Les événements ont donné raison à ceux qui pensaient que la privatisation de l’Huilerie cotonnière du Mali (Huicoma) n’aboutirait à rien de bon pour le pays. En plus des chefs de famille, qui sont aujourd’hui en chômage technique, une grande majorité des Maliens payent le prix fort à travers la hausse du prix de la viande, de l’huile… Au même moment, ceux qui ont bradé la société et leurs complices se la coulent douce.rn
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Malgré les déclarations du gouvernement, le prix de la viande n’est pas revenu à hauteur de souhait. Pis, c’est même une crise de viande que les consommateurs bamakois doivent affronter depuis quelques semaines. Sans compter que les ménagères doivent se résoudre aussi à payer le litre d’huile à 700, voire 750 F CFA. Une quantité qu’elles pouvaient obtenir à 500 F CFA il y peu de temps.
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Le célèbre « Koulikoro safinè » (le savon Huicoma) est presque hors de portée. Sans compter que la crise de la viande a aussi une incidence sur le marché de poisson. A entendre des ménagères, il y a des crises spontanées du poisson de mer dont le kilo serait passé de 500 à 800 F CFA. Le poisson (frais ou fumé) d’eau douce ? N’en parlons pas !
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Comment en est-on arrivé là ? C’est la question que nous posent souvent les consommateurs dépités par l’indifférence des autorités face à leur sort. Tout est parti du bradage de l’Huicoma. Sa privatisation, lancée sous la pression de la Banque mondiale le 6 décembre 2002, est aujourd’hui à la base du calvaire des Maliens.
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Après de longues négociations, l’Huilerie est devenue la propriété du Groupe Tomota le 16 mai 2005. C’était à l’issue d’un supposé appel d’offres lancé en septembre 2004 par le gouvernement à travers le ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières. Une vraie farce en réalité qui avait plutôt profité plus à certains cadres de l’Etat qu’au Trésor public.
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En effet, le Groupe Tomota n’avait déboursé que 9 milliards de F CFA pour battre la Société Ndiaye et Frères (SNF) et Dagris. Un vrai cadeau de la part du gouvernement qui, selon nos sources, avait déboursé près de 12 milliards pour la rénovation de la seule usine de Koutiala. Et Dieu sait que les actifs de l’Huicoma (voir encadré) étaient assez solides pour qu’elle ne soit bradée de cette façon scandaleuse.
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Et depuis, cette société n’est que l’ombre d’elle-même. Non content de l’avoir obtenue pour une bouchée, l”acquéreur s’est permis d’acheter le coton graine à bas prix pour l’exporter. Ce qui lui apporte certainement plus que de faire tourner des usines obtenues à bas prix.
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Comment peut-on mettre 9 milliards dans une société et la mettre en faillite ? En réalité, l’Huicoma a été achetée pour éliminer toute concurrence nationale. Il s’avère que l’exportation du coton graine, acheté à bas prix par les négociants, rapporte plus au groupe que la production des usines. Ainsi, le 17 juin 2007, 462 travailleurs étaient mis en chômage technique. Le 20 juin 2007, les travailleurs apprennent avec amertume la suppression de toutes les indemnités octroyées dans le cadre de l’accord d’établissement CMDT-Huicoma.
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Aujourd’hui, ce sont les travailleurs de l’usine de Koutiala qui sont en chômage technique à leur tour. Selon certains travailleurs, qui ont requis l’anonymat, cette situation n’a été officialisée que ces derniers jours sinon ils étaient déjà en chômage technique depuis des mois faute de matière première pour faire tourner les usines.
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L’impunité pour les fossoyeurs de notre économie
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Ainsi, on ne peut que faire l’amer constat que, deux ans seulement après la vente de 84,13 % des actions de l’Etat au Groupe Tomota, l’Huicoma est inexorablement à la faillite. Pouvait-on attendre mieux de la part d’un repreneur qui a obtenu le marché en violation flagrante du cahier des charges ? Ce document exigeait par exemple qu’il justifie une expérience dans l’industrie agro-alimentaire ou soit associé à une structure ayant cette expertise. Ce qui n’était pas le cas du Groupe Tomota contrairement à la SNF et à Dagris.
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Ce n’est un secret pour personne que l’Huicoma, comme d’autres unités industrielles avant elle, a été bradée à un opérateur qui n’était pas à la hauteur des attentes nationales. Et ce sont les consommateurs qui payent les pots cassés aujourd’hui. En effet, c’est la crise de l’aliment bétail qui a entraîné la hausse du prix de la viande et, par ricochet, celui du poisson. Sans compter les hausses enregistrées sur les prix du litre d’huile et du morceau de savon.
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La relance de la croissance économique est pourtant l’un des objectifs recherchés par la privatisation prônée par la Banque mondiale et le FMI. Incapables de relancer les unités qui leur ont été cédées, ils mettent aussi en péril le devenir de centaines de travailleurs et fragilisent des pans importants de notre économie nationale. Comme le Bénin vient de le faire avec un opérateur Télécom, le Mali doit revoir le contrat de cession de la plupart des sociétés privatisées ces dernières années.
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Si l’Etat a eu le courage de reprendre EDM à Saur International, il doit faire de même avec Huicoma. Mais, les coupables sont connus et sont encore à des postes de responsabilités dans ce pays. Le peuple ne réclame pas du sang, mais des têtes. Les têtes qui se sont enrichies aux dépens du Trésor public.
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Nous osons croire que les décideurs seront sensibles à la détresse des consommateurs et que les coupables vont répondre de leurs crimes. De toutes les façons, comme le disait récemment Moustapha Guitteye (dans une tribune dans la presse), il ne faut jamais oublier que « l’histoire des peuples est l’histoire de la lutte émancipatrice des travailleurs. Les vérités cachées de la privatisation de Huicoma apparaîtront au grand jour ». Alors s’exposeront au jugement de l’histoire aussi bien les prédateurs de l’Huilerie que ceux qui ont fermé les yeux sur les agissements.
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Moussa Bolly
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Un géant bradé
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Créée en 1979, Huicoma avait un capital social de 16,5 milliards de F CFA en 2005. Sa création répondait à l’ambition de valorisation de la graine de coton et de ses sous-produits ainsi que tout autre oléagineux par leur transformation et leur commercialisation. La société disposait de plusieurs actifs industriels au moment de sa cession.
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Mise en service en novembre 1981, l”usine de Koutiala est un complexe de production d”huile neutre alimentaire, d”aliment bétail et des tourteaux (aliments bétail). Elle a une capacité de trituration de 650 tonnes de graine de coton par jour. L”usine de Koulikoro, issue du rachat de la Sepom en septembre 1986, dispose d”une capacité de 500 tonnes par jour et d”équipement permettant de produire et de conditionner de l”huile raffinée de coton, des savons de ménage, des aliments bétail et de la crème de beauté, Karitéa. Obtenue du rachat de la Sepama en novembre 1995, l”usine de Kita a une capacité de 150 tonnes par jour et produit de l”huile neutre et des tourteaux gras.
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En plus de ces actifs, Huicoma avait racheté en 1994 l”usine de fûts de la Compagnie malienne de la navigation (Comanav) et possédait des cuves au Port de Dakar. Au moment de la privatisation, la société employait plus de 1100 agents. Et sa contribution aux recettes fiscales de l”Etat (impôt et taxes) s”est chiffrée entre 1997 à 2002 à 40 milliards de F CFA. Le déficit de la société qui était de l”ordre de 2 milliards en 2001 avait été comblé. Mieux, Huicoma affichait un résultat bénéficiaire de 275 millions de F CFA en 2002 pour un chiffre d”affaires de 27 milliards.
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Qu’est-ce qui pouvait justifier alors la privatisation d’une telle société ? Qu’est-ce qui a poussé l’Etat à céder une unité industrielle aussi importante à un repreneur qui n’avait aucune expérience dans ce domaine ? Tôt ou tard, le peuple aura la réponse à ces questions car les langues commencent à se délier.
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M. B.
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