Alors que les organisations regroupées au sein de la Cmat (Convergence Malienne contre les Accaparements des Terres) occupent la Bourse du Travail depuis avant-hier lundi et entendent battre le pavé pour obtenir des réponses écrites à leurs doléances, la problématique des accaparements des terres au Mali retient l’attention du secrétaire général de Fian-International, Dr. Flavio Luiz Schiek Valente, qui vient d’adresser à cet effet une correspondance au Président de la République Ibrahim Boubacar Kéita, pour l’appeler à se pencher rapidement sur la question.
FIAN INTERNATIONAL (FOODFIRST INFORMATION AND ACTION NETWORK) est une organisation internationale qui travaille à la promotion de droits humains, en particulier du droit à l’alimentation à travers des activités de plaidoyer et des campagnes d’information et de sensibilisation. FIAN a été fondée en 1986 en Allemagne. L’organisation est composée de sections nationales et de membres individuels dans plus de 50 pays. FIAN est une organisation à but non-lucratif qui n’a aucune affiliation religieuse ou politique. Elle possède un statut consultatif auprès des Nations Unies.
Pour mieux cerner la nature des conflits fonciers dans la région de Ségou, à Sanamadougou/Saou, Sansanding et San, une mission de l’organisation Fian-International a effectué une visite de recherche dans notre pays du 25 novembre au 5 décembre 2013. Suite à cette visite de terrain, Fian-International a adressé une correspondance au Président IBK.
Aux dires du secrétaire général de Fian-International, Dr. Flavio Luiz Schiek Valente, les communautés paysannes de Sanamadougou et Saou ont perdu l’accès à leurs terres à cause des activités d’un opérateur économique malien, Grand Distributeur Céréalier du Mali (Gdcm). Il précise qu’à Sansanding, les habitants de 35 villages que la mission a rencontrés déclarent être menacés de perdre l’accès à leurs terres dans le contexte de l’installation du projet sucrier de Markala. Dr. Flavio ajoute que dans le cercle de San, la population de sept villages déclare avoir perdu ses terres lors d’une attribution de terres de la part des autorités locales en mai 2011, après l’aménagement du barrage de Talo.
Dr. Flavio Luiz Schiek Valente relève que les communautés paysannes de Sanamadougou, Saou, Sansanding et de sept villages de San ont perdu l’accès à la terre qu’elles cultivaient depuis des générations. Et que cet état de fait met les paysans dans une situation d’insécurité alimentaire, étant données qu’ils ne sont plus capables de cultiver pour se nourrir. Dr. Flavio souligne que toutes les communautés visitées ont relaté les cas de malnutrition des enfants et de femmes enceintes.
D’après Dr. Flavio Luiz Schiek Valente, secrétaire général de Fian-International, l’on constate que cette situation d’insécurité alimentaire concerne les zones qui ne connaissaient pas la faim avant.
Ces différents constats ont amené Fian-International a rappelé que récemment la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a adopté une résolution sur l’accès des femmes à la propriété foncière et aux ressources productives et a exhorté les États-parties à se conformer pleinement à leurs obligations et engagements de garantir, protéger et promouvoir les droits des femmes aux droits fonciers et à la propriété et de fournir aux femmes une protection légale contre les expulsions forcées et les dépossessions des terres en faveur d’acteurs publics et privés.
Au regard des différentes violations flagrantes des droits des paysans en terme d’accès à la terre constatées au Mali, le secrétaire général de Fian-International, Dr. Flavio Luiz Schiek Valente, a interpelé le Président IBK à veiller à ce que :
– le déplacement prévu de la commission technique sur les sites litigieux se fasse dans les plus brefs délais ;
– les recommandations soient en accord avec les obligations de l’État malien selon le droit international des droits humains, en tenant compte des demandes des communautés affectées ;
– les recommandations soient appliquées par les autorités compétentes.
Pour rappel, les doléances de la Convergence Malienne contre les Accaparements des Terres (Cmat) sont: que depuis le 17 décembre 2013 le rapport final de la commission ad-hoc est bloqué au niveau de la primature, alors que les autorités continuent d’opérer sur tous les terrains litigieux ; que leurs membres sont victimes d’harcèlements, d’intimidations et d’arrestations arbitraires systématiques; que la situation foncière au Mali se dégrade sans cesse, que le nombre des déguerpis s’accroît toujours; que les champs des paysans sont accaparés et intoxiqués avec des produits phytosanitaires utilisés abusivement ; que la loi Hamidou Diabaté menace 80% des maliens détenteurs de droits coutumiers; qu’il y a un manque de volonté politique chez les autorités à résoudre les problèmes posés; qu’une politique et une loi foncière en cours d’élaboration trainent et ne sont pas partagées avec tous les acteurs à la base;que l’État devrait mettre en route la procédure de reconnaissance des droits coutumiers en particulier sur les terres collectives des terroirs et villages; que l’État devrait assurer le fonctionnement des commissions foncières inscrites dans la loi d’orientation agricole; que la superficie des champs par actif à l’office du Niger est insuffisante.
Tougouna A. TRAORÉ