L’affaire judiciaire concernant la zone aéroportuaire de Bamako Sénou continue de soulever des vagues, après l’interpellation de l’ancien Ministre David Sagara par la Brigade d’investigation Judiciaire, le jeudi 14 août 2014.
Pour apporter leur part de vérité dans cette affaire, les avocats de l’ancien Ministre des domaines, M. David Sagara ont animé une conférence de presse, le mercredi 20 août 2014 à la maison de la presse. Il s’agissait des avocats Me Cheick Oumar Konaré et Me Kalifa Yaro.
Pour rappel, cette affaire judiciaire concernant la zone aéroportuaire de Bamako Senou vise l’ancien Ministre des Domaines, M. David Sagara, l’ancien directeur de l’urbanisme, M. Amadou Diallo, l’ancien directeur du département législation et du travail gouvernemental au secrétariat général du Gouvernement, M. Etienne Dioné, et le président directeur général de Toguna Agro Industries, M. Seydou Nantoumé.
Dans ses propos, Me Cheick Oumar Konaré a insisté sur la nécessité de récadrer le débat qui serait monopolisé par le Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Me. Mohamed Ali Bathily. “Hier avocat, aujourd’hui Ministre de la Justice, donc aujourd’hui homme politique. Alors que si la politique s’ingère dans le droit, le droit sort par la fenêtre. Quand la politique entre dans le prétoire, le droit sort par la fenêtre. Et c’est cet adage qui est entrain de s’illustrer aujourd’hui”, a ajouté Me Konaré.
A ses dires, l’affaire est administrative et on est entrain d’en sortir par extrapolation. Me Cheick Oumar Konaré estime que l’année 2014 a été décrétée celle de la lutte contre la corruption par les autorités, mais que l’on se dirige vers la fin de ladite année sans que des têtes tombent. Et qu’en même temps le Fonds Monétaire International (Fmi), la Banque Mondiale, l’Union Européenne (Ue) ont gélé leurs aides pour des faits de mal gouvernance. Et que c’est la raison pour laquelle, toujours selon Me. Konaré, que le pouvoir en place donne l’impression qu’il est entrain de lutter contre les prédateurs de l’économie et des biens publics.
“Je pense que c’est dans ce cadre que des têtes devraient absolument tomber et le hasard a voulu que ce soit ceux qui sont poursuivis dans ce dossier. Au moment où certains étaient placés sous mandat de depôt, au même moment le Ministre de la Justice animait une conférence de presse pour dire que M. Seydou Nantoumé était hors cause. Il appartenait au juge de décider du sort de ceux qui sont visés par la procédure. Il n’appartient pas au Ministre de la Justice de mettre quelqu’un hors de cause”, a précisé Me Cheick Oumar Konaré.
L’avocat affirme qu’au moment des faits reprochés à M. David Sagara celui-ci était Ministre, alors que l’article 613 et suivants du Code de procédure pénale prévoient clairement qu’un Ministre ne peut pas être arrêté comme un vulgaire malfrat. Toujours selon Me Cheick Oumar Konaré, pour poursuivre un Ministre il ya une procédure spéciale en raison du privilège de juridiction qu’il a. “Le Procureur général, le procureur de la République, le Ministre de la Justice peuvent-ils ignorer qu’un ancien Ministre ne pouvait être gardé à vue avant que la procédure spéciale ne soit observée ?”, s’est interrogé Me Cheick Oumar Konaré. D’où sa réaction comme quoi “la cible est politique, l’objectif est politique et la méthode est politique”.
Me Konaré soutient que “l’affaire est politique” à cause de l’acharnement qu’on observe dans la qualification des faits, c’est-à-dire : “coalition de fonctionnaires contre la Constitution et les lois, et atteinte aux biens publics”.
Me Konaré affirme que le Gouvernement est entrain de présenter une affaire de parcelle comme s’il s’agit d’un crime commis par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (Mnla) ou Alqaïda au Magreb Islamique (Aqmi).
L’avocat estime que la qualification de l’affaire, “coalition de fonctionnaires contre la Constitution et les lois”, suppose que des gens se sont concertés pour faire échec à l’action gouvernementale.
“Je n’ai jamais entendu parler de poursuite contre des gens pour “coalition de fonctionnaires contre la Constitution et les lois”. Une affaire de parcelle ne peut se transformer en une question de “coalition de fonctionnaires contre la Constitution et les lois”. Une zone aéroportuaire peut être explotée dans les règles de l’art. Le Ministre Sagara a pris des arrêtés d’occupation temporaire. Dans chaque arrêté qu’il a eu à prendre, il a tenu à préciser que c’est des arrêtés révocables à tout moment. Sur la base de ces arrêtés, l’État a déjà bouffé 1 millard de Fcfa. Vous bouffez l’argent des gens, ensuite vous venez dire que ces arrêtés sont illicites et vous mettez des gens en prison sans rembourser le milliard. Aujourd’hui tous ces arrêtés d’occupation temporaire du domaine aéroportuaire ont été revoqués. Et il y a en tout 206 bénéficiaires. Personne n’a plus de droit sur la zone aéroportuaire”, a t-il précisé.
Me Konaré a enfin souligné que du point de vue juridique, dès lors qu’il ne s’agit pas de cession ou de vente, la propriété n’a pas été transferée. Son collègue Me Yaro a tiré la conclusion que lesdites parcelles restent toujours la propriété de l’État et que l’ancien Ministre David Sagara n’a pas outrepassé ses compétences.
Tougouna A. TRAORÉ