Sous le magistère du ministre Kaména, le département de l’Urbanisme et des Affaires Foncières serait-il abonné aux scandales pour de bon ? Difficile de se convaincre du contraire avec la floraison de dossiers aussi fumeux les uns que les autres.
Les attributions rocambolesques de logements sociaux ne sont pas encore effacées de la mémoire collective que de nouvelles étincelles surgissent et risquent d’enflammer l’opinion, dans les jours ou semaines à venir. Le feu couve notamment à la direction de l’ACI, une structure rattachée au département et qui se réveille brusquement de la longue somnolence d’un administrateur provisoire en deçà des missions de redressement ayant sous-tendu sa nomination – mais dont l’inaction tranche avec le retour en force des vieilles habitudes hétérodoxes. En clair, depuis que le terme de la gestion provisoire a consacré l’avènement d’une direction intérimaire assurée par la DGA, les observateurs sont unanimes sur le constat d’un retour triomphal des escalades ainsi que des pratiques auxquelles est imputable la plongée abyssale de l’Agence de Cessions Immobilières : gestion patrimoniale ou clanique, violation tous azimuts des procédures de vente des parcelles, expropriations de titres à la pelle et discriminations dans leur création, climat délétère entre le directoire et les travailleurs sur fond de méfiance, de défiance réciproques et d’intérêts antagoniques.
Ce triste tableau, qui ne préfigure manifestement pas des lendemains moins sombres que jadis, se cristallise notamment dans une batterie de scandales qui agite depuis quelques temps la boite et dont l’explosion, imminente, selon toute vraisemblance, risque d’éclabousser une tutelle visiblement embrigadée dans les manœuvres affairistes d’un directoire très docte dans la prestidigitation en matière foncière.
Nos sources évoquent, par exemple, l’acquisition, dans des conditions d’autant plus douteuses qu’opaques, d’actifs frelatés de la BOA à Yirimadio. Il s’agit, en l’occurrence, des parcelles dont la vente tient de l’illusion et risque de n’être jamais effective pour cause d’indisponibilité des titres de propriété, la Banque s’étant catégoriquement opposée à leur livraison à l’ACI. Une redoutable bombe, en définitive, qui ne s’annonce pas plus explosive que cet autre épisode. Il nous revient de source concordante, en effet, qu’un richissime opérateur économique de la place est en passe de réussir, grâce à son influence et sa puissance financière irrésistible, un bricolage alchimique qu’aucun humain sur terre n’avait peut-être jamais tenté en affaire domaniale : l’immatriculation de sa propriété foncière avec des coordonnées géographiques différentes de celles de la zone qu’il convoite. Cette zone n’est autre que le nouveau site très prisé de l’ACI, communément appelé «Bande des 140 mètres»». Située à Sabalibougou sur la route stratégique de l’Aéroport International de Senou, ledit site, aménagé et viabilisé par l’ACI, est sur le point d’accueillir un nouveau titre immatriculé à Daoudabougou. Un mépris souverain des plans approuvés par les services techniques de l’Etat, mais qui ne manque guère de soutien et de complicité tant au niveau du directoire de l’ACI qu’à la Direction du Cadastre, tous rattachés au département des Affaires foncières. La chasse aux prébendes est visiblement passée par là, surtout par ces temps de disette domaniale où l’ACI manque de réserves même pour honorer certains de ses engagements et répondre à des besoins d’un certain village numérique annoncé à Dialakorobougou où la disponibilité fait défaut.
La disette est aussi l’explication la plus plausible de la boulimie ayant conduit l’Agence à mener en bateau les autorités dans un autre scandale encore plus explosif en gestation. Il s’agit de la sulfureuse mesure présidentielle d’abrogation d’un décret vieux d’une quinzaine d’années et en vertu duquel une douzaine d’hectares du patrimoine immobilier privé de l’Etat était affectée au ministère de l’Administration territoriale pour préparer la ville de Bamako à abriter l’Afrique-France sous ATT. L’espace sis à Hamdallaye ACI 2000 était destiné à accueillir un hôtel, un restaurant, des villas d’hôtes, des aires de loisirs et un super-marché, entre autres équipements pour la réalisation desquels des investisseurs nationaux étaient venus à la rescousse sur sollicitation de l’Etat malien. On y dénombre, selon sources, la famille Lah Gagny, propriétaire des nombreuses réalisations qu’abrite le titre qu’abroge finalement le décret 2021/0411/PT-RM du 08 juillet 2021. C’est sans doute l’ingrédient le plus spectaculaire du cocktail, et pour cause : l’annulation du décret 08-280/P-RM du 16 Mai 2008 consacre une expropriation ni plus ni moins des investisseurs. Or, il est de notoriété publique, selon tous les spécialistes des questions domaniales, que l’aliénation d’une propriété de telle nature est forcément assujettie aux procédures appropriées sous peine d’imprévisibles conséquences judiciaires. Mais il nous revient, de source bien introduite, que l’incurie est partie de l’ACI et d’une missive que son directoire a adressée à la tutelle l’assurant d’une possibilité d’abrogation du premier décret sans coup férir. Erreur d’appréciation ou méconnaissance, s’interroge une source interne approchée par nos soins ? Et d’ajouter au passage que le décret abrogatif ne serait probablement pas intervenu s’il avait été encadré, lors de son élaboration, par un rapport circonstancié ou une note explicative plus édifiants sur l’historique de la parcelle désaffecté. Au lieu de quoi, la tutelle a entraîné les hautes autorités sur un terrain d’autant plus glissant et marécageux qu’une abrogation irrégulière pourrait engendrer de lourdes conséquences.
Les choses se seraient déroulées autrement s’il régnait une atmosphère plus conviviale à la direction de l’ACI où les décisions les plus importantes passent par-dessus la tête des ressources humaines appropriées, au nom d’une terreur autocratique hostile à la transparence et qui ne tolère la moindre objection sur les intentions licencieuses. Un haut cadre de la structure en a d’ailleurs fait les frais récemment, à en croire nos sources. Du haut de ses 30 années de bons et loyaux services rendus à l’ACI, l’intéressé a été congédié comme un mal-propre d’une réunion dirigée par la DGA, qui lui reprocherait de s’être prononcé publiquement sur un sujet qui relève des antichambres de l’ACI. Et son châtiment ne s’est pas limité à cette seule humiliation. Depuis plusieurs semaines, le respectable responsable de département se trouve sous le coup de mesures punitives jamais infligées pendant sa longue carrière et écope, à deux doigts d’une retraite bien méritée, d’une mise à pied consécutive à un passage à la sellette d’un conseil de discipline peu équilibré. De quoi raviver une autre bombe : celle du front social avec un comité syndical vent debout, selon nos confidences, pour faire échec à toute intention punitive abusive qui pourrait faire jurisprudence.
AK
Vive la refondation, avec de telles pratiques on est entrain de nous tromper qu’il faut le changement de la gouvernance avec qui et pour qui ?
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