Le Préfet du Cercle de Kati, El Hadj Ibrahim Mamadou Sylla à propos du foncier :«Ceux qui poseront des actes illicites et immoraux, répondront devant la loi»

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Suite à la forte pression que subit le Cercle de Kati dans la gestion foncière, nous avons rencontré le préfet de Kati dans sa résidence à Kati Coco Plateau. Homme d’Etat de qualité, le premier responsable du Cercle de Kati ne se contente pas du poste qu’il occupe, de liquider les affaires courantes ou de servir au lieu de se servir. El Hadj Ibrahim Mamadou Sylla, qui fait chaque matin le tour de tous les bureaux, est l’un des rares cadres qui s’évertuent à inventer des voies et moyens susceptibles d’améliorer les biens et les services de l’Etat qui lui ont été confiés. Dans cet entretien, il répond sans ambages à toutes les questions qui lui ont été adressées.

Le Katois : Monsieur le Préfet, pouvez-vous vous présenter à nos nombreux lecteurs ainsi que votre structure?

El Hadj Ibrahim Mamadou Sylla : Vous avez Ibrahim Mamadou Sylla, je suis le Préfet du Cercle depuis mai 2006. Autrement dit, je suis le représentant du pouvoir central en charge de la gestion du Cercle de Kati, un des plus vaste Cercle en République du Mali. Le Cercle de Kati couvre 37 Communes dont une Urbaine, soit une population d’environ un million d’habitants. Il compte 8 Arrondissements dirigé par des sous-préfets. C’est un Cercle qui ceinture la ville de Bamako où les quatre points cardinaux du District de Bamako forment une partie du Cercle de Kati. Voilà sommairement présenté le cercle de Kati. Cette proximité avec le District de Bamako constitue souvent, pour nous, des atouts mais aussi des handicaps. C’est un peu la situation dans laquelle nous nous trouvons par rapport à Bamako et à la gestion administrative du Cercle de Kati.

Est-ce que ce sont ces difficultés qui font que le cercle de Kati n’a pas bonne presse ?

Effectivement, je suis très heureux de votre démarche, parce que dans le temps, nous avons été victimes d’harcèlement de la part de certains journalistes que je qualifie de véreux. Un journaliste est avant tout un bon policier. Quand vous avez des informations, vous avez le droit et le devoir d’aller à la source et confronter vos informations avec la version officielle avant la publication. Dans la plupart des cas, je ne sais pas pour quelle raison, les gens s’acharnent souvent sur des structures ainsi que des responsables et les dénigrent.

La proximité de Kati avec le District de Bamako fait que la pression foncière est très forte. Bamako ne disposant pas d’une grande réserve foncière qui puisse satisfaire la demande, les gens en quête de parcelles se rabattent sur le Cercle de Kati. C’est ce qui fait que nous avons d’énormes problèmes que nous gérons quotidiennement. Pour savoir un peu la situation dans laquelle nous travaillons, il est normal de venir tâter le pouls du terrain pour comprendre les problèmes, confronter les informations avec les réalités du terrain avant d’écrire les articles qui sont sensés être justes et qui ne tapent pas sur la sensibilité ou la dignité des uns et des autres. Donc, nous ne faisons aucune restriction ou rétention de l’information. Nous sommes ouverts à la presse pour toutes les informations nous concernant.

De notre arrivée à nos jours, nous avons abattu beaucoup d’efforts. J’ai hérité d’une situation qui n’était pas du tout favorable, mais aujourd’hui, nous avons considérablement amélioré la gestion financière à travers la création de deux régies. L’une qui s’occupe des rentrées de fonds et l’autre, des dépenses parce que toutes les dépenses font l’objet d’un budget-programme approuvé par le Gouverneur de région. Les deux régies ont été installées par arrêté interministériel signé par le Ministre de l’administration territoriale et celui des finances. Ce sont des structures qui ont été créées légalement et elles se contrôlent mutuellement. Toutes les recettes générées au niveau du Cercle sont prisent en charge par des quittanciers délivrés par le Trésor public où se font les versements. Pour ce qui concerne la gestion administrative et le management du personnel, nous avons pris suffisamment des notes de service pour mettre les gens au travail en leur confiant des tâches avec une mission bien précise. Ils sont environ une centaine d’agents qui travaillent sous notre autorité. Afin de mieux orienter et informer les usagers, nous avons créé un bureau d’accueil. Nous avons aussi aménagé les bureaux qui sont équipés d’outils informatiques afin de mettre les agents dans les conditions idoines de travail pour un service efficace.

Nous avons fait le pavage de la cour et construit une mosquée qui est entretenu grâce à l’argent généré par le parking. Aujourd’hui, ce sont ces changements importants qui ont été opérés au niveau du Cercle de Kati afin de mettre les usagers dans des conditions idoines.

Le nombre de documents produits par jour à la préfecture de Kati est très impressionnant et pour les signatures, il m’arrive d’épuiser un bic en une ou deux journées. Sans modestie, nous avons marqué le Cercle de Kati par notre emprunt et quand on y fait un tour, après quelques années d’absence, il saura que c’est un travail phénoménal qui a été réalisé.

Monsieur le préfet, sans être indiscret, vous faites combien de signature par jour ?

Nous faisons entre 3500 et 4000 signatures par jour.

Avez-vous une vie de famille ?

Je n’ai vraiment pas de vie de famille, parce que je vais au bureau avant presque tout le monde et je quitte quasiment après tout le monde, exceptés ma secrétaire particulière et mon adjoint. Le rythme du travail est très soutenu et important. Les documents à signer sont nombreux. Rien que les dossiers de titre provisoire, nous avons à peu près de 25 à 30 signatures à apposer par dossier. Quand vous avez 100 dossiers à signer, multipliez-les par 25, cela fait environ 2500 signatures. Et, c’est sans les permis d’occupé, les duplicatas, les lettres d’attribution, etc. Il y a une vingtaine de machines qui produisent ces documents, mais je suis le seul à les signer. Après la descente, c’est tout un tas d’audiences qui m’attend à la maison. Je suis un homme public et je sais aussi que les gens ont besoin de moi et que tout ne peut pas se régler au bureau. C’est pour cette raison que j’ai décidé de travailler à la maison, après les heures de service et de recevoir les gens dans la limite de mes possibilités physiques. C’est ce qui fait que je travail de 7 heures du matin à 23 heures. Je dirais que nous avons une équipe qui gagne. A l’image du Président ATT, nous voudrions que le pays puisse être dirigé par des gens honnêtes et dévoués pour la cause publique. A Kati, tel est notre devise : bien faire et servir les usagers du service de l’Etat.

Est-ce que la délimitation entre la circonscription de Kati et le District de Bamako peut-elle être une raison qui favorise la spéculation et la magouille foncière à Kati ?

J’avais dit tantôt que le fait que Bamako ne disposant de réserve foncière, Kati est trop sollicité et ce qui suppose que les spéculations foncières vont bon train. Mais, depuis notre arrivée, nous luttons, dans la mesure de nos possibilités, pour limiter les dégâts. Il est difficile de mettre fin complètement à cette pratique. C’est un combat de longue à haleine que nous menons.

Est-ce qu’il y a, aujourd’hui, une possibilité de moraliser cette question foncière ?

Je pense que c’est faisable. Depuis notre arrivée, nous avons mis en place des dispositifs d’accueil à travers un mécanisme efficace de contrôle qui pousse l’investigation jusqu’au terrain. Il s’agit d’enquêtes de proximité. Quand un usager fait une demande pour avoir des papiers pour son champ, la demande est d’abord signée par le chef de village, deux conseillers du village et le Maire de la collectivité en question. Ensuite, le dossier est transmis aux services du Génie rural pour l’enquête qui sera menée en prenant les renseignements auprès des voisins les plus immédiats pour ne pas poser d’actes illicites. C’est pour dissuader les personnes qui tentent de nous induire en erreur. Cette démarche à pour objectif d’amener les communautés vers une gestion morale du foncier. Pour ce qui concerne les lots à usage d’habitation, deux services ont été responsabilisés pour sa gestion. Quand le dossier est jugé techniquement bon, les services techniques fournissent des fiches techniques pour chaque dossier. C’est une façon de les responsabiliser et au cas où ils essayent d’induire l’administration en erreur, ils iront répondre devant la justice. Certains, malgré qu’ils soient des agents du service public, ont trompé la bonne foi de l’administration et ils en ont fait les frais. A mon niveau, quand un usager tente de nous tromper et s’il est vérifié qu’il a posé des actes illicites, je le défère. Donc, lorsque nous faisons objet d’escroquerie, nous ne restons jamais les bras croisés. Cela, pour éviter qu’on pense que nous sommes complices de la situation. Cette mesure est valable pour les usagers, mais aussi pour les agents techniques qui sont mes collaborateurs les plus immédiats. C’est ce qui incite, aujourd’hui, les gens à aller vers une gestion concertée du foncier. Chef de village, conseillers de village, autorités municipales, tous doivent répondre devant la loi quand ils posent des actes immoraux et illicites. En tout cas, tous ceux qui poseront ces actes illicites et immoraux, n’y échapperont pas.

Maintenant à Kati, nous avons consacré deux jours (mardi et jeudi) aux audiences lors desquelles nous réglons les litiges fonciers. Quand deux personnes ont un litige foncier, nous procédons à des rencontres contradictoires entre le plaignant et celui qui est convoqué. Cela nous permet, contrairement aux tribunaux, de pouvoir gérer de façon sociale ce litige foncier. Ce sont autant de jalons pour lutter efficacement contre la spéculation foncière, mais ce n’est pas l’affaire du préfet seul. Il faut l’implication effective de toutes les parties prenantes.

Propos recueillis par Mamadou DIALLO

Le Katois

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