Certainement vouée à la disparition, rien ne pourra conjurer désormais le destin sordide ayant longtemps guetté l’Agence de Cessions Immobilières. A peine son Conseil d’administration terminé que le ministère de l’Economie et des Finances, gestionnaire exclusif des ressources de l’Etat, a réagi aux mesurâtes rocambolesques de ce conclave par un rejet catégorique du schéma de reconstitution de fonds propres de la société préconisé par le PDG Mamadou Tiéni Konaté. En vue d’alléger la dette colossale de 21 milliards qui étouffe l’ACI, il était question en effet, d’une reconversion de la créance de l’actionnaire principal, soit 10 milliards F CFA environ. Avalisée par les administrateurs avec toutes les réserves du représentant de l’Etat, ladite résolution a finalement buté contre l’avalanche de griefs retenus par l’Hotel des Finances dirigé par le PM Boubou Cissé. C’est donc sous la plume du chef du Gouvernement en personne que le gouvernement a fait savoir au PDG qu’il ne lui appartient pas de disposer des ressources de l’Etat au point de les reconvertir aussi arbitrairement. «La reconversion de la créance d’un actionnaire ne peut s’opérer qu’avec son consentement exprès à l’opération projetée», a noté le ministère de l’Economie et des Finances en mentionnant dans la même missive que le statut d’actionnaire principal ne dilue pas la créance de l’Etat ni ne confère aux instances statutaires de la société le droit d’en fixer l’usage et la destination. En d’autres termes, l’Etat malien oppose un niet catégorique au schéma mijoté par Mamadou Tiéni Konaté et dit se réserver le droit d’user de tous les moyens légaux pour faire échec à son projet, au nom de la préservation de ses intérêts.
Quoi qu’il en soit, le plan de sauvetage du PDG n’ayant pas l’assentiment du détenteur du cordon de la bourse, la tragédie de l’ACI se rapproche davantage de la fin dramatique sur laquelle le Commissaire aux comptes et le département de tutelle avaient tour à tour alerté, en prévenant notamment le directoire sur les conséquences plausibles du fossé abyssal qui sépare les fonds propres et le capital social de l’entreprise. En définitive, un dépôt de bilan se dessine inéluctablement et tout porte à croire qu’une administration provisoire supplantera le directoire actuel dans les jours à venir. Il nous revient de source bien introduite, au demeurant, que les activités seront d’ores et déjà sous la veilleuse en attendant la formalisation des mesures qu’impose l’impossibilité de tirer l’ACI la boîte du gouffre où il est plongé par l’incurie administrative et financière des deux dernières années.
Du coup, le dernier conseil d’Administration ne pouvait que retentir comme un chant du cygne chez les travailleurs désemparés. Tournant le pouce depuis l’arrivée de M. Konaté aux commandes, ils ont donné de la voix la semaine dernière par le truchement de leur comité syndical, pour exprimer leurs préoccupations sur le devenir de l’ACI auprès du PDG ainsi que de la section syndicale des Constructeurs civils qui les a répercutées à son tour sur la tutelle. Cette dernière, à en croire nos confidences, envisagerait d’examiner leurs doléances dans une semaine jour pour jour, dans le cadre d’une confrontation des employés avec Mamadou Tiéni Konaté. En attendant, le torrent des contentieux judiciaires a pris une ampleur spectaculaire, en milieu de semaine. En cause, le refus du PDG de répondre à une convocation du Tribunal de Grande Instance de la Commune V où un vicieux litige l’oppose à des bénéficiaires de parcelles expropriés sur la «Bande des 140 mètres de Sabalibougou», laquelle est l’objet par ailleurs d’une tout aussi vicieuse inspection domaniale activée par le département.
Il se rapporte que l’huissier chargé de lui remettre la convocation a été vigoureusement pris à partie et obligé de prendre ses jambes jusqu’au cou face à la furie d’un PDG dont l’attitude divise les magistrats de la Commune V. Nos sources indiquent, en effet, que le procureur -ramant a contre-courant du vent dominant d’égalité de tous devant la justice – s’oppose farouchement à la délivrance d’un mandat d’amener à son encontre, tandis que le juge estime qu’aucun citoyen ne saurait s’élever à u dessus et braver impunément l’autorité légitime. Il faut dire que le PDG Konaté fait exception à la règle pour l’heure, de même que ses énormes lacunes de gestionnaire paraissent couvertes par une supposée proximité avec le président de la République. En tout cas, nombre d’observateurs s’interrogent sur l’indifférence des hautes autorités au sort de l’ACI et n’y trouvent d’explication autre que leur onction trop complaisante à la mauvaise gestion qui enfonce chaque jour cette société. Tant de similitudes avec un système de synarchie où la proximité des pouvoirs magnifie l’incompétence et met à l’abri des ennuis judiciaires.
A KEÏTA