En se fendant d’un document, dit de titre foncier, le conseiller indélicat a initié son projet de démolition de 1.800 maisons dans les villages de Dougourakoro et Sabalibougou. Mal lui a pris : car après investigations, ledit titre foncier n’a jamais existé au niveau du Domaine. Et les arguments en sa possession tiennent à dormir débout. Il vient d’être attaqué en justice par l’Association pour le développement de Dougourakoro Cité (ADC).
Dans notre livraison du jeudi 29 juillet sous le titre « Spéculation foncière à Dougourakoro et Sabalibougou : L’ex-maire de Kalabancoro à couteaux tirés avec les populations », nous évoquions le climat de forte tension sociale qui sévit dans ces localités. A l’origine de cette atmosphère délétère, le projet de démolition de 1.800 logements par l’ancien maire de Kalabancoro, M. Amadou Traoré. L’homme est devenu véritablement au centre de toutes les controverses et de toutes les combines en matière de spéculation foncière.
Malheureusement, les autorités compétentes de Kati, qui traînent les pieds dans la résolution du dossier, laissent la situation pourrir avant d’être responsable d’une implosion sociale aux conséquences imprévisibles. La rencontre du 12 août dernier (entre les membres de l’ADC et la préfecture de Kati) n’a rien donné de promettant pour apaiser la tension. Au contraire, elle continue d’attiser le feu, comme si les autorités de Kati ont à gagner dans cette affaire.
Les faits remontent depuis 2007 quand le sieur Amadou Traoré, en son temps maire de Kalabancoro, décide de procéder à la démolition de concessions non reconnues par un prétendu titre foncier qu’il croire tenir. Cela, en violation flagrante du droit coutumier et du découpage territorial. Car, territorialement ces deux localités relèvent de la commune de Baguinéda. Qu’est-ce qui peut bien justifier ce grand intérêt de l’ancien maire à concrétiser son projet de démolition à Dougourakoro et à Sabalibougou ? Joint par nos soins dans le cadre de notre précédent article, l’homme n’a pas voulu répondre à nos différentes sollicitations.
Mais selon toute analyse logique, il n’y a pas de doute qu’à force de s’engouffrer dans la spéculation foncière, l’indélicat maire ait vendu des centaines de lots dans ces villages. En clair, avec son prétendu « titre foncier », il compte récupérer les lots dont il a pris l’argent.
Mais mal lui a pris. Car après les investigations de l’Association pour le développement de Dougourakoro Cité (ADC) ledit « titre foncier » (qu’il croit lui donner l’autorisation de démolir les maisons) n’existe nulle part au niveau du ministère territorial et des collectivités locales. Dos au mur, le spéculateur évoque un « titre foncier établi en session directe ». C’est-à-dire une session au cours de laquelle le gouverneur prend une décision. Là également, il y a fort à craindre un mensonge flagrant de la part du spéculateur. D’où l’hypothèse de l’existence d’un faux document établi par le sieur Amadou Traoré pour parvenir à ses fins. C’est ainsi que les populations desdits villages (réunis au sein de l’ADC), ont attaqué le titre en justice. Le procès, qui doit avoir lieu au Tribunal administratif de Bamako, sera fixé dans les jours à venir. Et promet de grandes révélations sur les combines de l’ex-maire de Kalabancoro.
Bref, Amadou Traoré est véritablement le genre de maire à assigner en justice pour justifier sa gestion de la mairie pendant son mandat. Mais dans un pays où le droit ne se dit qu’au détriment du plus pauvre, il faut se résoudre à assister à l’impunité. En attendant que les autorités prennent leurs responsabilités.
L’affaire qui suscite bien des interrogations
Le projet de lotissement et de démolition des 1.800 concessions revêt véritablement un paradoxe. Tant il est, non seulement, contraire au découpage territorial, mais aussi et surtout ne prend pas en compte les principes fondamentaux du droit coutumier. Le lotissement dont est question pour l’ex-maire de Kalanbancoro, a été effectué sans enquêtes comodos et incomodos conformément aux textes règlementaires en matière foncière. En clair, le droit coutumier a été foulé au pied alors que les notables des 17 villages du Méguétan ont clairement certifié la paternité des terres aux descendants des chasseurs, et territorialement à la commune rurale de Baguinéda.
L’autre aspect du paradoxe est qu’au moment où les débats se font de plus en plus tendus sur la question, des hauts responsables de l’administration publique malienne (qui ont leurs lots à Dougourakoro), ne lèvent le petit doigt pour éviter l’affrontement. A en croire de sources dignes de foi, c’est dans ce village que le ministre de la Sécurité intérieure, le général Sadio Gassama, a bâti son champ sur plusieurs hectares. Avec lui, d’autres hauts gradés de l’Armée ont leurs champs ou leurs lots à usage d’habitation. Mieux, c’est aussi dans cette localité que plusieurs hectares ont été affectés à la Police et à la Garde nationale. Alors question : Pourquoi aucun de ces bénéficiaires n’est inquiété par le projet de démolition ? Il n’y a pas de doute qu’on leur a rassuré que leurs espaces seront épargnés. Sinon comment comprendre ce silence radio d’une couche dont la seule intervention pour éviter le pire. Pourtant, dans le fond ils sont menacés au même titre le pauvre cultivateur qui mit des années à construire deux chambres sur son lot. Qui protège l’ex-maire?
Bref, dans cette affaire il s’agit d’une situation à géométrie variable. Dougourakoro et Sabalibougou sont véritablement devenus une poudrière prête à éclater. Et le ministre de l’administration territoriale est plus que jamais interpellé.
Issa Fakaba SISSOKO