Au détour d’une brouille survenue, il y a trois semaines environ, entre les travailleurs de l’ACI et leur direction, les langues promettent de se délier sur nombre de pratiques nauséabondes ayant contribué au naufrage de cette Société. En témoigne pour le moins une missive très instructive que le Comité syndical a adressée au ministre Kamena pour protester contre les ardeurs de la Directrice adjointe à peine installée dans les fonctions de directeur intérimaire. En cause, explique la correspondance, une persécution sans commune mesure que subit le plus ancien employé de l’Agence, lequel, du haut de ses trente années de service, se remet difficilement d’une gifle assénée en pleine figure lors d’une récente réunion de la direction.
En tant que Chef d’un département très stratégique, rapportent nos sources, son rôle et sa vocation a toujours consisté à orienter sur la régularité et les implications techniques de nombreuses décisions de la direction. Sauf que l’intéressé en sera vigoureusement empêchée cette fois, au travers d’un « musèlement » en règle, vraisemblablement motivé par la crainte ou la gêne de voir se lever le voile sur des dossiers frappés du sceau de l’opacité. Pour mieux les mettre à l’abri des indiscrétions, la censure ainsi infligée au responsable technique va même se muer en sévère sanction administrative avec une mise à pied de dix jours décidée en conseil de disciplinaire. Seulement voilà : le comité syndical ne l’entendait pas de cette oreille et réagit aussitôt par un lever de bouclier à l’allure de vives protestations contre la Directrice générale adjointe. Le ministre de tutelle ainsi que les plus hautes autorités de la Transition sont ainsi pris à témoin sur l’atmosphère très irrespirable et le règne d’une terreur sur fond d’adversités telles que la communication interne avec les agents passe désormais par voie d’huissier.
Ce n’est pas tout. Il nous revient par ailleurs qu’en plus d’insister sur cette étrange judiciarisation des rapports professionnels, les porte-voix des travailleurs de l’ACI relèvent également la persistance de pratiques peu distinctes des malversations ayant précédemment conduit leur Société à la dérive et pour lesquelles la tutelle avait recouru à une administration provisoire pour tenter un redressement. Une démarche manifestement vouée à l’échec puisqu’aujourd’hui encore le curseur est pointé, entre autres, sur des dossiers brûlants comme l’acquisition très peu désintéressée de parcelles sises au quartier Yirimadio en Commune VI, que les connaisseurs désignent sous le vocable d’«actifs pourris de la BOA». Il s’agit, dit-on, de marchandises commercialement inexploitables que l’ACI a rachetées à prix d’or à la Bank of Africa sans pouvoir disposer des titres de propriété qui lui permettent de les revendre.
Le grand déballage porte également sur une faveur aussi spectaculaire qu’inédite que le directoire de l’ACI, en complicité avec les services du cadastre, a l’intention d’accorder au richissime opérateur économique malien connu sous le sobriquet de «Petit Barou». Il est question, en effet, de transgresser toutes les lois et formules en géométrie pour lui donner satisfaction, en transposant, sur la Bande très convoitée des 140 mètres de Sabalibougou, les coordonnées d’une parcelle immatriculé au nom du riche propriétaire à Daoudabougou. Si la manœuvre fait jaser, explique une source syndicale, c’est qu’en plus de trancher avec les intérêts de l’ACI, la démarche présente des similitudes avec une autre indélicatesse précédemment commise par la même équipe dirigeante sous l’ancien PDG Mamadou Tiéni Konaté, à savoir : la vente d’une ruelle à la BNDA que l’Agence avait été contrainte d’annuler sur injonctions de la tutelle.
Et la même source de faire étalage, par-delà les dénonciations officielles auprès des hautes autorités, d’un dossier explosif dont les implications judiciaires seraient habilement dissimulées aux hautes autorités de la Transition. Ces dernières s’en retrouvent empêtrées dans une bien embarrante entreprise en procédant à la désaffectation, par décret présidentiel, d’une parcelle de 12 hectares sises à ACI Hamadallaye, que le défunt président ATT avait affectée en son temps dans le cadre de l’organisation de la France – Afrique par notre pays. Il va sans dire que l’abrogation du décret y afférent, à des desseins peu lisibles pour l’heure, est porteuse d’énormes préjudices causés aux investisseurs nationaux dont les financements avaient permis de réussir l’événement. Y figurent, dit-on, la famille Gagny Lah que les hautes autorités n’ont pas encore compensée pour la réalisation sur fond propre des nombreuses villas d’hôtes ainsi que d’autres commodités qu’abrite le site ainsi exproprié par l’Etat sans autre forme de procès.
Les révélations sur l’ACI risquent de ne pas s’arrêter en si bon chemin. Et pour cause, les travailleurs, excédés par le retour progressif et dévastateur de l’ordre ancien fait d’affairisme et de clientélisme, n’excluent pas de continuer à jouer les éboueurs en mettant sur la place publique d’autres dossiers accablants ayant contribué à briser le devenir de la Société. Y figurent entre autres les retraits abusifs de parcelles aux conséquences judiciaires coûteuses, leurs cessions irrégulières, douteuses et à des prix dérisoires par affinités parentales, la vente d’immeubles dans les conditions peu transparentes, la mise en bail suspecte d’un Centre commercial, etc. Toutes choses que les nombreuses missions d’inspection avaient déjà mis en lumière avant de conclure à l’installation d’une administration provisoire à un moment où tous les indicateurs de l’ACI la conduisaient inexorablement vers les abysses. Bref, le contenu de la boîte de Pandore risque d’être très alléchant.
A KEÏTA