et rend cet espace attractif pour les investisseurs et les projets de développement. Enfin, il a souhaité un Sahel où la jeunesse canalise ses énergies et exprime ses talents dans tous les domaines.

Le Sahel : Un véritable réservoir de recrutement pour les terroristes

Quant au représentant du président du Mouvement des entreprises de France, Léonard Cox, il a indiqué que l’emploi assure la sécurité et la stabilité. Pour sa part, la directrice Pays de la Banque mondiale pour le Mali, la Guinée, le Niger et le Tchad, Soukeyna Kane a invité les panelistes à réfléchir sur le devenir des villes africaines eu égard à leur surpeuplement. L’Ambassadrice de France au Mali, Evelyne Décorps a fait savoir que le thème de cette 18ème édition est pertinent, pour preuve, dit-elle, une réunion se tient ce vendredi à Bruxelles pour le financement du G5 Sahel. Elle a déploré l’insécurité au Sahel. Selon elle, il existe plus de 400 projets de développement du Sahel pour plus de 6 milliards d’euro (3000 milliards de FCFA). « Nous serons intéressés par les conclusions et recommandations du Forum », a-t-elle insisté. Le représentant de la Minusma, Davidse Koen a signalé que le Sahel est riche par ses ressources humaines mais avec des défis à relever et des conflits à résoudre. A l’en croire, la coopération en matière de sécurité est très importante. Dans son exposé introductif, le Pr Alioune Sall, universitaire, directeur exécutif de l’institut des futurs africains a indiqué que le Sahel connait un présent difficile et son futur est incertain. Selon lui, le Sahel est caractérisé par un taux élevé de croissance démographique qui constitue un défi pour le développement de la région, la prépondérance de la jeunesse dans la population et une urbanisation galopante. A l’en croire, le sahel est une région très ouverte. Pour preuve, poursuit-il, sur 300 millions d’habitants en Afrique de l’ouest, les chrétiens sont 95 millions alors que les musulmans sont 150 millions. « Le Sahel a pendant longtemps été considéré comme une des régions les plus pauvres du monde, sujette à des crises alimentaires récurrentes mais comme une région relativement stable et en en paix. Aujourd’hui, si le Sahel continue d’être en proie à une extrême pauvreté, il est confronté à une instabilité politique et sécuritaire chronique. Les évènements politico-militaires qui ont bouleversé le Mali en 2012 et les conséquences de la guerre civile Libyenne ont accéléré la dégradation de la situation sécuritaire, laissant les populations sahéliennes de plus en plus vulnérables aux conflits armés, activités terroristes, trafics illicites et a la criminalité organisée. Si la crise malienne a largement contribué à remettre la question sahélienne au sommet de l’agenda international, elle n’est cependant que la partie émergée d’une crise régionale aux racines plus profondes. Ainsi, la recrudescence actuelle de l’instabilité au Sahel a des causes structurelles bien ancrées, parmi lesquelles le déficit de gouvernance démocratique des Etats occupe une place non négligeable », a expliqué le Pr Sall. Après avoir mis l’accent sur les résultats engrangés par les précédentes éditions du Forum de Bamako, le premier ministre du Mali, Soumeylou Boubèye Maïga a fait savoir que le Sahel est marqué aujourd’hui par une conflictualité générale. Selon lui, le Sahel est devenu structurellement une zone d’économie de trafic. Aux dires du premier ministre, dans la zone Sahélo-saharien, il y a non seulement une inégalité d’accès aux services sociaux de base mais aussi, une récurrence de rébellion. Pour Soumeylou B Maïga, l’espace Sahélo-saharien est une passerelle entre plusieurs régions, un réservoir de recrutement pour les terroristes et un sanctuaire. Pour faire du sahel un espace de développement, le premier ministre a prôné trois défis qu’il faut relever à savoir, la gouvernance nationale, la réponse régionale aux problèmes et la quête de cohérence et d’efficacité au niveau international. Sur un tout autre plan, le premier ministre, Soumeylou B Maïga a rassuré que le gouvernement a la volonté de rendre les scrutins transparents. Il a écarté tout conflit postélectoral. « Les Maliens ont intérêt à des élections non contestées…notre volonté est de travailler à l’émergence d’une plus grande équité territoriale », a souligné le premier ministre.

Aguibou Sogodogo

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