Systèmes fonciers au Mali : Une thèse de doctorat d’Etat sur le sujet

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“Evolution des systèmes fonciers au Mali : cas du Bassin cotonnier de Mali-Sud : zone Office du Niger et Région CMDT de Koutiala”. C’est le thème d’une thèse de Doctorat d’Etat en Droit public, Histoire du Droit et des Institutions, soutenue le samedi 19 décembre 2009, dans l’amphithéâtre de 500 places de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques (FSJP) de l’Université de Bamako. L’auteur de cette thèse est, M. Bakary Camara, jusque là enseignant assistant à ladite faculté. Pour la circonstance, un jury d’honneur de cinq membres, présidé par le Pr. Samba Traoré de l’Université Gaston Berger de Saint Louis au Sénégal s’est constitué.

           

Outre le Pr. Samba Traoré, le jury d’honneur comprenait, le Pr. Papa Ogo Seck, Agrégé en Droit à l’Université Gaston Berger de Saint Louis, rapporteur, Seydou Diouf, Pr. Agrégé en Droit à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar, Dr. Ousmane Traoré, Professeur en Droit public à l’Université de Bamako spécialiste des questions foncières au Millénium Challenge Account (MCA)-Mali et enfin, le ministre Abdoul Wahab Berthé, Docteur d’Etat en Droit privé à l’Université de Bamako.

           

Pendant près de 5 heures (9 heures 30- 14 heures) ces imminents professeurs de droit, membres du jury ont écouté attentivement l’exposé de Bakary Camara, formulé des critiques et suggessions sur son travail et lui ont posé des questions.

            Au Mali, comment le foncier a été géré de la période précoloniale, coloniale et post-coloniale ? quelles sont les motivations de l’étude de Bakary Camara ? Quelle a été la méthodologie utilisée, les difficultés qu’il a rencontré  et les résultats auxquels il a abouti ? Voilà entre autres problématiques liées à la thèse de Bakary Camara.

 

RESUME DE LA THESE DU DR. BAKARY CAMARA

Cette thèse explore l’évolution des systèmes fonciers dans le bassin du fleuve Niger au Mali. Elle analyse les fondements de la tenure foncière des bambara malinké et des différentes perturbations culturelles que les systèmes fonciers de cette région a connu depuis le 9ème siècle. Pendant des siècles, malgré les différentes conquêtes, le foncier a été géré par les pays, selon leurs propres traditions.

           

Pendant la période coloniale française, malgré les tentatives de transformation des habitudes des paysans soudanais, la plupart de ces derniers ont su résister à la domination culturelle qui leur était imposée ou proposée. Cela a été perceptible dans la zone Office du Niger, où la plupart des politiques agricoles coloniales et même post coloniales ont échoués.

           

Malgré leurs échecs, même si l’impact de ces politiques sur le comportement des populations rurales n’était pas perceptible en son temps, leurs influences restent profondes car, elles ont contribué à diviser les sociétés.

           

Après les indépendances en 1960, malgré la continuation des anciennes politiques héritées des colons par les nouveaux dirigeants, les anciennes pratiques paysannes, sous le poids du processus de développement, sont restées toujours vivaces. Les paysans semblent résister au changement et contribuent ainsi à prolonger la période de transition à cheval entre le traditionnel et le moderne.

           

Malgré la résistance des logiques paysannes, le processus d’individualisation de la propriété foncière amorcé depuis la colonisation continue et a commencé, ces vingt dernières années, à s’accélérer à cause des nouvelles politiques de développement de l’Etat. Ce phénomène est mis en évidence par la multiplication et la complexification des différents acteurs qui interviennent dans le foncier.

            L’auteur relève par ailleurs, que les grandes familles connues sous le nom de Kalila (clan) se disloquent, suite à des contradictions liées au partage des revenus des cultures. Les conflits fonciers qui étaient gérés à travers des mécanismes traditionnels se transportent de plus en plus devant les tribunaux qui montrent le plus souvent leurs limites car, les décisions de justice ne peuvent pas le plus souvent être appliquées sur le terrain.

 

L’EMERGENCE DE NOUVEAUX ACTEURS

A côté des traditionnels agriculteurs et pasteurs, apparaissent des ONG nationales et internationales, des associations, des collectivités territoriales et des grands et petits privés exploitants agricoles.

 

L’émergences de ces acteurs et la politique de réformes institutionnelles de l’Etat qui se résume à la décentralisation et au toilettage et création de textes juridiques, contribuent inexorablement à promouvoir la concertation et à renforcer la démocratie basée sur le libéralisme économique et l’individualisme. Cette situation favorise non seulement la déstructuration du foncier coutumier, mais aussi la reconnaissance partielle ou totale de certaines règles coutumières relatives au foncier.

           

Ainsi donc, la thèse met en évidence, le changement progressif du statut de la terre et des rapports à la terre au Mali en général et dans le bassin du fleuve Niger en particulier. Il est suggéré que malgré ces transformations inévitables, les réformes institutionnelles doivent être mesurées. Elles doivent se faire d’une manière prudente, méthodique avec patience et détermination tout en prenant en compte certaines réalités pour atténuer son impact sur les populations rurales au risque de provoquer des soulèvements populaires.

 

LES OBSERVATIONS DU JURY D’HONNEUR

Après l’exposé du Dr. Bakary Camara, les cinq membres du jury, tour à tour, ont pris la parole pour apprécier son travail, souligner les coquilles qui se sont glissées dedans, formuler des critiques et suggestions et lui poser des questions.

           

Il y a lieu de préciser qu’une bonne partie des recherches de terrain s’est déroulée à Dakar et à Saint-Louis au Sénégal.

           

Le président du jury, le Pr. Samba Traoré, a conseillé au jeune Dr. Bakary Camara de ne pas faire de l’histoire évènementielle si chère aux professeurs des facultés de lettres, mais bien sûr de l’histoire des institutions dans une faculté de droit. “Quand vous faites allusion aux conquêtes coloniales de Samory Touré, c’est de l’histoire évènementielle”, a remarqué le président du jury.

 

UN BEL EXEMPLE DE COOPERATION SUD-SUD

Le jury d’honneur constitué lors de la soutenance de thèse de Bakary Camara, était composé à 60% par des sénégalais. Me Abdoul Wahab Berthé a vivement salué et apprécié à sa juste valeur l’apport du Sénégal dans la formation des professeurs de qualité au Mali. “Le Mali est en crise profonde d’enseignants du supérieur. Former des maliens ici au Mali, les encadrer, par des sénégalais, est un bel exemple de coopération sud-sud”, a affirmé Abdoul Wahab Berthé.

           

Il faut par ailleurs, souligner qu’au-delà du Mali, le Dr. d’Etat en Droit privé qu’est Abdoul Wahab Berthé, joue un grand rôle dans la formation des professeurs d’Université au niveau sous-régional et continental. Il fut président et membre de plusieurs jurys d’honneurs constitués pour des soutenances de thèses de doctorat au Sénégal, au Burkina -Faso, au Niger, en Côte d’ Ivoire entre autres.

           

De tout ce qui précède, les cinq membres du jury d’honneur ont apprécié le travail de curiosité, de rigueur et l’humilité abattu par Bakary Camara avant de se retirer pour délibération. La curiosité, l’humilité et la rigueur sont les qualités d’un bon scientifique.

           

A la reprise aux environs de 14 heures, le président du jury, le Pr. Samba Traoré annonça que la thèse de Bakary Camara a été acceptée avec “La Mention Très Honorable avec toutes les félicitations chaleureuses du jury”.

Daba Balla KEITA

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