2012, année chaotique pour le Mali

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Le Mali sollicite l’aide de la CEDEAO pour reconquérir les regions du nord occupés par des groupes islamistes.

Le Mali a connu une année 2012 terrible. Le pays est confronté à une double crise : les mouvements islamistes ont profité de la rébellion touarègue pour prendre le contrôle du nord du pays, et un coup d’Etat militaire a renversé le président Amadou Toumani Touré.

 Tout commence le 17 janvier 2012 avec l’attaque d’une garnison dans le nord du Mali par des rebelles touaregs. Le MNLA, Mouvement national de libération de l’Azawad, attaque la garnison de Ménaka, ville du nord du Mali, à 1 200 kilomètres de Bamako, déclenchant la plus grave crise qu’ait jamais connu le Mali. En deux mois, ce sont toutes les localités du Nord qui tombent aux mains des groupes armés, le MNLA mais aussi Ansar Dine, mouvement islamiste qui veut imposer la charia. Aqmi (al-Qaïda au Maghreb islamique) et le MUJAO, un autre mouvement islamiste, deviennent les maitres du Nord.

Fin février, le président Amadou Toumani Touré explique sur les ondes de RFI que son pays est une victime collatérale des effets de la guerre en Libye. « Avec la défaite de la Jamahiriya [la Libye, NDLR], commente-t-il, ce n’est plus des armes qui viennent. C’est des hommes. C’est des milliers d’hommes qui sont venus, des armées organisées. »

Le chaos s’installe en mars

L’impuissance du président et de son armée à vaincre la vague qui déferle sur le Nord entraine une réaction de la troupe. Dans la nuit du 21 au 22 mars, le capitaine Sanogo fait annoncer par un lieutenant, à la radio nationale, la mise en place d’un Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat, le CNRDR :

Porte-parole de la junte malienne

Le CNRDR, a décidé de mettre fin au régime incompétent et désavoué de monsieur Amadou Toumani Touré.

Le chaos s’installe au Mali. La junte ordonne à l’armée de se replier du Nord. Gao et Kidal tombent aux mains des groupes armés. Le pays est coupé en deux. Et le MNLA proclame le 6 avril l’indépendance de l’Azawad, la région touarègue du Nord.

« C’est un grand moment aujourd’hui pour le peuple de l’Azawad, affirme alors Mossa Ag Atthaer, actuel coordinateur de l’action diplomatique du MNLA en Europe. En hommage aux combattants qui sont tombés sur le champ d’honneur, en hommage aux populations de l’Azawad durant toutes ces années de marche à la tête de la liberté et l’indépendance, le comité exécutif du MNLA à travers son secrétaire général, monsieur Bilal Ag Chérif, a proclamé l’indépendance de l’Azawad. »

Crise politique au Sud et instauration de la charia au Nord

Au sud, une autre crise a commencé : c’est une crise politique. Sous pression de la CEDEAO, Amadou Toumani Touré démissionne officiellement, le 8 avril, ouvrant la voie à un intérim constitutionnel. Dioncounda Traoré devient président.

Le 17 avril, Cheikh Modibo Diarra est nommé Premier ministre. Mais une lutte opposent les trois piliers du pouvoir. Le président, le Premier ministre et le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, qui ne veut pas être écarté. Cette situation bloque l’avancée vers une solution, jusqu’à la démission forcée de Cheikh Modibo Diarra, le 11 décembre dernier.

Pendant ce temps, au nord, dans les villes contrôlées par Ansar Dine, le Mujao et Aqmi, la charia s’instaure. Une charia excessive et dangereuse qui conduit à la destruction de dizaines de mausolées dans la ville sainte de Tombouctou. « Je vous assure que ce matin, pour la première fois, je n’ai pas pu retenir mes larmes, déplore à l’époque le député de Tombouctou El Adji Baba Haïdara. Parce que le premier mausolée qu’ils ont rasé, c’est celui de l’imam Sidi Makhmoud. Ce monument est entretenu depuis sa mort en 1548 par les Tombouctiens. »

A Gao et Tombouctou, l’ordre imposé par les extrémistes islamistes se traduit aussi par des amputations qui soulèvent l’indignation générale :

Habitant de Tombouctou

Ils ont fait amener les gars. (…) Ils ont coupé la main droite. Le gars crie. Il crie, il crie…

La région sahélienne en danger

La mobilisation internationale peine à agir. Entre les conflits d’intérêts au sein du pouvoir malien, les réticences de certains pays voisins, les atermoiement des grandes puissances, le monde tarde a réagir. Le 20 décembre l’Onu autorise l’envoie d’une force internationale. Quand sera-t-elle effective ? Est ce la solution ? Comment restaurer la stabilité dans l’espace sahélien ?

Les Maliens ont le sentiment que ces questions restent encore sans réponse. « Je pense que la communauté internationale a une responsabilité qu’elle ne peut pas esquiver, surtout que le Mali n’est qu’un point de départ, explique le journaliste Adam Thiam. C’est toute la région sahélienne qui est en danger. Et je pense qu’on ne s’en sortira pas seulement en écrasant Aqmi. Je pense qu’il faut un plan Marshall pour le Sahel. Et ce plan, Marshall, c’est pour la sécurité globale. Ca n’est pas pour les beaux yeux de la communauté touarègue ou de la communauté arabe… »

La crise au Mali est devenue une crise internationale, touchant l’ensemble des pays du Sahel. Le Mali, Etat fragile, mettra du temps à sortir de cette crise. Cela se fera au prix d’un effort national et international qui exige autre chose que les luttes de pouvoir parfois mesquines que les dirigeants ont offertes aux populations durant cette année 2012.

RFI / 26/12/2012

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