Moussa coulibaly, président de l’association des promoteurs immobiliers du Mali : «Les Maliens ont plus de chance d”avoir un logement en épargnant dans une banque que d”acheter un terrain nu»

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L”Association des promoteurs immobiliers du Mali (APIM) créée en 1989, regroupe une trentaine de sociétés. Elle a pour objectifs de trouver une solution aux différents problèmes fonciers et administratifs auxquels sont confrontés les promoteurs immobiliers, de trouver les voies et moyens pour permettre aux Maliens d”avoir un logement décent à moindre coût. Dans cet entretien exclusif, le président de cette association, Moussa Coulibaly, nous parle des activités réalisées, de l”entrée des privés dans le programme de logements sociaux du Gouvernement et des perspectives de l”immobilier au Mali.

 

L‘Indépendant : Quels sont les problèmes qui se posent avec acuité au secteur de l”habitat ?

 

Moussa Coulibaly : Les problèmes qui se posaient à nous promoteurs immobiliers avaient trait aux divergences que nous avions avec les autorités, l”incompréhension de la notion même de promoteur immobilier de la part des populations et, enfin, le problème de financement du secteur.

 

Aujourd”hui, nos rapports avec les pouvoirs publics se sont beaucoup améliorés. Au niveau des populations, les gens commencent à comprendre le rôle des promoteurs immobiliers. Au niveau du financement, beaucoup de banques commencent à s”intéresser au secteur. A tous ces niveaux, des efforts ont été accomplis.

 

Vous avez tenu votre assemblée générale, il y a pratiquement une semaine, quels étaient les points inscrits à l”ordre du jour ?

Cette rencontre statutaire s”est penchée sur le rapport d”activités, les perspectives de l”association et le renouvellement du bureau. Le rapport a été adopté. En effet, comme j”ai eu à le dire, nous avons pu trouver un terrain d”entente avec les pouvoirs publics. Les programmes réalisés par la SEMA-SA et IFA-BACO avec l”Etat en sont les preuves. Nos rapports avec les populations s”améliorent et l”implication timide des institutions financières était le point clé des activités auxquelles nous nous sommes attelés. Aujourd”hui, ont peut dire qu”on a fait un grand pas.

Le Salon de l”habitat, dont nous avons organisé la deuxième édition cette année, prouve que les promoteurs immobiliers maliens commencent à prendre conscience. Aussi, sommes-nous à la base de la création de la Fédération des promoteurs immobiliers de l”Afrique de l”Ouest dont le siège est à Bamako et dont le Mali assure la présidence. Tout cela démontre que nous progressons.

 Au terme de cette assemblée, les délégués ont renouvelé leur confiance en vous.    Quelles sont vos priorités pour ce nouveau mandat ?

 

Nous allons poursuivre nos efforts de produire beaucoup de maisons pour consolider les acquis. Pour la première fois, nous avons commencé à entrer en contact avec les institutions de financement. Elles vont voir avec quels moyens ils peuvent soutenir nos projets.

 

 Après, nous allons faire des sorties dans la sous-région et vers l”Afrique centrale pour aller en contact avec les Maliens de l”extérieur. Donc, nous allons organiser des mini-expositions dans cette partie du continent pour mieux nous faire connaître.  Aussi, allons-nous voir comment trouver des solutions aux problèmes de l”habitat à travers les coopératives pour que les personnes affiliées à ces organisations puisent avoir un logement à moindre coût.

Effectivement, tout le monde sait que le besoin de logement est une réalité au Mali ! Qu’est-ce qui explique le fait que que les sociétés immobilières ne puissent pas répondre à ce besoin à un coût accessible?

Vous savez, beaucoup de paramètres entrent en compte dans le prix d”un logement. Même les prix auxquels les logements sociaux sont cédés aujourd”hui ne  sont pas les prix réels. Puisque,  dans un programme immobilier,  les gens confondent les prix de cession avec la construction d”une maison. Or, dans un programme immobilier, il y a la viabilisation, les frais financiers, l”électrification, l”adduction d”eau, le prix de la parcelle. Et  il ne faut pas oublier qu”à Bamako aujourd”hui, l”Etat n”a plus de terrains: on achète chèrement les terrains avec les propriétaires. Tout cela s”ajoute au coût de la maison qu”on va construire. C”est ce qui rend chères nos maisons.

 

Dans le souci de diminuer les charges, nous allons voir, avec les différentes lois et les avantages qu”elles nous accordent, comment faire bénéficier ces avantages à tout le monde, donc essayer de voir avec les autorités pour trouver des parcelles gratuites pour les programmes, surtout à caractère social. En même temps, la viabilisation sera prise en charge  en partie par l”Etat.

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Nous allons faire une expérience de ville nouvelle, avec des maisons économiques, des supermarchés, etc. Avec cela, nous pouvons réduire le coût des logements. Et comme nous serons regroupés sur un site, certaines charges seront réparties entre nous tous au lieu qu”un seul promoteur les supporte. Nous envisageons également de mettre en place une centrale d”achat des matériaux de construction. Ce qui nous permettra d”importer des matériaux qui doivent être exonérés de la TVA, qui est de 18 %, et des impôts. Tout cela doit logiquement faire baisser le coût des maisons.

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Qu”allez-vous entreprendre en termes de promotion des matériaux locaux ?

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Je crois que beaucoup de choses qui entrent dans la réalisation des logements sont des matériaux locaux: la terre, le sable, l”eau qui ne sont pas toujours aussi faciles à avoir. Quand on doit transporter la terre sur des kilomètres, puisque toutes les qualités de terre ne sont pas utilisables en matière de contruction, elle devient aussi chère que le ciment ou d’autres matériaux importés.En voulant même trop utiliser la terre, on détruit des champs de culture. Le fait d’extraire le sable du fleuve est un besoin primordial. Je crois qu”il faut être modéré avec la question d”utilisation des matériaux locaux dans la construction.

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Revenons au programme des logements sociaux, comment les promoteurs immobiliers, qui viennent de réaliser une expérience réussie avec l”Etat, sont-ils parvenus à combiner l’objectif social – que vise le Gouvernement – à la recherche du profit qui est l”objectif principal de toute entreprise privée ?

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Le social, comme vous l”avez dit, c”est toujours l”Etat. Un privé peut le faire mais à travers sa fondation ou une organisation caritative. On ne peut pas créer quelque chose, s”endetter pour faire du social. Je n”ai jamais vu cela. Qu”est-ce qui se passe ? Le promoteur immobilier réalise sa maison qui est rachetée par l”Etat et donnée grâcieusement au bénéficiaire. La viabilisation est prise en charge par l”Etat et n’est donc pas répercutée sur l”acquéreur comme c”est le cas dans un programme entièrement privé. C”est ce qui diminue presque de 50 % la valeur réelle de la maison.

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Lors de la remise des clés des logements de IFA-BACO, le président ATT a déclaré que sa vision est qu”un jour l”Etat puisse se retirer pour laisser le programme aux privés. Pensez-vous que cela est possible d”ici à 2012, année de la fin de son second mandat ?

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Ce sera progressif. A Bamako, il pourrait être possible car il ne faut pas oublier que tous les promoteurs actuels y sont installés. Progressivement, nous allons l”étendre aux régions. Donc l”Etat va se retirer de tous les programmes de Bamako car, en 2008, nous préconisons un vaste programme. Mais nous n”allons pas souhaiter que notre client soit uniquement l”Etat. Il faut que l”Etat se retire de tout et, pour cela, nous devons mettre en place un mécanisme durable, c”est-à-dire entre les promoteurs immobiliers et les populations bénéficiaires. Nous sommes en train de voir comment dégager ces mécanismes devant permettre à un bon nombre de Maliens d”avoir un logement décent sans contraintes.

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Aux côtés des promoteurs privés locaux, l”Etat a fait intervenir dans son programme des promoteurs étrangers tels que les Malaisiens à Kati. Quelle est l”appréciation que fait l”APIM de cette initiative ?

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Notre rôle est de montrer à l”Etat que nous sommes aussi capables que les promoteurs étrangers, que nous pouvons faire plus. Nous ne jugeons pas le fait que l”Etat cherche des étrangers. Nous n”avons rien contre les Malaisiens, nous voulons faire du concret. Depuis trois ans, on parle des 20 000 logements des Malaisiens mais, pour le moment, nous n”avons rien vu.

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Aujourd”hui, tout ce que nous savons est qu”en moins de six mois, les nationaux ont pu réaliser 566 logements. Je ne sais pas ce que les Malaisiens on fait pour le moment. Ce qui nous intéresse est de prouver que nous sommes valables et d’amener l”Etat à nous faire confiance.

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Aujourd”hui, tout le monde est accroché à l”Etat. Il faut qu”on soit ambitieux pour mobiliser des ressources et construire des logements partout. Si l”on arrive à réaliser cela, à quoi bon pour l”Etat d’aller chercher des étrangers pour venir nous concurrencer ici? D”ailleurs, ils ne peuvent pas nous concurrencer parce que, quelle que soit l”étude qu”ils feront, nous nous sommes déjà au parfum des réalités locales ou bien l”Etat va faire beaucoup de choses à leur place.

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Quand nous on réalise, il y a plusieurs avantages. Premièrement, les maisons seront payées en francs CFA, donc pas question de parité ou de fluctuation des cours. Deuxièmement, les bénéfices générés seront réinvestis dans notre pays. Troisièmement, ce qui est plus important, nous connaissons l”inspiration des populations en matière de logements. Les pays n”ont pas les mêmes conceptions de logement. Alors qu”ailleurs ce sont les appartements qu”on privilégie, au Mali les gens veulent des maisons avec une cour.

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La preuve est le marché des Halles de Bamako a été réalisé par une entreprise ivoirienne. Mais ses magasins ne sont pas occupés puisque  les Maliens ne sont pas habitués au même type de marché que les Ivoiriens. Si les entreprises maliennes l”avaient réalisé, elles auraient adapté ses magasins au désir des Maliens.

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Nous n”avons jamais demandé au Président de la République que l”Etat se retire du programme de logements sociaux mais lui-même il a vu que les privés ont fait de belles choses et a jugé nécessaire de dire que l”Etat va se retirer un jour.  C”est un signe de confiance.

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Comme vous l”avez déjà évoqué, l”un des problèmes du secteur reste le financement. La SEMA a eu recours à l”emprunt obligataire sur le marché de l”UEMOA. Pourtant, l”habitat est l”un des rares secteurs à avoir sa banque. Pourquoi le financement reste-t-il un problème crucial ?   

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La BHM est bien la banque de l”habitat. Ce n”est pas l”emprunt obligataire qui a réalisé le programme de la SEMA. Elle a réalisé son programme avant que cette ressource ne soit mobilisée. Les banques de la place, dont évidemment la BHM, ont bien contribué à hauteur de 2 milliards de F CFA. Et les entrepreneurs et fournisseurs de matériaux de construction ont participé à hauteur de 2,5 milliards de F CFA. Tout le monde a participé. L”essentiel est que tout le monde soit payé. Que les gens comprennent que réaliser un programme ne veut pas dire avoir une valise d”argent. Il faut convaincre ses partenaires.

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Aujourd”hui, la BHM seule ne peut pas couvrir le financement de l”habitat au Mali. Ce sont des investissements à long terme et il n”y a pas les ressources conséquentes. Ce sont les mécanismes de refinancement que nous sommes en train de mettre en place qui seront les bienvenus. Il ne faut pas aussi oublier que la BHM était soumise à la pression qui partait à l”encontre même de la déontologie de financement de l”habitat. En effet, on l’obligeait  à financer des programmes alors qu”il n”y a pas de clientèle en face. A quoi sert-il de financer un programme à coup de milliards et avoir, au bout de quatre à cinq ans, moins de 15 % des logements vendus.

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Je dis que nous avons entre nos mains la solution au problème de financement de l”habitat. C”est pourquoi nous pensons que tout le monde doit s”impliquer dans ce financement. Les populations doivent comprendre que c”est en épargnant qu”on peut faciliter le financement et l”acquisition de l”habitat. Mais les Maliens pensent qu”il faut se rendre à la banque simplement pour qu”elle vous donne une maison ou aller acheter un terrain nu qu”on peut revendre à tout moment ou mettre des années sans pouvoir le construire. Alors qu”en épargnant cette somme auprès d”une banque, celle-ci aura des ressources suffisantes et l’on peut payer en même temps son apport personnel pour la maison. Ce sera alors une chaîne de solidarité nationale car l”argent que vous aller rembourser sera investi pour d”autres logements. Si la banque finance 100 maisons cette année, elle peut en financer le double quelques années plus tard. Mais quand les gens épargnent peu, il est évident que la banque va manquer de ressources.

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Il n”y a aucune banque qui, en moins de huit ans, a fait un financement de 81 milliards de F CFA comme la BHM et dont le remboursement est sur 20 ans. Le problème de l”habitat, c”est que c”est un gros investissement payable sur une longue durée.

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Votre mot de la fin ?

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Je rassure les Maliens que leur souci d”avoir un chez-soi est une préoccupation de tous les promoteurs privés. L”APIM est là pour cela. Toute personne désireuse d”avoir un logement peut nous contacter à la direction de la SEMA. Et le client sera orienté vers un opérateur qui répond à ses possibilités. Car nous disposons des informations de tous les promoteurs. Personnellement, je déconseille l”achat de parcelles nues.

 

Interview réalisée par Youssouf CAMARA

 

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