Gouverner, c’est prévoir, mais c’est aussi humaniser le mode de gestion des conflits sociaux ; c’est veiller et se battre pour le bien-être exclusif de ses concitoyens, de ses administrés. C’est dans ce sens qu’au principe ” la loi est dure, mais c’est la loi (dura lex sed lex)”, de nombreux théoriciens ont opposé à bon droit, et dans certaines circonstances, le principe de l’humanisation de la règle de droit. Cette lecture de la science juridique trouve sa concrétisation dans nombre de «principes généraux du droit». On parle par exemple des principes généraux du droit de la procédure pénale….
Les juristes disent que si l’application de la loi crée plus de préjudices qu’elle n’en résout, les options de transaction ou de compensations doivent être explorées. C’est ce qui aurait dû être fait dans le cas du récent drame que le ministre des Domaines de l’Etat et des affaires foncières, Mohamed Ali Bathily, vient de provoquer à Souleymanebougou.
En l’espèce, l’agent de l’Etat, le préfet, agissant au nom et pour le compte de l’Etat, a attribué des parcelles à des particuliers. Ceux-ci y édifient, durant des années et au prix de mille et un sacrifices, des logements et non des fonds de commerce ! Que l’Etat, sous le motif que ces personnes (qui ont droit à un logement) ont violé la loi , vienne démolir leur ” vie ” et les mette au dehors est plus que choquant. Alors que les pouvoirs publics ont pour rôle d’assurer le minimum vital aux populations. Si ces parcelles “sont la propriété de l’ACI“, un établissement public, donc un démembrement de l’Etat, puissance publique, la voie indiquée pour résoudre ce litige foncier devrait être la recherche d’une transaction par exemple en demandant des redevances supplémentaires à la charge des habitants des lieux. Le ministre Bathily a préféré l’humiliation à la conciliation. L’on peut, à ce stade de ces actes, se demander s’il a véritablement la caution du président de la République, dont on connaît la sensibilité et l’humanité.
L’on a l’impression que le ministre Bathily est permanemment sur l’offensive et la menace. Voulant être le meilleur “ applicateur ” de la loi. Alors que partout ailleurs, l’application de la loi ou de certains textes requiert de tenir compte des contingences sociales ou des circonstances du moment…. Et lorsqu’il parle ” d’interdiction de construire dans le lit des cours d’eau obstruant le passage de l’eau “, l’on ne peut s’empêcher de lui demander d’aller casser les Hôtels Al Farouk ou l’ex-Kimpinski, Mandé, Mariétou Palace et d’autres villas cossues des pontes du régime à la Cité du Niger et ailleurs, qui sont construits quasiment dans le fleuve ! Tristes deux poids deux mesures !
Il faut rappeler que depuis près d’une dizaine d’années, les rapports du Médiateur de la République, sonnaient l’alerte sur la récurrence des problèmes fonciers mettant en cause les personnes publiques, les préfets, les mairies des communes urbaines et rurales. Cette question, faut-il le rappeler, est une vraie bombe qui menace la stabilité du pays si elle n’est pas désamorcée à temps. Et là, IBK, connu comme adepte de la justice sociale, est plus qu’interpellé.
Les expropriations illégales, les fausses lettres d’attribution, les batailles juridiques autour des héritages fonciers, la démolition de quartiers spontanés, dédommagements détournés à d’autres fins, la tension permanente entre paysans et éleveurs, les détournements des terrains et d’espaces alloués aux activités de jeunesse… Les plus hautes autorités doivent intervenir, avec sagesse pour résoudre ces problèmes de grande préoccupation.
La question foncière est devenue centrale dans nos Etats africains et en particulier au Mali, entraînant de nombreux conflits depuis la fin des années 1980. Ces conflits pour l’accès à la terre, qui font même couler du sang chaque année, sont alimentés par le manque de clarté en matière de gestion foncière. Selon les textes, toutes les terres appartiennent à l’Etat. Mais, dans les pratiques et usages, elles sont gérées par le chef de village et les chefs coutumiers, les mairies. Ces derniers peuvent ainsi attribuer, prêter ou vendre une terre. L’acquéreur ne dispose alors d’aucun titre de propriété, l’attribution définitive de la terre demeurant une prérogative régalienne.
La décentralisation n’a fait qu’exacerber le problème car ce n’est un secret pour personne que le foncier constitue l’une des principales ressources financières des mairies, dont les chefs sont souvent trop cupides.
Le problème aurait été moindre si les recettes foncières étaient réellement utilisées au profit du développement communal au lieu d’enrichir les élus et leurs formations politiques. Tous les moyens sont donc bons pour eux pour se remplir les poches. D’où la multiplication des spéculations foncières avec par exemple des lots à usage d’habitation attribués à des dizaines de personnes à la fois. Ce qui entraîne des conflits, voire des affrontements entre les prétendus propriétaires…. Ainsi, l’année passée, le village de Négnely, dans la commune de Baguinéda a enregistré 7 blessés graves à l’issue d’affrontements autour d’une parcelle litigieuses d’une soixantaine d’hectares. Il y a aussi près de trois ans, l’on a impuissamment assisté à des conflits entre un village situé dans le cercle de Tominian (Mali) et son voisin de la préfecture de Djibasso (Burkina Faso). On a assisté aux mêmes scènes dramatiques entre les villages frontaliers du Mali et de la Guinée. Pour ne citer que ces exemples…
La capitale ne fait pas exception à ce drame foncier lié à la très mauvaise gestion du cadastre. Les litiges fonciers font légion à Bamako où les élus n’hésitent même plus à monnayer les terrains de sports, les espaces verts, les lieux de cultes… morcelés et attribués abusivement. Dix personnes peuvent se retrouver banalement avec la même lettre d’attribution. Ainsi, de source officielle, près de 10 000 lettres d’attributions fictives circulent à Bamako.
On comprend alors aisément que le phénomène des litiges fonciers soit aujourd’hui une vraie bombe à retardement qui menace la stabilité socio-politique du Mali. Et cela, malgré l’existence des textes et lois élaborés pour éviter ces litiges qui, malheureusement, se multiplient non seulement dans les centres urbains mais aussi dans les zones rurales. Cela se comprend aisément pour qui sait que, au Mali, la question foncière a une dimension historique, socioculturelle, politique et économique.
A l’Etat de prendre toutes ses responsabilités sans aucune volonté d’humilier ou de régler des comptes. Mais en toute humanité !
Bruno D SEGBEDJI
Bathily a fait son devoir la lois doit être respecté par tout les citoyens au contraire bathily doit être soutenu publiquement par ibk
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