Sous le régime du président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) à la tête du Mali, plusieurs bâtiments publics ont été frauduleusement expertisés puis cédés à certains opérateurs économiques à des prix de vente quatre fois inférieurs à la valeur réelle de ces édifices. Au total, 27 bâtiments publics relevant du patrimoine immobilier de l’État, ont été bradés puis loués souvent à ce même État-vendeur. Un véritable hold-up qui fait, aujourd’hui, la fortune de plusieurs opérateurs économiques, fonctionnaires et intouchables de l’ancien régime. Révélations sur un scandale de l’ère IBK.
Face à l’opacité qui entoure la cession de ces bâtiments publics, le procureur du Pôle économique et financier de la commune III du district de Bamako, Mamoudou Kassogué, a ouvert le jeudi 29 avril 2021, une enquête au niveau de son parquet afin de ‘’faire toute la lumière sur la régularité formelle et les conditions de fonds de ces opérations ».
L’État malien fait face à une insuffisance criarde de patrimoines immobiliers, au point que beaucoup des services publics sont en location.
Des ventes opaques à des opérateurs économiques véreux et des prête-noms connus
Il est difficile de concevoir que les immeubles de l’État malien soient bradés à vil prix par des personnes malhonnêtes n’ayant aucun droit de propriété sur lesdits immeubles, avec la complicité de certains agents de l’État, à des opérateurs économiques proches de l’ancien régime.
C’est là, un véritable scandale qui mérite de sérieuses enquêtes afin de faire la lumière sur cette casse du siècle opérée sous les 7 années du régime IBK. Du coup, il urge que la Justice donne une suite à ce dossier scandaleux qui ne peut rester impuni. Les Autorités de la Transition sont attendues. En tout cas, cette affaire coupe le sommeil à des hauts cadres de l’État qui ont participé aux bradages de ces bâtiments et les opérateurs économiques, proches de l’ancien régime, qui sont cités dans cette affaire rocambolesque qui ne peut laisser indifférent surtout, quand on sait que plusieurs services de l’État sont en location. Mais le plus effarant dans ce puzzle pour les maliens, est le fait que ces bâtiments cédés sont à nouveau loués par leurs nouveaux acquéreurs à l’État malien, à des prix faramineux au détriment des contribuables.
Un des motifs de la cession de ces bâtiments était la construction d’un nouveau centre administratif au Mali, en l’occurrence la Cité administrative devant abriter tous les ministères et certains services publics. Sauf que, le prix total de la « moisson » issue des bâtiments bradés et le nécessaire pour la construction d’une cité administrative digne de son nom, le gap est de trop.
Comptant 22 bâtiments, la Cité administrative de Bamako a coûté un peu plus de 53 milliards FCFA. Pourtant, la recette de ces 27 bâtiments bradés se chiffre à 17 milliards de francs CFA. Du moins, si l’on en croit des sources. Une autre anomalie de cette affaire est que malgré les ventes des bâtiments de l’État aux commerçants et opérateurs économiques, les édifices figurent toujours sur la liste du patrimoine immobilier de l’État. Ce qui les exemptent aussi du paiement des impôts et taxes à l’État malien.
En revanche, plusieurs questions demeurent : quels critères ont été pris en compte pour fixer les prix de ces immeubles? Et surtout où sont parties les recettes des ventes ? Plus d’un malien voudrait savoir si toutefois, les bâtiments bradés retourneront dans les girons de l’État malien ?
Des fausses expertises pour minorer la valeur réelle des bâtiments publics
Pendant que l’État malien fait face à une insuffisance criarde de patrimoines immobiliers au point que beaucoup des services publics sont en location, il est difficile de concevoir que les bâtiments publics soient bradés à prix dérisoires par des personnes n’ayant aucun droit de propriété sur lesdits immeubles avec la complicité de certains agents de l’État à des opérateurs économiques. La liste des immeubles bradés, leurs prix de cession et les adjudicateurs, tous des opérateurs bien connus, continue toujours de défrayer la chronique. Quelle sera aujourd’hui, la suite de cette affaire ?
Des bâtiments vendus et toujours sur la liste du patrimoine de l’État
De nos jours, malgré la vente des bâtiments de l’État aux commerçants et opérateurs économiques, les édifices figurent toujours sur la liste du patrimoine de l’État. Une situation qui les exemptent aussi du paiement des impôts et taxes à l’État malien.
À en croire des sources, certains de ces bâtiments bradés sont toujours en location pour loger les services de l’État, à plusieurs centaines de millions de FCFA par an.
Sous la transition de 2012 et sur instruction du ministre du Logement, de l’Urbanisme et des Affaires foncières de l’époque, M. David Sagara, un mandat n°0001 a été émis le 25 juillet 2013 pour la vente des bâtiments publics de l’État. Et c’est en 2014, sous le premier gouvernement d’IBK que le ministre de l’Urbanisme et de la Politique de la Ville, M. Moussa Mara, a établi les premiers contrats de vente des édifices de l’État. Une commission dirigée par le DG de l’ACI de cette époque, M. Cheick Sidi Yaya Sissoko dit Kalifa, a déclenché la vente des premiers lots de bâtiments de l’État. Plusieurs sources confirment que les expertises effectuées par l’ACI pour établir les contrats de vente de ces immeubles sont fausses. Mieux, d’autres lots de bâtiments ont été vendus pendant que Mohamed Aly Bathily était le ministre des Domaines de l’État.
Des milliardaires du jour au lendemain
Plusieurs experts confirment que les prix de vente ont été réduits au quart (1/5) du prix réel des bâtiments contre le reversement de plusieurs millions aux membres de la commission de vente dirigée par le PDG de l’ACI de l’époque, M. Kalifa Sissoko. De nombreux fonctionnaires qui ont fait partie des commissions de cession sont devenus (pour la plupart) des milliardaires. À commencer par le Directeur général de l’ACI de l’époque, M. Cheick Sidi Yaya Sissoko dit Kalifa qui fut par la suite ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat du gouvernement IBK. Une promotion pour couvrir les arrières.
Ont également amassé des fortunes, M. Kalilou Sissoko, Directeur Commercial de l’ACI ; M. Mama Djénépo Secrétaire général du ministère des Domaines de l’État et des Affaires foncières de l’époque ; monsieur Sadibou Diabaté, ancien DG du Patrimoine bâti de l’État ; madame Sy Awa Diallo, Directrice nationale des Domaines et du Cadastre, au moment des fait.
Un scandale fumant…
Mais, pour les autorités transitoires au Mali, c’est cette situation pour le moins accablante que la justice s’apprête à déballer.
À en croire nos sources, généralement, bien informées, il s’agira pour le Procureur du Pôle Économique de faire toute la lumière sur la vente des immeubles de l’État sous le régime IBK. Une vente en proie à l’opacité.
Il y a juste quelques mois, sur une télévision privée, Me Kassoum Tapo, l’ancien Garde des Sceaux du mini gouvernement, avant la chute d’IBK, n’a pas hésité de citer nommément un ancien ministre d’avoir : « vendu 27 immeubles de l’État, dont la liste se trouve à la Chambre de Commerce du Mali (CCIM) ».
Ces accusations auraient bien pu passer inaperçues, si elles n’émanaient pas d’un homme de droit, surtout un ancien ministre de la Justice. Il urge pour les autorités de la transition, de faire toute la lumière sur ce dossier afin d’en disséquer le vrai du faux. Car dans les secrets de ce dossier qui coupe le sommeil à des barons de l’ancien régime et leurs complices, plus d’un malien voudrait savoir si toutefois, les bâtiments ont été mis aux enchères. Quels critères ont été pris en compte pour fixer les prix ? Et surtout où se trouvent les recettes des ventes ?
En tout état de cause, les acquéreurs ne peuvent aucunement se prévaloir de leur propre turpitude, sachant bien que ces immeubles, au regard de leur emplacement, et surtout de leurs prix de cession, ont été bien bradés.
Pour toutes ces raisons, le procureur du Pôle économique et financier de la commune III du district de Bamako, Mamoudou Kassogué, a ouvert le 29 avril dernier, une enquête au niveau de son parquet. Objectif : « faire toute la lumière sur la régularité formelle et les conditions de fond de ces opérations ».
Mais une certitude : le site ‘’Africa-kibaru’’ a déjà révélé la liste des personnalités présumées bénéficiaires de ces édifices bradés. Découvrez les noms.
Liste des bénéficiaires des immeubles bradés de l’État
01 – Monsieur Mamadou Diadié Bah, opérateur économique, acquéreur des bâtiments de l’ex ministère du Développement Social pour un coût de 1.450.000.000 FCFA.
02- Monsieur Mamadou Gamby, commerçant, acquéreur du bâtiment abritant l’Agence d’Aménagement et de Gestion des Zones Industrielles (AZI-SA) pour un montant de 200.000.000 FCFA.
03- Monsieur Amadou Djigué, commerçant, acquéreur de la Direction Nationale de la Géologie et des Mines pour un montant de 114.000.000FCFA.
04- Monsieur Oumar Niangadou dit Petit Barou, opérateur économique, acquéreur de 06 immeubles qui sont la Direction du ministère de la Santé à 453.033.867 FCFA ; la Direction des Affaires Sociales à 453.000.675 FCFA ; l’ex Direction nationale des Industries à 725.815.000FCFA ; l’ex bâtiment de la formation des magistrats à 96.250.000FCFA ; la Direction des Associations historiens de Bamako pour 406.180.560FCFA.
05- Monsieur Oumar Doucouré, commerçant, acquéreur des bâtiments de la Mission d’appui aux réformes politiques pour un montant de 1.293.101.654 CFA.
06- Monsieur Oumar Djiguiba, commerçant, acquéreur des bâtiments de la Direction Régionale du Commerce de Bamako pour un montant de 700.000.000 CFA.
07- Monsieur Daouda N’Daou, pétrolier, acquéreur des bâtiments abritant la Grande chancellerie de Bamako pour un montant de 227.000.009 CFA
08- Monsieur Lah Mohamed Al Gagny, commerçant, acquéreur de la Direction de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale de Bamako pour un montant de 1.237.500.000 CFA.
09- Monsieur Mandiou Simpara, commerçant, acquéreur de la Direction nationale des Impôts de Bamako pour un montant de 1.074.167.500 CFA.
10- Monsieur Aboubacar Sacko, commerçant, acquéreur des bâtiments de la Direction Régionale des Douanes pour un montant total de 2.705.609.900 CFA.
11- Monsieur Boubou Niangadou, commerçant, acquéreur du bâtiment de la Division des cadastres et de la propriété Foncière pour un montant total de 500.450.000 CFA
12- Monsieur, Abdramane Sow , acquéreur des deux bâtiments de la maison des Avocats pour un montant total de 355.185.700 CFA.
13- Monsieur Modibo Yaranangore, PDG de Yara Service, acquéreur de 03 immeubles qui sont le Centre national artisanale et les 02 bâtiments de l’Institut de la Statistique pour un montant total de 1.445.566.000FCFA.
14- Monsieur Bréhima Batilly, pétrolier, acquéreur de l’ex Direction Régionale du Génie Rural pour le montant de 495.000.000FCFA
15- Monsieur, Modibo Diarra, promoteur d’école, propriétaire des logements 1 et 2 de la Direction générale des Douanes pour un montant total de 661.900.000 CFA.
Arouna Traoré