Suite à la promesse faite par le président de la Transition, Colonel Assimi Goïta lors de son séjour à Kayes le 23 juillet 2023, presque tous les stades du Mali sont en phase de rénovation en ce moment. Une très bonne initiative d’autant plus que ces infrastructures avaient réellement besoin de faire peau neuve afin d’offrir aux passionnés un cadre adéquat de la pratique sportive. Mais, une chose est de rénover les stades, mais une autre est de s’assurer des moyens de leur entretien afin que ces infrastructures ne puissent plus jamais connaître ce niveau de dégradation. Malheureusement, la rentabilité et l’entretien permanent sont deux équations auxquelles la Direction nationale des sports et de l’éducation physique (DNSEP) s’est toujours heurtée dans sa politique de gestion des infrastructures. Faute de budget spécifique, elle est contrainte de compter sur la bonne foi des services financiers du département de la Jeunesse et des Sports ainsi que celui de l’Economie et des Finances (à la phase de l’arbitrage budgétaire). Il est temps que la donne change.
Au cours de sa visite à Kayes, le 23 juillet 2023, le président de la Transition a annoncé la rénovation des stades de Kayes, Mopti, Sikasso et la construction d’un nouveau stade à Tombouctou. Pour ce qui est de la rénovation, la promesse est en cours d’exécution. En effet, à part le 26 Mars de Yirimadio qui a récemment fait peau neuve, les différents stades du pays sont actuellement en réfection. Ce qui constitue une bonne chose pour le confort et la sécurité des passionnés du sport.
Les travaux de rénovation du stade Abdoulaye Makoro Sissoko ont été ainsi lancés le 5 septembre 2023 par le gouverneur de la région de Kayes, Colonel Moussa Soumaré. Deux jours plus tard, 7 septembre 2023, le Colonel-major Abass Dembélé (gouverneur de Mopti) a lancé les travaux de rénovation du Stade Baréma Bocoum de Mopti. Cette initiative présidentielle est à saluer d’autant plus que la majorité de nos infrastructures sportives a besoin d’un lifting pour offrir les commodités requises aux sportifs et au public. Mais, resteront-elles pratiques combien de temps si elles ne sont pas réellement dotées des moyens d’un entretien rigoureux ?
Aujourd’hui, les infrastructures sportives constituent un levier essentiel pour la mise en œuvre du droit à l’exercice du sport et un outil de choix pour la promotion de l’éducation sportive. Elles offrent aux élites nationales les conditions de réussite lors des différentes manifestations internationales. L’idéal est que ces infrastructures puissent réellement générer des fonds pour leur fonctionnement, leur entretien…
Ce qui nous amène à la question de la rentabilisation de nos infrastructures sportives. Une équation qui a jusque-là résisté à toutes les initiatives, notamment à la volonté du ministre Hamane Niang dont le cabinet s’était beaucoup investi dans sa résolution. «Les infrastructures sportives du Mali sont construites à des milliards de F CFA. Mais, elles ne sont rentables ni pour leur propre fonctionnement ni pour l’Etat en termes financiers. Même pour réparer une simple ampoule, ou régler une facture de 100 000, 200.000… F CFA, les responsables d’un stade doivent passer par la Direction des finances et du matériel (DFM)», avait confié à la presse Bréhima Fomba, Directeur national du sport et de l’éducation physique à l’époque. C’était à l’occasion d’une conférence de presse animée le 26 novembre 2017 au stade Ouezzin Coulibaly. La rentabilisation des infrastructures sportives du Mali était l’un des principaux sujets abordés avec les médias à cette occasion.
Initier des projets innovants pour rentabiliser les stades
Son constat était qu’aucun de nos «stades ne peut se prendre en charge. Tout est sur le dos de l’Etat. Pour lui, la rentabilisation des infrastructures devait commencer par la libération les alentours des stades occupés par les gens qui ne rapportent rien au stade et à l’Etat». Autant dire qu’il faut leur donner les moyens d’y réaliser des équipements marchands (boutiques, restaurants). Dans un pays comme le Burkina Faso, une fois la nuit tombée, les alentours des stades sont très animés avec les restaurants, les buvettes…
La seconde phase, selon M. Fomba, devait consister à faire des projets pour ces stades qui peuvent rapporter à l’Etat au lieu d’être un trou financier. «Nous sommes au montage des projets pour réaliser des activités commerciales pour rendre rentables les infrastructures sportives de Bamako et de l’intérieur. Il s’agit de faire en sorte que l’on puisse passer une journée dans un stade s’en s’ennuyer. En somme, on veut aller vers la professionnalisation des services en changeant le mode de gestion», avait alors révélé Bréhima Fomba. Malheureusement, il n’a pas eu le loisir de mener à bien ce projet qui aurait pu révolutionner la gestion de nos infrastructures.
Mais, selon nos informations, la Direction nationale des sports et de l’éducation physique (DNSEP) est en train de «réchauffer» un vieux projet qui avait suscité l’espoir de pouvoir enfin résoudre l’équation de la rentabilisation de nos infrastructures sportives qui, hélas, sont encore gérées comme des services administratifs. Il s’agit de la création de l’Office de gestion des infrastructures sportives (OGIS). «A notre avis, c’est la meilleure solution pour rentabiliser nos infrastructures», nous a indiqué une source à la DNSEP.
Cet office doit avoir un statut d’Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) avec un conseil d’administration et doté d’une autonomie financière. Ce statut est de nature à permettre et à pousser les responsables des stades à prendre des initiatives pour les rentabiliser. Ce projet est dans les «pipes» (pour paraphraser Vieux Niang) depuis le temps des ministres Hamane Niang et Djiguiba Kéita dit PPR. Initié par certains membres du cabinet à l’époque et piloté par la regrettée Salamatou Maïga «Tantie Bébé», il n’a jamais pu aboutir parce que certains cadres du département n’y trouvaient pas leurs comptes. C’est donc aujourd’hui de bonne guère que la DNSEP ressort ce projet des tiroirs de l’oublie pour afin pouvoir mieux gérer nos infrastructures sportives.
La mise en œuvre de ce projet va sans doute mettre en évidence la nécessité du renforcement de capacité pour permettre aux directeurs des stades et des autres infrastructures de se mettre dans la peau de véritables managers. En effet, selon ce que nous avons appris dans les cours du Master en management des organisations sportives (MEMOS), il faut suivre une formation en management du sport pour gérer efficacement et avec succès une infrastructure sportive. Cette discipline regroupe une grande diversité d’outils et de techniques visant à l’amélioration de processus des structures du milieu du sport professionnel en vue de les rendre compétitives et rentables.
En la matière, le Mali peut compter sur des partenaires comme la Chine. D’ailleurs, il y avait un programme de coopération qui permettait aux cadres du département des Sports de séjourner chaque année en République populaire de Chine afin de mieux s’imprégner de l’expérience et de l’expertise de l’empire du milieu dans la gestion de ses infrastructures aussi nombreuses que gigantesques.
En tout cas, notre conviction demeure qu’il ne sert à rien de rénover les stades quand les moyens d’entretien ne suivent pas !
Moussa Bolly