Affaire Kalabambougou : Le Ministre Bathily sort de son silence

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Me Mohamed Aly Bathily, il s’agit de lui, patron actuel de la justice malienne, continue de défrayer les chroniques. Pour la première fois dans notre pays, un Ministre de la République s’éloigne de son fauteuil pour inviter des citoyens à ” porter plainte ” contre d’autres citoyens. Sa visite de terrain à Kalabambougou a révélé aux yeux des observateurs toute la gymnastique des nouvelles autorités. Désormais, les cours et tribunaux n’auront plus à trancher les affaires. Le tout puissant Ministre de la Justice s’en chargerait.

 

Mohamed A Bathily, ministre de la Justice, Garde des sceaux
Mohamed A Bathily, ministre de la Justice, Garde des sceaux

Lors de cette visite, faut-il le rappeler, des propos sont sortis de la bouche de Me Mohamed Aly Bathily. Des propos qui invitaient certains déguerpis de Kalabambougou à porter plainte contre les auteurs de ce qui s’était passé. Autrement dit, des citoyens contre d’autres citoyens. La presse a largement relayé certains de ses propos. Et pour joindre l’utile à l’agréable, Me Mohamed Aly Bathily ne s’est pas privé d’envoyer l’Huissier de justice, Me Aliou Kéïta, derrière les barreaux.

 

 

Dans la foulée, il organisa une conférence de presse pour, semble-t-il, informer l’opinion publique. Mais, le mal était déjà fait.

 

 

De notre point de vue, le rôle de l’homme n’était pas de tenir de tels propos. En sa qualité de Ministre de la Justice, il se devait de laisser les parties en présence poursuivre leur bataille devant les tribunaux. En tenant de tels propos, il donnait l’impression d’avoir pris position. Ignorait-il que les tribunaux s’occupaient de l’affaire depuis des années.

 

Une correspondance officielle d’avril 2002 du Ministre des Domaines de l’Etat, des Affaires foncières et de la communication se voulait pourtant claire. ” … J’ai l’honneur de vous préciser qu’un terrain d’une superficie de 24 hectares a été retenu dans la réserve foncière de Kalabambougou suivant les recommandations du rapport d’Enquêtes Foncières approuvé le 24 avril 2001 lors du Conseil extraordinaire des Ministre aux fins des usages ci-après :

 

Satisfaire aux besoins d’extension de l’Institut Marchoux présentement (CNAM) compte tenu de ses nouvelles missions ;

 

Dégager des parcelles d’habitations pour les malades blanchis de la lèpre installés illégalement dans l’enceinte de l’hôpital …” écrivait alors le Secrétaire général de ce département au Directeur Général du Centre National d’Appui à la lutte contre la Maladie (CNAM).

 

 

Me Mohamed Aly Bathily doit détenir une telle correspondance. Ce qu’il ignore, c’est que les 24 ha ont été presque totalement occupés par la suite par des gens qui n’avaient aucune qualité. C’est ainsi que les responsables du CNAM et Institut Marchoux se décidèrent à saisir la justice aux fins d’expulser et de démolir les lieux. Deux des occupants illicites sont cités. En la matière, Me Mohamed Aly Bathily sait que tous les noms ne sont pas cités. Il en est de même des plaignants. Il n’y avait que deux noms. Mais, les verdicts sont clairs lorsqu’ils sont rendus devant un tribunal et non en Assemblée générale.

En tout cas, le Tribunal de Première Instance de la Commune IV a statué sur l’affaire le 16 janvier 2012. Le tribunal a ordonné l’expulsion des deux occupants. Il y a eu appel de la décision. L’affaire atterrit sur la table de la Cour d’Appel de Bamako en son audience du 08 janvier 2014. La Cour a attesté la propriété de l’espace en faveur du CNAM en se basant sur les pièces justificatives (rapport d’expertise, titre foncier, …).

 

 

La Cour d’Appel a confirmé le jugement rendu par le Tribunal de Première Instance de la Commune IV. Des individus se réclamant d’une curieuse association, ” Siguida Ton ” réclamèrent le sursis à exécution de l’Arrêt de la Cour. Ils ont été déboutés le 18 juillet 2014. Notons que le jugement du Tribunal de la Commune IV parle bien de deux occupants illicites, Lassine Camara et Chakaba Kéïta, mais aussi de ” tout autre occupant de leur chef ” de l’espace indiqué. Ce tribunal a effectivement ordonné la ” démolition des constructions édifiées “. Toute chose que la Cour d’Appel n’a pas infirmée.

 

 

L’intitulé même de l’affaire était ” expulsion et démolition “.

 

Vers la mise au pas de la justice

Cette affaire, on le comprend, a suscité des émotions chez nombre de nos compatriotes. Hivernage aidant, ils auraient souhaité au moins que l’on laisse les occupants passer cette période. Le sort des dames et enfants aura été déterminant dans leurs émotions. Certainement que le Ministre Me Mohamed Aly Bathily faisait partie de ceux-ci. De la façon dont il était emporté, il n’y aurait pas de doute. Mais, la question est toute autre. Faut-il oui ou non appliquer la loi dans notre pays ?

 

Autres questions. N’y aurait-il pas d’hommes et de femmes habilités à agir dans ce sens ? Pourquoi un Ministre de la Justice s’occuperait-il d’une affaire de tribunaux ?

N’outrepasserait-il pas ses prérogatives ? La loi n’a-t-elle pas défini les rôles et tâches de chacun et de tous ?

 

 

Bref, l’heure est aujourd’hui grave dans notre pays. Depuis des mois, la presse rapporte des indiscrétions du Ministre de la Justice, Me Mohamed Aly Bathily. Il n’y a jamais eu de démenti. Des interpellations et arrestations qualifiées par des avocats de politiques et arbitraires sont opérées. Un semblant combat contre l’impunité est mené. Silence radio cependant sur les affaires sulfureuses d’achat d’avion présidentiel, de fournitures militaires, etc. L’action publique a du mal à fonctionner. Et pourtant…

 

 

B.Koné

 

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