Depuis bientôt une semaine toute la population de Bancoumana, village situé à 60 km de la capitale sur la route de Kangaba, est sur pied. En effet, sur plainte de la fille du Général Moussa Traoré, du nom d’Assa, six ressortissants de ce village ont été arrêtés par la gendarmerie et gardés à vue à Siby, une commune située à une vingtaine de kilomètres. Ayant déboursé quelque 12 millions FCFA pour acheter 40 hectares de terre, Assa Traoré se dit victime d’escroquerie de la part de ces personnes, toutes des ressortissants de Bancoumana. Hier, le Commandant de Brigade du Poste de gendarmerie de Siby a fait le déplacement sur Bancoumana afin d’éviter une montée de tension dans les relations entre ces deux communes rivales du Mandé. Mais tenter également de faire en sorte qu’Assa Traoré puisse entrer dans ses …biens. C’est-à-dire que les six personnes impliquées dans l’affaire, avec le soutien des notables du village de Bancoumana, puissent lui trouver les 40 hectares. Et toujours au bord du fleuve.
Comme on le constate un peu partout dans notre cher Mali, les riches ou les enrichis n’ont pratiquement qu’une seule idée en tête, dès lors que leur fortune franchi la barre de plusieurs millions de FCFA: acquérir des terres pour se reconvertir en fermiers et, à l’occasion en fermières. Et cela à n’importe quel prix. Il se trouve également que dans notre grand et beau Mali, des pauvres villageois, profitant de la duplicité voire de la complicité des autorités communales ou administratives, se livrent à cœur joie à la vente de terres ne leur appartenant pas.
Certainement que nous sommes en face d’une pareille situation. La dame Assa Traoré, fille de son père qui régna vingt trois ans sans discontinuer sur le Mali, a fait confiance à des intermédiaires pour s’acheter 40 hectares de terre fertile au bord du fleuve Djoliba, dans la commune rurale de Bancoumana. C’est ainsi qu’elle rencontre R.C (pour les besoins de l’enquête de la Gendarmerie nous taisons volontairement les noms des personnes suspectées d’escroquerie) à qui elle se confia. Comme il est de coutume dans notre pays, rarement des gens déclinent de pareilles opportunités. Car, comme on le dit, l’occasion n’a qu’un cheveu. Mieux vaut alors en profiter. La bonne dame ne cherche donc pas midi à quatorze heures. Elle cibla le bord du fleuve Niger et demandera à ses interlocuteurs, des ressortissants du village de Bancoumana, de lui trouver 40 hectares. Surtout que l’argent nécessaire est là.
En ces temps de vache maigre en République Attétéenne, imaginez-vous qui pourrait ne pas sauter sur une telle aubaine. C’est ainsi qu’après avoir démarché des possesseurs de terres, les interlocuteurs de la fille de l’ex-impératrice Mariam Traoré vinrent lui proposer de " bonnes terres situées au bord du fleuve ". Au prix exceptionnel de 250 000 F CFA par hectare. L’affaire est vite conclue. Et ça fait au total 10 millions FCFA pour les supposés propriétaires et 2 millions FCFA pour les intermédiaires.
Selon certaines confidences de Bancoumana, Assa Traoré aurait donc déboursé les 12 millions FCFA. Et elle aurait même envoyé des engins afin de commencer les travaux d’aménagement.
C’est là où les choses se compliquent. Il s’est trouvé que des terrains faisant partie du domaine qui lui a été vendu ont d’autres propriétaires (les vrais) que ceux qui ont empoché l’argent de la vente desdits terrains.
Naturellement, Assa Traoré s’est fâchée à la suite de cette supercherie. Et certainement, toute autre personne à sa place aurait fait la même chose. Elle a pensé tout de suite avoir été victime d’escroquerie de la part d’individus en qui elle avait placé sa confiance. D’où sa décision de porter plainte auprès de la gendarmerie. C’est ainsi que six personnes impliquées dans l’affaire ont été arrêtées et gardées à vue à la Brigade de gendarmerie de Siby, localité située à 20 km de Bancoumana.
Les enquêtes pour tirer la situation au clair sont donc déjà en cours. Mercredi, deux personnes interpelées ont été remises en liberté. Mais quatre autres demeurent toujours gardées à vue à la gendarmerie.
Cette histoire montre combien la spéculation foncière fait rage dans notre pays. Toutes les terres du pays son en train d’être vendues dans les conditions souvent peu scrupuleuses. Des pauvres paysans cèdent à vil prix les meilleures terres de culture à la Nomenklatura des villes et aux fonctionnaires enrichis des deniers publics. Où va un tel pays ? C’est dire que demain, nos villes seront envahies par des villageois qui, avec la complicité tacite ou réelle des pouvoirs publics, ont cédé leurs champs pour quelques kopecks. Qui pourra gérer une telle situation…A nos décideurs d’y réfléchir.
Affaire à suivre
Mamadou FOFANA