C’est une vérité coulée dans du zinc depuis la nuit des temps. En effet, chaque fois que la justice est rendue par des magistrats professionnels, consciencieux et compétents, les décisions ne souffrent d’aucune ambiguïté et elles peuvent donc s’appliquer aisément. La preuve vient d’en être administrée par le Tribunal civil de Kati qui a débouté, en son audience publique ordinaire du 27 Aout 2012, la Mairie de la Commune III du district de Bamako « en sa demande d’annulation des titres foncières de la Sifma et de délimitation de parcelle irrecevable pour défaut de qualité ; la condamner donc aux dépens»
Un point essentiel de l’argumentaire du tribunal : « La Mairie de la Commune III ne saurait disposer de terrains qui ne lui ont pas été transférés conformément à l’article 58 du Code Domanial et Foncier dans la mesure où ils n’ont jamais apporté ni la preuve de cession, ni de transfert ou d’attribution par l’Etat du Mali à son profit des terres litigieuses». S’agissant de la question de délimitation prétendument évoquée par la Mairie, le tribunal explique que « la loi n°97-020 du 07 mars 1997 n’a pas d’effet de modifier le découpage territorial du district de Bamako et aussi qu’une modification du ressort administratif est différente d’un découpage territorial». Qu’à cela ne tienne, «conformément au Code Domanial et Foncier, la Mairie de la Commune III n’a aucun droit de propriété sur les terres querellées et tombe largement dans la confusion entre le rattachement administratif et le découpage des collectivités ; qu’il y’ a lieu de déclarer l’assignation irrecevable pour défaut de qualité de la Mairie de la Commune III du district de Bamako» .Voilà qui est clair.
Il y a là, à n’en point douter, une stratégie de mettre tout le monde devant le fait accompli, Sifma-sa comme pouvoir judiciaire et autorités administratives supérieures. Mais n’est-ce pas là une façon inintelligente de méjuger la justice malienne qui n’entend plus se faire doubler sur sa droite ?
Visiblement, les habitants de Sokonafing-Minkoungo ont les nerfs à vif en raison des manifestations de la Société Immobilière et foncière du Mali (Sifma-sa) qui en principe, ne réclame que ce qui lui revient de droit. Lors d’une rencontre avec la presse, le chef de village, Soungalo Konaté, a rappelé que les 25 hectares dont il est question appartiennent à la Mairie de la Commune III du district de Bamako conformément à la loi n°97-020 du 07 mars 1997. Il soutient également que les dites terres constituent des legs des aïeux des habitants de Sokonafing-Minkoungo d’où sa revendication du droit coutumier.
Aux regards des conclusions du tribunal de première instance de Kati, il est important de préciser que le Maire de la Commune III et le chef de village, Soungalo Konaté sont passés à coté en faisant une lecture trop subjective de la loi n° 97-020 du 07 mars 1997. Aussi, s’agissant des droits coutumiers prétendument évoqués par le chef du village, l’article 43 (al 1 et 2) de l’Ordonnance n° 0027/p-RM du 22 mars 2000 portant Code Domanial et Fonciers stipule sans ambages qu’ils doivent être révélés au moment de la création du titre foncier (ce qui ne fut point le cas) et que, donc, «on ne saurait se prévaloir d’un prétendu droit coutumier, jamais confirmé au moment de la création des titres en question pour solliciter leur annulation». En outre, les parcelles litigieuses sont des titres appartenant à l’Etat qui les a cédés à la Sifma-sa après que toutes les formalités de publicité et d’affichage aient été remplies sans opposition. Il est donc constant que ces titres fonciers ont été régulièrement établis et n’ont pas fait l’objet d’aucune contestation dans les délais légaux.
Il ya maintenant lieu de se demander quel malin diable a pu tant induire en erreur la Mairie de la Commune III et les habitants de Sokonafing-Minkoungo au point de contester une décision judiciaire. Peut-être par méprise, peut-être aussi par cupidité, ou certainement pour honorer la mémoire de leurs ascendants, mais très certainement parce que l’impunité a trop prévalu dans le pays, au point de devenir un segment de la bonne gouvernance. Les hautes autorités, judiciaire, administrative, et technique, ont donc eu beau jeu de rappeler à l’occasion que le plan du District de Bamako dressé par l’Institut géographique du Mali (IGM) en août 2004 atteste à suffisance que les parcelles convoitées par l’entité administrative ne relèvent pas territorialement dudit District.
Par ailleurs, il faut préciser que la Chambre des référés de la Cour d’appel de Bamako en son audience publique ordinaire du 03 août 2012, a ordonné « à la Mairie de la Commune III du District de Bamako et à tous occupants de son chef, l’arrêt des travaux sur les titres fonciers n° 12858 ; 12880 ; 12877 et 12881 du cercle de Kati jusqu’à décision définitive au fond sur la requête en annulation contre lesdits titres fonciers. Mets les dépens à la charge de la Mairie de la Commune III ».
La Cour d’appel de Bamako édicte donc par la grosse suivante : « En conséquence, la République du Mali, mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux Procureurs généraux et aux Procureurs de la République près les Cours d’appel et les Tribunaux de Première Instance, d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En foi de quoi, le présent arrêt a été collationné scellé et signé par nous, greffier en chef près la cour d’appel de Bamako, pour servir de première grosse à la maître Souleymane Adamou Cissé ».
Autant de motifs qui ont poussé la Société Immobilière et foncière du Mali (Sifma-sa) a réclamé son droit de propriété sur les parcelles en question. Dans l’incapacité donc de faire prospérer ses prétentions devant les juridictions nationales, la mairie de la commune III du district de Bamako a opté pour la politique de la terre brulée. D’abord en poussant les populations de Sokonafing-Minkoungo à ouvrir un nouveau front judiciaire tout en fouettant leur orgueil et ensuite en attribuant illégalement des parcelles à des hommes en tenue sur des titres qui ne lui appartiennent pas. Aujourd’hui, la tention est très vive entre une population locale qui croit détenir un droit coutumier sur des titres qui les a échappés depuis fort longtemps et le plus légalement du monde et une société immobilière soucieuse avant tout d’ériger un projet de ville nouvelle dans cette partie de notre capitale. Est-il besoin, en effet, de rappeler que la Sifma a concocté un plan de développement dont le coût d’investissement s’élève à environ 175 milliards de FCFA. Des titres fonciers querellés qui ont été obtenus par la Sifma depuis 2006 après avoir accompli toutes les formalités exigées en la matière servent à accueillir ce projet de ville nouvelle. Et aujourd’hui, c’est ce projet novateur et ambitieux qui est fortement compromis à cause des prédateurs fonciers que sont la mairie de la commune III et un bénévole qui se serait reconverti dans tout ce créneau juteux.
Pour la Mairie de la commune III qui a épuisé toutes sa réserve foncière, il s’agit de Trouver un autre filon d’or où des conseillers véreux peuvent continuer à se faire la poche. L’occasion toute trouvée sont les espaces vides qui se trouvent dans ces deux localités situées au flanc de la colline de Koulouba. Des espaces qui font l’objet de titres fonciers appartenant à la SIFMA. Ayant été débouté de toutes ses prétentions, la stratégie toute trouvée est de faire révolter les populations, de trouver certaines couvertures à travers des hommes en tenue et surtout d’entretenir une confusion terrible sur le terrain. Cette démarche suicidaire ne peut nullement triompher dans un Etat qui est à la recherche de ses repères après plus de 20 ans d’obscurantisme.
Ibrahim M GUEYE