ACI 2000 : Le Projet a échoué

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Voulu pour être le plus important projet immobilier de l’époque, l’ACI 2000 continue d’être un calvaire pour les habitants de ce quartier, notamment en saison pluvieuse pendant laquelle ils sont obligés de subir les pires désagréments et incommodités. Le projet est loin d’avoir comblé toutes les attentes, et sur plusieurs plans.

Pensé, conçu et réalisé vers la fin de la décennie 1990 par Alpha Oumar Konaré et ses petits copains alors au pouvoir, le projet Hamdallaye ACI 2000 était censé, officiellement, faire de l’ancienne zone aéroportuaire de Bamako l’un des plus chics quartiers résidentiels de la sous-région. On passera volontiers sur les faits que cet ambitieux projet, dans sa gestion, a fait l’objet de nombreux scandales financiers ; que, pour son exécution, les autorités ont commis le plus grand crime contre la nature en faisant le deuil de l’un des principaux «poumons» naturels de la capitale malienne ; que, dans l’attribution des parcelles, les barons de l’Adema au pouvoir ont été les principaux bénéficiaires ; que, dans ses résultats, le projet n’a jamais généré tous les milliards escomptés.

Mais, il y a deux faits majeurs sur lesquels on ne passera pas, des faits qui, tous deux, violent les lois en matière d’urbanisation et d’assainissement. Premièrement : depuis sa réalisation, ACI 2000 constitue un véritable cauchemar lors de la saison des pluies. La viabilisation fait défaut, les canalisations (caniveaux) sont quasiment inexistantes. Ce qui fait qu’à la moindre petite pluie, «le quartier le plus résidentiel de Bamako» se transforme en bourbier marécageux. Au point que les usagers des voies goudronnées surpris par les précipitations en ces lieux calamiteux regrettent immédiatement pourquoi ils ne sont pas sortis en pirogue ou canoë plutôt qu’en véhicule, auto ou moto. Deuxièmement : la loi instruit formellement à tous les bénéficiaires de parcelle de la mettre en valeur dans un délai de trois ans, faute de quoi ladite parcelle est retirée et réattribuée à une autre personne. Ces dispositions légales sont connues de tous, notamment depuis que les autorités administratives et municipales ont procédé, un peu partout sur le territoire national, à des retraits massifs de parcelles non mises en valeur. Un peu partout, sauf dans «le quartier le plus résidentiel de Bamako» où des terrains sont restés en «friche», comme abandonnés ou sans propriétaire, depuis plus de dix ans. Aujourd’hui, on recense plusieurs centaines de parcelles de ce genre, qui, si la loi était respectée, aurait dû être retirées et réattribuées.

A qui appartiennent-elles ? Essentiellement à des barons de l’Adema. Le Maire du District, qui a coutume de retirer leurs lots à de pauvres hères aux «bras courts» parce que ceux-ci n’ont pas les moyens de construire ne serait-ce qu’une simple clôture, n’a jamais osé s’attaquer à ses frères politiques- normal, on se serre les coudes entre politicards-  qui se sont accaparés des meilleures parcelles du projet ACI, et qui n’ont jamais voulu construire dessus. Soit parce qu’ils préfèrent s’adonner à fond à la spéculation, attendant que les prix grimpent jusqu’au plafond ; soit parce que déchu du pouvoir depuis 2002, ils n’ont plus les moyens de les construire, ils ne peuvent plus exhiber les titres de propriété sous peine de parjure, eux qui, pour bénéficier de ces parcelles, ont attesté sur l’honneur qu’ils n’en possédaient pas d’autres dans le District de Bamako et alentours.

Pourtant, malgré ces incommodités dues aux intempéries, ajoutées au fait que les loyers pratiqués sont les plus élevés du District, «le quartier le plus résidentiel de Bamako», Hamdallaye ACI 2000, continue d’attirer les foules. L’administration générale, à travers de nombreux Ministères, services centraux et directions nationales ou générales, a jeté son dévolu sur ce quartier très insalubre. Le secteur privé n’est pas demeuré en reste avec des hôtels, des immeubles administratifs et commerciaux, des ONG, etc. Et le quartier ne cesse de se développer, voyant les immeubles sortir de terre comme des champignons et s’ériger à longueur de semaines. Certaines mauvaises langues affirment haut et fort que derrière chaque construction se cache un haut cadre de l’administration ou de l’armée, un député ou un maire. Des fonctionnaires et des élus dont les noms ne figurent nulle part, officiellement. A croire alors qu’ils ont trouvé de bonnes parades : des prête-noms, des sociétés écran. Est-ce à dire que ces noms que l’on lit très souvent sur les frontons de ces constructions (immeuble Biton, résidence Askia, complexe Firhoun, etc.) ne signifient rien ? Il faut le croire. Surtout lorsqu’on constate que plusieurs hauts fonctionnaires de l’Etat sont devenus prestataires de services privés. Et dire qu’Amadou Toumani Touré, ci-devant président de la République, aurait dit un jour qu’il craindrait que l’administration lui retire un terrain qu’il ne parvient pas à construire alors que le délai prescrit était largement dépassé. A d’autres ! Si le menu fretin en réchappe, il n’y a absolument aucune raison à ce que le gros croco s’inquiète. Et ce sera toujours autant de manques à gagner pour les caisses publiques.                              

Cheick TANDINA

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