Magouilles foncières au Mali : Les germes de la prochaine révolution

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« Les haines et rancœurs engendrées par les problèmes de terre ne finissent jamais et elles peuvent provoquer la destruction du village » nous apprend la sagesse populaire. Les autorités maliennes, depuis l’avènement de la démocratie, n’ont pas compris ce conseil. Et leurs méfaits sont  en train de préparer la prochaine révolution dans ce pays.

Il ne se passe pas un seul jour au Mali sans qu’un drame humain  ne se produise, relatif aux conflits fonciers. Les tribunaux ploient sous le poids des contentieux de ce type. Depuis mars 1991 et l’instauration de la démocratie, l’autorité de l’Etat s’effrite de jour en jour, la justice devient complice active ou passive des prédateurs fonciers. Et ce sont toujours les plus faibles qui paient. Le Mali approche dangereusement du point de non-retour en matière de conflits fonciers et pendant ce temps, les gouvernants dorment au gaz s’ils ne sont pas complices des fraudeurs.

Pour prendre le cas de Bamako au départ, il est triste de constater qu’il n’existe plus aucun pouce de terre libre qui ne fasse l’objet de convoitises. Les maires et les gouverneurs successifs ont vendu systématiquement, aux  plus offrants, tous les espaces verts, les terrains de football, les réserves foncières… Même les cimetières n’échappent plus à leur boulimie et c’est ce qu’on a vu avec le triste épisode Issa Guindo, ancien édile de la Commune IV. Le contentieux qui a opposé, pendant des années, l’Eglise catholique du Mali au spéculateur libanais Francis, n’a trouvé une solution que par une intervention du président Amadou Toumani Touré qui a compris tout le danger qui couvait et les frustrations légitimes des jeunes catholiques. Avec la complicité de certains juges corrompus et irrécupérables, l’usurpateur Francis avait fait d’un séminaire sa propriété privée, alors qu’un Malien n’oserait jamais pareille outrecuidance au Liban. Car, en effet, même les étrangers riches arrivent à spolier les Maliens de leur terre, avec la complicité du système judiciaire.



Les spoliations, en dehors de tout encadrement légal, sont légion. Il y a eu le Quartier Mali, Niamakoro, Ngolonina, Sotuba, Fitiribougou etc. Il y en a même qui ont des titres fonciers sur… les collines enserrant Bamako ! Et chaque fois, ce sont des centaines de personnes qui sont jetées à la rue. A Kougnoumani, Issa Diarra qui tentait de protéger l’honneur de sa famille, a été froidement assassiné par Ousmane Coulibaly, le fils d’un ancien élu de la Commune I. Les déguerpis de force de Kougnoumani n’ont obtenu ni compensation ni oreille attentive. Et la tentative de marche pacifique et démocratique de l’Association des déguerpis a été durement réprimée !   Toute la périphérie de Bamako, du cercle de Kati et même du celui de Kolokani est dans la mire de ces individus sans vergogne qui pensent que c’est l’argent qui dirige désormais le Mali. Les poches pleines, imbus de leur statut social et infatués de leur personne, ils s’accaparent souvent de terrains bornés (et même partiellement bâtis), f ont recours à la justice et « gagnent » leur procès. Transformer le faux en vrai est devenu une spécialité lucrative pour certains magistrats véreux et leurs complices avocats qui déshonorent notre justice et n’ont même pas peur de Dieu a fortiori des hommes et du péché.

Dans la région de Ségou, outre la ville capitale régionale, c’est la zone Office du Niger qui est, depuis une dizaine d’années, l’objet de toutes les convoitises. A la place des colons et des légitimes propriétaires, c’est une horde de fonctionnaires bamakois (enrichis par le vol de deniers publics) qui débarque sur ces terres, spoliant, menaçant, enfermant tout individu qui leur fait barrage. Les enquêtes d’un confrère de la place, Le Sphynx, ont permis de savoir que même le Vérificateur Général, Sidi Sosso Diarra, le monsieur censé incarner la morale et la probité du pays, a succombé à cette gloutonnerie foncière, en faisant main basse sur des dizaines d’hectares de terres arables, dans l’opacité la plus totale.

Il n’est un secret pour personne, rapports de Transparency International, du Giaba et de l’Office des nations-unies contre la drogue à l’appui, que le fruit du blanchiment d’argent intense du Mali aboutit dans l’investissement foncier. Les vendeurs de drogue, leur s complices, les voleurs de deniers publics, tous n’ont qu’une idée : acheter la terre, bâtir, cultiver, mettre en réserve. La fabrication de faux titres fonciers et leur validation par la justice est devenue un sport national. Un opérateur économique agissant dans la vente de carburant et le transport se vante même de ne jamais perdre un procès concernant un litige foncier au Mali. Il aurait d’ailleurs réussi à faire déguerpir une famille entière d’une concession déjà bâtie et habitée ! Le président de la Chambre de Commerce, Jeamille Bittar, brandit une autorisation de construire qui bloque l’écoulement des eaux de pluies du cimetière de Sogoniko et… déterre des corps ! Il est pourtant toujours tout sourire à la télévision, fier de sa puissance et de son omnipotence.

Dès l’annonce, par le président ATT, du démarrage des travaux du barrage de Taoussa dans le cercle de Bourem (région de Gao), les coquerelles ont pris la direction du Septentrion, histoire de s’approprier illégalement les futures terres irrigables. « Taoussa sera le prochain Eldorado du Mali, il faut profiter de l’instant pour acheter à vil prix tout ce qui est achetable » s’extasiait un notable de Gao. Sauf qu’à Touassa au moins, il y a des gens qui savent se défendre et se faire respecter, par les armes ! C’est le bastion des MFUA et des Ganda Koy !

Le général Kafougouna Koné, ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, un moment, alarmé par l’ampleur du drame, avait suspendu l’autorisation faite aux maires de vendre des lots. Par une logique propre seulement à l’administration malienne, alors que les maires restent toujours les élus les plus corrompus (pourris serait peut-être meilleur) du pays, il vient de les autoriser à nouveau de reprendre leur dangereuse activité. Kafougouna Koné qui reste encore un des hommes les plus intègres et les plus respectés du pays, est-il si las pour accepter de céder à des pressions ou aux chantages ?

L’injustice fait le lit du désordre et le désordre conduit  à la désobéissance. Ce laisser-faire alimente tous les jours des haines et des rancœurs, comme les abus de la milice de Modibo Kéita ou les brimades quotidiennes de la dictature Moussa Traoré. Jusqu’au jour où aura lieu l’explosion. Ce n’est pas jouer les oiseaux de malheur ou inciter à la révolte. C’est juste le constat d’un Etat faible et laxiste qui laisse prospérer l’injustice et l’insolence financière.  Quand un Etat démissionne face à ses fonctions régaliennes qui comprennent aussi l’égalité et l’équité, c’est le pays entier qui est en danger. Beaucoup de citoyens dépités disent aujourd’hui, avec désespoir : « Les seuls Maliens que l’on considère aujourd’hui sont les Touareg. Eux, ils savent se faire respecter de l’autorité ». Le rôle d’un Gouvernement est de prévenir les dérives, pas de les encourager en faisant confiance à sa machine répressive qui perpétuera les abus.  On ne peut garder le couvercle très longtemps sur la marmite…

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