Aux yeux de la justice malienne et des services techniques de l’Etat, la mairie de la Commune III du District de Bamako et son maire, Abdel Kader Sidibé, sont coupables, à Sirakoro- Dounfing et à Kolimagni (cercle de Kati), d’opérations illicites de lotissement sur les titres fonciers de la Sifma-sa pourtant réguliers établis. Les ventes aux tiers des parcelles d’habitation issues desdites opérations sont, par conséquent, frauduleuses. La justice ordonne donc l’arrêt de tous les travaux en cours sur le site.
C’est une vérité coulée dans du zinc depuis la nuit des temps. En effet, chaque fois que la justice est rendue par des magistrats professionnels, consciencieux et compétents, les décisions ne souffrent d’aucune ambiguïté et elles peuvent donc s’appliquer aisément. La preuve vient d’en être administrée par la justice malienne qui a méticuleusement démêlé des faisceaux d’intriques concoctés de haute main par la mairie de la Commune III du District de Bamako, visant tous à faire main basse sur des titres fonciers régulièrement établis de la Sifma-sa.
L’affaire, à vrai dire, n’aurait pas dû exister. Mais la boulimie de vente de terrains d’habitation, qui démange d’ordinaire nos maires, est vite devenu un cancer pernicieux chez Abdel Kader Sidibé, ci-devant édile de la Commune III, mais certainement pas lui seuil puisque dans la République, ils sont désormais légion les personnages haut perchés qui nagent régulièrement en eaux troubles. On peut le comprendre singulièrement pour le maire Sidibé car sa circonscription administrative à lui, en matière de spéculations foncières dans le district, est trop défavorisée par rapport aux autres car, non seulement elle est la plus petite commune de la capitale, mais en plus elle manque cruellement de réserves foncières. N’empêche, Abdel Kader Sidibé est un vieux singe rompu aux grimaces pour obtenir ce qu’il veut. Le voilà donc sortir de son chapeau de magicien l’argutie simpliste que sont situés sur son territoire des titres fonciers de la Sifma-sa qui ne souffrent d’aucune illégalité, accusant du coup la respectable société de fraudes. Il s’agit des titres fonciers n° 12858 (Sirakoro- Dounfing), n° 12881, n° 12877, n° 12 880 et n° 12878 relatifs à la zone de kolimagni Koulou ou Zone Centre émetteur de Kati. Et d’intenter une action en justice contre le Conservateur du Bureau des Domaines de Kati pour l’annulation des actes administratifs de cession des titres cités. Mais Abdel Kader Sidibé, qui a en réalité sa petite idée derrière la tête, avait déjà fait morceler lesdits titres par ses services techniques et, dans une précipitation inouïe, vendu les terrains à des tiers qui ont commencé à construire. En toute illégalité, bien entendu.
Il y a là, à n’en point douter, une brutale stratégie de mettre tout le monde devant le fait accompli, Sifma-sa comme pouvoir judiciaire et autorités administratives supérieures. Mais n’est-ce pas là une façon inintelligente de méjuger la justice malienne qui n’entend plus se faire doubler sur sa droite ? Tout compte fait, la Sifma-sa, qui a toujours privilégié une gestion apaisée des contentieux, alerte le maire de la Commune III par courrier en date du 30 mai 2011 en lui rappelant que ses « opérations de lotissement doivent être conditionnées au préalable à une enquête foncière approfondie et faire l’objet d’affectation par les autorités compétentes. » Dans sa correspondance, El Hadji Abdramane Kouyaté, Directeur général adjoint de la Sifma-sa, lui demande même gentiment, sur un ton pédagogique, « de surseoir à ces projets de lotissements et vous conformez aux textes en vigueur. Cela, pour éviter d’éventuels contentieux entre nos deux entités. »
Argumentaire minutieux et imparable
Malheureusement, de cette invite frappée au coin du bon sens, Abdel Kader Sidibé s’en foutra comme de l’An 40 et continuera ses opérations illégales sur des titres fonciers d’autrui par essence inaliénables. La Sifma-sa se voit contrainte d’entreprendre auprès des autorités compétentes des actions contre la mairie de la Commune III pour faire respecter ses droits. Il faut rappeler que la mairie de la Commune III, représentée par son maire, avait, par assignation le 12 mars 2012, sollicité du Tribunal de Première Instance de Kati l’annulation des titres fonciers dont elle contestait la paternité à la Sifma-sa. Toutes les autorités saisies établissent le même diagnostic : les opérations de lotissement de la mairie de la Commune III sont tout simplement des usurpations foncières au détriment de la Sifma-sa. Raison pour laquelle, le 5 juin 2012, soit plus d’un an après la lettre de la sifma-sa, le Directeur national des Domaines et du Cadastre saisit le maire de la Commune III pour lui faire deux importantes notifications.
Premièrement, « les parcelles en question ont été régulièrement immatriculées et cédées à la société Sifma. » En conséquence, le haut responsable demande au maire Sidibé « de bien vouloir prendre les dispositions urgentes pour faire cesser toute opération sur les titres indiqués. »
Deuxièmement, le directeur national des Domaines et du Cadastre conclut : « En outre, même si ces parcelles relèvent territorialement de votre commune, cela n’influe en rien sur la régularité des titres créés ; il s’agira techniquement de translater les titres ainsi créés dans le Livre foncier du District de Bamako. » Il faut dire que pour ne laisser aucune zone d’ombre sur cette réalité, le directeur national avait pris soin de rappeler plus haut au maire de la Commune III qu’il ne pourra « disposer que des domaines qui vous sont cédés ou affectés conformément aux dispositions du Code Domanial et Foncier et de l’Arrêté interministériel n° 06- 001/MDEAF-MATCL en date du 14 avril 2006. »
Last but not the least, la Direction Générale du Contentieux de l’Etat, dressera, deux semaines plus tard, le 29 juin, un argumentaire aussi imparable que minutieux qui ne laissera aucune chance aux prétentions de la mairie de la Commune III et à son maire. Ses conclusions serviront au Tribunal de Première Instance de Kati à débouter, en son audience du 2 juillet 2012, la mairie de la Commune III « en sa demande comme étant mal fondée ; la condamner [donc] aux dépens. » Un point essentiel de l’argumentaire : « La mairie de la Commune III ne saurait disposer de terrains qui ne lui ont pas été transférés conformément à l’article 58 du Code Domanial et Foncier. » S’agissant des droits coutumiers prétendument évoqués par la mairie, l’article 43 (al 1 et 2) de l’Ordonnance n° 0027/p-RM du 22 mars 2000 portant Code Domanial et Fonciers stipule sans ambages qu’ils doivent être révélés au moment de la création du titre foncier (ce qui ne fut point le cas) et que, donc, « on ne saurait se prévaloir d’un prétendu droit coutumier, jamais confirmé au moment de la création des titres en question pour solliciter leur annulation. » Qu’à cela ne tienne, il existe le principe sacro-saint, homologué par les pères de l’indépendance, « que l’Etat dispose, comme tout propriétaire, de son domaine privé. » En clair, la terre appartient à l’Etat qui l’attribue à autrui selon ses règles et lois. Au regard de ce qui précède, la Direction Générale du Contentieux de l’Etat, suivie par le Tribunal de Première Instance de Kati, conclut que « la mairie de la Commune III ne dispose d’aucun droit sur les parcelles litigieuses et qu’il y a lieu de déclarer l’assignation du 12 mars 2012 irrecevable pour défaut de qualité. » Voilà qui est clair.
Méprise ? Cupidité ?
La Direction Générale du Contentieux de l’Etat et le Tribunal de Première Instance de Kati établissent au passage les bons droits de la Sifma-sa sur les parcelles querellées en ce que celle-ci a respecté, du début à la fin, les procédures d’acquisition de ses titres fonciers. Ce qui honore l’équipe de professionnels qui la dirige. Citons, entre autres, quelques articles inattaquables. Les parcelles litigieuses sont des titres appartenant à l’Etat qui les a cédées à la Sifma-sa après « Que toutes les formalités de publicité et d’affichage ont été remplies sans opposition. » Il est donc constant que ces « titres fonciers ont été régulièrement établis et n’ont pas fait l’objet d’aucune contestation dans les délais légaux. Que dès lors, ils sont protégés légalement par les dispositions des articles 76, 169, 170 et 171 du Code Domanial et Foncier qui disposent :
Article 76 : « L’immatriculation est définitive ; aucun immeuble immatriculé ne peut être replacé sous son régime antérieur » ;
Article 169 : « Le titre foncier est définitif et inattaquable ; il constitue, devant les juridictions maliennes, le point de départ unique de tous les droits réels existant sur l’immeuble au moment de l’immatriculation » ;
Article 170 : « Toute action tendant à la revendication d’un droit réel non révélé en cours de procédure et ayant pour effet de mettre en cause le droit de propriété d’un immeuble immatriculé est irrecevable » ;
Article 171 : « Les personnes dont les droits auraient été lésés par suite d’une immatriculation ne peuvent se pourvoir par voie d’action réelle, mais seulement en cas de dol, par voie d’action personnelle en indemnité ». Pour ces motifs de droit, les titres dont l’annulation est demandée par la Mairie de la Commune III (et qui ont fait de sa part l’objet d’opérations prématurées, sinon précipitées, puis de vente à des tiers) sont « des actes qui ne souffrent d’aucune irrégularité et qui confèrent un droit de propriété à la Société Immobilière et Foncière du Mali (Sifma) ».
Il ya maintenant lieu de se demander quel malin diable a pu tant induire en erreur la mairie de la Commune III au point d’usurper des titres fonciers régulièrement établis et qui, au regard de la loi, sont inattaquables. Peut-être par méprise, peut-être aussi par cupidité, mais très certainement parce que l’impunité a trop prévalu dans le pays, au point de devenir un segment de la bonne gouvernance. Le maire de la Commune III a donc péché en faisant une lecture trop subjective de la loi n° 97-020 du 07 mars 1997 qui a rattaché à sa circonscription administrative Sirakoro- Dounfing et Koulininko, mais non Kolimagni. Les hautes autorités, judiciaire, administrative et technique, ont donc eu beau jeu de rappeler à l’occasion que le plan du District de Bamako dressé par l’Institut géographique du Mali (IGM) en août 2004 atteste à suffisance que les parcelles convoitées par l’entité administrative ne relèvent pas territorialement dudit District. Et, il faut le savoir, les limites territoriales du District de Bamako ont été fixées par l’Ordonnance n° 78-33/CMLN du 18 août 1978. La loi n° 97-020 du 7 mars 1997 n’a donc fait que rattacher les quartiers de Sirakoro- Dounfing et Koulouninko à la mairie de la Commune III sans jamais effectuer un découpage territorial, encore moins changer les principes et les réalités de droit qui ont leurs fondements dans le Code Domanial et Foncier.
Arrêt des travaux
Autant de motifs ont autorisé la Chambre des référés de la Cour d’appel de Bamako à rendre, en son audience publique ordinaire du 3 août 2012, l’Arrêt n° 275 ordonnant « à la mairie de la Commune III du District de Bamako et à tous occupants de son chef, l’arrêt des travaux sur les titres fonciers n° 12858 ; 12880 ; 12877 et 12881 du cercle de Kati jusqu’à décision définitive au fond sur la requête en annulation contre lesdits titres fonciers. Mets les dépens à la charge de la Mairie de la Commune III. »
La Cour d’appel de Bamako édicte donc par la grosse suivante : « En conséquence, la République du Mali, mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux Procureurs généraux et aux Procureurs de la République près les Cours d’appel et les Tribunaux de Première Instance, d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été collationné scellé et signé par nous, greffier en chef près la cour d’appel de Bamako, pour servir de première grosse à Me Souleymane Adamou Cissé. »
Fatoumata Haïdara
Accueil Immobilier/Domaines Fonciers