Partout où il passe pendant la campagne de juillet 2013, IBK tenait le même refrain dans ces discours : « Pour l’honneur du Mali, je ramènerai la paix et la sécurité… ». Après 4 ans d’exercice du pouvoir, la réalité est tout autre. Les Maliens sont désemparés, traumatisés par les évènements dans le Nord du pays. Où sont la paix et la sécurité ? Le pays fait face à une insécurité généralisé sur l’ensemble du territoire avec ses lots de morts (forces armées et de sécurités, Minusma, civils).
Le 4 septembre 2013, le président Ibrahim Boubacar Keïta prêtait serment devant la Cour suprême pour un mandat de cinq années à la tête du Mali. Bénéficiant alors de la grande confiance de ses compatriotes qui venaient de l’élire, il s’est vite confronté à la réalité du pouvoir.
Cependant, quatre années après, l’on est forcé de reconnaitre que la réalité est autre chose, au vu de tout qui s’est passé sur le plan socio-politique, économique et surtout sécuritaire.
En effet, le mercredi 18 janvier 2017, un attentat suicide a frappé Gao, faisant 77 morts et 115 blessés parmi les combattants issus de groupes armés signataires de l’accord de paix, selon le dernier bilan donné par les forces sécuritaires. L’attaque a été revendiquée par le groupe islamiste Al Mourabitoune, lié à Al-Qaïda et dirigé par le djihadiste Mokhtar Belmokhtar.
Cette attaque, la plus importante jamais perpétrée au Mali, a touché un camp militaire au centre de la cité des Askia où se trouvent regroupés les hommes du Mécanisme opérationnel de coordination (Moc). Ce système est censé placer sous un drapeau commun les troupes des différentes rébellions ayant secoué le pays en 2012 et l’armée malienne.
Le Moc est une pièce centrale de la mise en œuvre des accords de paix entre les différentes parties signés en juin 2015 à Alger. Il n’était en place que depuis le 2 janvier 2017, avec environ 600 hommes également répartis entre ceux de l’armée malienne, de la «Plateforme» et de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
Bamako n’est pas épargné…
Ainsi, Des hommes armés ont attaqué, dimanche 18 juin 2017, le Campement Kangaba, un village de vacances fréquenté par des Occidentaux situé à Dougourakoro, dans la périphérie de Bamako. L’attaque a fait au moins deux morts, dont une Franco-Gabonaise, selon un bilan encore provisoire.
Trente-six clients, dont 13 Français, ont pu être secourus, a précisé lors d’une conférence de presse le ministre de la Sécurité, Salif Traoré.
Quatre hommes armés à moto et une voiture ont pris d’assaut le complexe touristique. «Au début, nous avions pensé qu’il s’agissait de bandits armés mais nous savons comment agissent les bandits armés, ils n’essaient pas de défendre un territoire, donc nous pensons désormais qu’il s’agit d’une attaque terroriste», a déclaré Salif Traoré.
Le 20 novembre 2015, vers 7 h du matin, deux jeunes djihadistes armés de fusils AK-47 attaquent l’hôtel Radisson Blu de Bamako. Ils commencent par ouvrir le feu sur les agents de la société privée chargée de garder les lieux, puis ils pénètrent dans le hall de l’hôtel où ils tirent sur « tout ce qui bouge », c’est lors de cette fusillade que les djihadistes font le plus grand nombre de victimes. Ils montent ensuite aux étages, des clients sont tués dans les couloirs ou dans leurs chambres.
Jusqu’à 170 personnes, dont 140 clients et 30 employés, sont retenues en otages. Plusieurs dizaines d’entre elles sont relâchées, notamment des personnes capables de réciter des versets du Coran.
Vers 10 heures les militaires maliens parviennent à encercler le bâtiment. Une demi-heure plus tard, elles lancent un assaut qui tue au moins trois otages. Peu après, trois employés de l’ONU, à l’intérieur du bâtiment, ont été évacués. Vers 12 h, quatre-vingts otages ont pu être libérés.
Après avoir ratissé le septième étage, les djihadistes gagnent le quatrième, où ils se retrouvent pris en tenailles, près d’une terrasse, entre les forces spéciales françaises postées à l’extérieur, et les forces spéciales maliennes en train de monter les escaliers. À 16 h 35, les deux terroristes ont été abattus, tous les otages vivants ont été libérés. Bilan : une vingtaine de morts.
7 mars 2015, une l’attaque contre le restaurant-bar La Terrasse avait fait cinq morts, dont deux Occidentaux. Le 21 mars 2016, quatre mois après l’attentat terroriste du Radisson Blu, Bamako a été une nouvelle fois attaqué. Une fusillade a éclaté dans la soirée de lundi 11 mars 2016 à l’hôtel “Nord Sud” du groupe Azalaï. Des tirs et une explosion ont été entendus. “Ce sont les militaires européens de la mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM), stationnés à l’hôtel, qui ont été visés. A priori, il n’y a pas de blessés parmi le contingent français”, détaille une source diplomatique.
Il avait été revendiqué par Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), en coordination avec le groupe jihadiste de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, Al-Mourabitoune, qui avait scellé à cette occasion son ralliement à Aqmi.
3 avril 2015 : Explosion dans une maison à Sirakoro Méguétana, 2 morts (dont le manipulateur de la bombe et plusieurs blessé).
408 attaqués terroriste sur l’ensemble du territoire de 2015 à 2016
L’année 2016 aura été particulièrement meurtrière pour les forces en présence dans le Nord du Mali. En plus des violentes actions menées contre les camps et autres positions de l’armée malienne, de la Minusma et de Barkhane, les terroristes ont perpétré 118 attaques à l’engin explosif ou à la voiture piégée.
Ce chiffre en dit long sur la capacité de nuisance des groupes terroristes au Nord du Mali, quatre ans après le lancement de l’opération Serval. Des engins explosifs, des véhicules suicides, des mines, des tirs de roquettes et de mortiers ont fait plusieurs victimes dans les rangs des forces armées et de sécurité maliennes, 24 du côté de la Minusma et 4 de l’opération Barkhane.
La mission onusienne a donc été la plus touchée en 2016. Rien qu’au cours des trois derniers mois de l’année écoulée, 29 attaques (toutes natures confondues) ont été perpétrées contre la Minusma et 25 contre les Forces de défense et de sécurité maliennes.
Pour le secrétaire général des Nations-Unies, c’est l’absence d’autorité étatique et d’arrangements intérimaires qui ont « permis au phénomène terroriste de prendre des proportions de plus en plus inquiétantes au nord et au centre du Mali, mais également dans la sous-région, notamment dans le nord du Burkina Faso et dans l’ouest du Niger près de la frontière avec le Mali ».
À travers leur mode opératoire, les groupes terroristes maintiennent la pression sur les forces en présence qui se démêlent pour déraciner le mal. La force française a mené 125 opérations en 2016 sur les cinq pays du Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso) dans lesquels elle opère, seule ou en partenariat avec des forces locales.
Malgré tous la présence de la Minusma et de Barkhane, Tombouctou, Gao, Kidal, Mopti, Ségou furent et restent infestées. Et le District de Bamako n’a jamais été à l’abri.
1 janvier 2015 : Attaque d’un convoi civil à 37 km d’Andéramboukane sur l’axe reliant sur la localité à Ménaka (2 morts dont le maire d’Andéramboukane). Le 5 janvier 2015, attaque contre une base de l’armée à Nampala (10 morts, 8 soldats et 2 assaillants). 16 janvier 2015, combats entre les groupes rebelles et le Gatia (26 morts). 14 février 2015, attaque contre une base de l’armée dans la région de Mopti (7 morts dont 5 militaires et 2 assaillants et plusieurs blessés). 8 mars 2015, attaque du camp de la Minusma à Kidal où 30 roquettes et mortiers ont été tirés, 3 morts (2 casques bleus et 1 civil ; 8 casques bleus blessé). 29 avril 2015, attaque des rebelles du Mnla à Léré, 19 morts (9 militaires et 10 rebelles et plusieurs blessés). 5 mai 2015, attaque des rebelles de la CMA à Ténenkou (région de Mopti), 11 morts (1 soldat et 10 rebelles, ainsi que de nombreux blessés). 18 mai 2015, attaque de la CMA contre l’AMA à Bambara Maoubé (3 soldats tués). 20 mai 2015, attaque de la CMA à Tinhama (Ansongo), 3 morts (civils). 10 juin 2015 : Des individus armés ont attaqués les postes militaires et sécuritaires à Misseni (cercle de Kadiolo), un mort et 2 blessés (militaire). 27 juin 2015, attaque du militaire de Nara par un groupe de djihadistes qui a fait 12 morts (3 soldats et 9 assaillants) et plusieurs blessés. 20 juillet 2017, un convoi de la Minusma est attaqué, entre Goundam et Tombouctou, par des éléments d’Aqmi, 6 morts et 5 blessés (casques bleus). 21 juillet 2015, embuscade contre convoi logistique de la Minusma exhorté par des éléments de l’armée (axe Gossi-Gao), 2 morts (civils) et plusieurs militaires enlevés. 3 août 2015, un groupe de djihadistes attaquent le camp militaire de Gourma Rharous (Tombouctou), 11 militaires tués. Du 7 au 8 août 2015, attaque à Sévaré contre un camp militaire et enlèvement de civils dans un hôtel par un groupe de djihadistes, 14 morts (5 militaires ; 4 assaillants ; 5 civils). 9 octobre 2015, attaque de djihadistes contre le village de Dounapen (région de Mopti frontière avec le Burkina), 3 morts (civils) dont le maire adjoint de la commune. 13 octobre 2015, un convoi civil sous escorte militaire est attaqué par des individus non-identifiés à 45 km de Gossi, 6 morts (civils) et 2 blessés…
2013-2014, début du cauchemar…
28 septembre 2013 à Tombouctou : Aux alentours de 13h, quatre kamikazes dans un véhicule piégé se font exploser devant un camp militaire de Tombouctou. En plus des terroristes, deux civils sont tués dans l’attaque. Six soldats sont blessés.
23 octobre 2013, vers 10 heures du matin, à Tessalit, des kamikazes, au volant d’une voiture piégé et à pied, visent des Casques bleus tchadiens de la Minusma, la mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali. Deux soldats sont tués, quatre autres grièvement blessés. Trois civils ont été également blessés dans l’explosion. L’attaque est revendiquée par un groupe affilié à Al-Qaida au Maghreb islamique, dirigé par le Sultan Ould Bady.
2 novembre 2013 à Kidal : Ghislaine Dupont et Claude Verlon, envoyés spéciaux de RFI au Mali, sont enlevés par un groupe d’hommes à Kidal puis assassinés. AQMI revendique les meurtres.
14 décembre 2013 à Kidal, peu avant 7 heures du matin, un véhicule piégé fonce sur un poste de contrôle tenu par des Casques bleus sénégalais de la Minusma dans le centre de Kidal. Deux sont tués. Le Sultan Ould Bady revendique l’attaque.
11 juin 2014 à Aguelhok : Un 4×4 fonce sur le camp de la Minusma d’Aguelhok, au nord-est du Mali. Quatre soldats tchadiens sont tués. Une dizaine sont blessés.
14 juillet 2014 à Almoustarat, une patrouille blindée française est prise pour cible par un véhicule piégé à proximité d’Almoustarat, à l’est de Tombouctou. Sept militaires sont blessés, dont deux grièvement. L’un d’eux décèdera de ses blessures. L’attaque est revendiquée par Al-Mourabitoune, un groupe créé à l’été 2013 et affilié à AQMI.
Etat d’urgence depuis plusieurs dizaines de mois
L’état d’urgence est en vigueur au Mali quasiment sans interruption depuis les attentats perpétrés dans la capitale.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda. Les djihadistes ont été en grande partie chassés de cette région par une intervention militaire internationale, lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, et qui se poursuit actuellement sous le nom de Barkhane.
Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes et étrangères, régulièrement visées par des attaques meurtrières, malgré la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix, censé isoler définitivement les djihadistes, dont l’application accumule les retards.
En 4 ans d’exercice du pouvoir, le président Ibrahim Boubacar Keïta n’a pratiquement posé aucun jalon en matière de construction d’infrastructures. Contrairement à ses engagements, il n’a construit ni route, ni centre de santé, ni infrastructures de jeunesse…
Mohamed Sylla