Spéculation foncière au Mali : Quand les banques deviennent des victimes collatérales

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Bathily
Mohamed Aly Bathily

Décidément, le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Me Mohamed Ali Bathily, ne veut rien lâcher dans son combat contre les prédateurs fonciers. Après une série d’annulation de titres dans le cercle de Kati, il vient d’annuler 14 titres fonciers à N’Tabacoro dans la commune de Kalabancoro, appartenant  à deux sociétés immobilières. L’annonce a été faite le lundi  par le ministre Bathily, lors d’une conférence de presse.

Le scandale foncier en République du Mali dépasse l’entendement. En 20 ans, les fonctionnaires véreux de l’Etat et les prédateurs fonciers ont doublé le nombre de titres fonciers délivrés par les services techniques de l’indépendance à 2013. Un véritable drame qui nécessite une riposte nationale à hauteur de l’ampleur du fléau.             Le ministre Bathily constate avec amertume que la plupart des titres délivrés par les autorités locales (maires et préfets) n’épargnent  même pas les cimetières, les mosquées et les centres de santé. Cela prouve à suffisance que ces titres sont sans nul doute le résultat de la corruption.

Selon le ministre des Affaires foncières, le cancer foncier constitue une menace sans précédent pour les banques et autres établissements financiers. Cette menace s’explique par le fait que  certains prédateurs utilisent des titres illégaux comme garanties auprès des banques pour obtenir des prêts.  D’autres les louent à des tierces personnes ou à des sociétés pour la même cause moyennant 15% du montant du prêt.

Dans l’animation de ce drame national, le cercle de Kati demeure le chef d’orchestre, au regard de sa proximité avec le district de Bamako.

Selon le ministre, le seul cercle de Kati a créé, de 2013 à 2015, plus de 50 000 titres fonciers. Alors que de l’indépendance à 2012, il n’existait que 24 000 sur l’ensemble du territoire national.

Les 14 titres fonciers visés par la décision ministérielle  sur le site destiné à la construction des logements sociaux de N’Tabacoro  sont dans le patrimoine des sociétés  immobilières Banga et Komé.

Le gouvernement du Mali, par décret n° 2011- 090/P- RM du 7 mars 2011, a autorisé et déclaré d’utilité publique les travaux d’extension des logements sociaux à N’Tabacoro, dans la commune de Kalabancoro, cercle de Kati.

En dépit de l’existence de  ce décret, il a été constaté l’émission d’actes administratifs irréguliers, délivrés à des personnes en violation de la loi. Une situation que le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières n’a pas tardé à dénoncer par décret n° 144 du 13 juillet 2015.

Face à cette situation, il  a été ordonné au Directeur régional des Domaines et du Cadastre de Koulikoro de recenser  l’ensemble des titres fonciers illégalement créés sur le site des logements sociaux, après la déclaration d’utilité publique.

Contre toute attente et malgré  le décret n° 2011- 090/ P- RM du 7 mars 2011, la Direction régionale des  Domaines et du Cadastre de Koulikoro, en violation des principes de la réglementation  de la gestion foncière, a procédé à la création de plusieurs titres fonciers  sur le même site.

Les 14 titres fonciers créés ont été attribués à deux agences immobilières (société immobilière Banga et la société Komé immobilière) en échange d’autres parcelles dont celles-ci disposaient illégalement à Kati.

L’échange illégal de parcelles a été rendu possible grâce à la complicité entre la Direction régionale des Domaines et du Cadre de Koulikoro et l’étude de Me Alassane T. Sangaré, notaire. Ainsi,  il a été transféré au profit de la société immobilière Banga et de la société Komé immobilière, sur le site des logements sociaux de  N’Tabacoro, une superficie totale de 120 ha en échange de 60 ha à Kati. La société Komé disposait à travers un autre faux titre  à Kati de 30 ha échangés contre 60 ha à N’Tabacoro et la société Banga immobilière disposant de 30 ha à Kati contre 60 ha à N’Tabacoro.

Donc, pour le ministre, annuler ces titres ne peut nullement être un crime puisque ça répond à un principe de l’égalité.           L’échange, rappelle-t-il, n’est pas un mode d’attribution de parcelles de terrain prévu par le Code domanial et foncier en République du Mali. Le ministre Bathily a tenu à lever toute équivoque sur la volonté du gouvernement d’assainir la gestion foncière. «Au Mali,   on ne crée pas des mécanismes juridiques au  gré des circonstances. Nous sommes là pour l’application de la loi domaniale et foncière et nous allons l’appliquer en suivant à la lettre les instructions du Président de la République. Toutes autres manœuvres ne sont que du  dilatoire.   Les sociétés Banga et Komé doivent comprendre que les TF sur le site des logements sociaux de N’Tabacoro seront annulés et radiés du livre foncier et du registre des dépôts des titres.»

A la question de savoir quel sort pour les acteurs, le ministre Bathily a été on ne peut plus clair. «Les agents de l’administration impliqués dans cette opération illégale répondront de leurs actes devant la justice où  des plaintes auraient été déposées contre eux.»

En plus des sociétés Banga et Komé, la foudre Bathily a touché également  deux autres sociétés immobilières à Kati Koko Plateau. Il s’agit de Jigui-Sembé Sarl, titulaire du titre N°18712 de Kati et Rose et Bleu détenteur, propriétaire du titre N°44327 également à Kati.

L’acte de cession de ces titres est annulé pour violation des textes par les autorités administratives; détournement de la vocation des terres cédées; minoration du prix de cession et non-respect des clauses résolutoires  prévoyant le délai de mise en valeur qui n’a pas été respecté.

Nouhoum DICKO

 

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5 COMMENTAIRES

  1. SI TOUS LES MALIENS ETAIENT COMME CE MINISTRE DANS LA GESTION DU PAYS, LE MALI NE SERAIT JAMAIS DANS LA MISERE. MAIS HELA! MOI PERSONNELLEMENT , JE LE PLAINDS DANS LA MESURE OU IL EST SEUL DANS SON COMBAT.

  2. Mr le Ministre, digne fils de l’empire: du Mali, du Ghana, du Wagadu , de SONNY ALI BER, d’ASKIA MOHAMED, Bamabara de Ségou, de SAMORY Touré, de FRIROUN et du royaume Bambara de Sikasso……. Fils mérité du SOUDAN Français, du MALI et de l’Afrique l’humanité entière……etc. Merci votre nom sera dans l’histoire des peuples inchalah!!!

  3. le premier responsable de la speculation fonciere au Mali est et demeure l’Etat lui même pour n’avoir pas su anticiper dans sa gestion afin d’éviter cette situation que nous vivons aujourd’hui.
    En effet toutes les structures existent pour éviter cette situation, des inspections des domaines et de l’intérieur,des services de contrôles internes etc…
    Si avec toutes ces structures l’anarchie demeure c’est qu’elle est entretenue par l’Etat et les speculateurs ne sont que des animateurs.

  4. Merci Monsieur le Ministre..
    La spéculation foncière devenait un noble métier pour certains agents administratifs et hommes politiques aux Mali, particulièrement du cercle et de la Mairie de Kati. Ils sont allé jusqu’à vendre la parcelle réservée au Centre culturel de Kati à la BHM-SA.
    Une Mairie qui vend une parcelle à une personne physique ou morale? A quel titre?A quelle fin?
    Les autorités municipales actuelles de la ville de Kati devront répondre à ces questions.
    Nous vous demandons, Monsieur le Ministre de bien vouloir faire examiner ce dossier qui a été déposé à votre secrétariat au Ministère de la Justice en juillet 2013.

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