Kandia Kouyaté est l’une des premières policières du Mali. Elle a été recrutée en 1964, à la suite d’un concours. L’information est qu’elle n’était pas venue ce jour pour l’examen, mais d’accompagner sa cousine qui en était une candidate. Ce jour, le destin va décider de son sort de façon banale. Comment ? La suite de cette histoire est passionnante. Comment elle a acquis le statut de première femme policière ? Comment elle s’est adaptée à l’uniforme au milieu des hommes ? Les difficultés rencontrées dans sa carrière ? Quel regard porte-elle sur la police aujourd’hui ? Pourquoi elle était tout le temps punie ? Ses bons et mauvais souvenirs ? Le major à la retraite nous a reçus à son domicile, à Kanadjiguila. Une zone située entre les quartiers populaires de Sébénikoro et d’Ouezzimbougou. Cela dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
Kandia Kouyaté vit dans une grande cour avec ses petits-enfants qui l’assistent dans son quotidien. Elle s’adonne à fond à la prière et se contente des programmes de la télévision pour se divertir. Pourquoi elle reste toujours dans son salon ? C’est pour vivre tranquille et éviter les animosités, répond-elle, parce qu’elle veut s’éloigner à tou prix des surprises désagréables.
En analysant les circonstances dans lesquelles Kandia a intégré la police nationale, l’on se rend compte que le destin de l’homme est plus fort que sa volonté. Et à juste titre ! Nous n’avons pas eu le temps de demander ses motivations pour l’uniforme. Est-ce un choix délibéré ou le fruit du destin ? Elle donne les réponses justes de nos questions, avant même qu’elles ne soient posées.
Elle a acquis le statut de première femme policière par le fait qu’elle a été en compagnie de trois autres, les premières dames de la corporation. Comment elle s’est adaptée à l’uniforme ? Kandia avoue que ce n’était pas sorcier. Dès le début de la formation, elle s’est adaptée. C’était pour elle une question de caractère où le complexe n’avait pas sa place. Cela ne saurait occulter les difficultés du centre d’instruction jusqu’à sa retraite. La raison ? Tout travail a ses difficultés. Surtout quand il s’agit d’une femme qui doit commander aux hommes.
Ce lien de subordination peut créer un complexe chez des hommes, qui pourraient ne pas hésiter à lui mettre les bâtons dans les roues, saboter le travail, polluer l’atmosphère. Mais Kandia dit avoir géré pratiquement tous les obstacles. Faut-il rappeler qu’elle a effectué sa formation militaire au Camp I de la gendarmerie. A l’époque, l’Ecole nationale de police n’était pas créée.
A sa sortie Kandia est affectée à la Compagnie routière. Femme battante, courageuse et assidue, son commandant de compagnie lui fit l’honneur d’une place dans l’escorte présidentielle.
Après les événements du 19 novembre 1968, Kandia est détachée à l’Office malien du tourisme. Sa mission consistait à assister les touristes pour leur faciliter l’accès à certains lieux touristiques, et leur déplacement dans le pays. Au risque de perdre les notions de la police, elle sollicita son retour dans l’administration de sa corporation pour servir au 3éme arrondissement, puis au 6éme Alpha.
Témoin de l’histoire de la police nationale
En 1992, elle obtient de sa hiérarchie l’autorisation d’ouvrir un foyer à l’Ecole nationale de police, dont elle deviendra la gérante attitrée jusqu’à sa retraite en 2000. Bien après la cessation de ses activités, elle continuait à s’occuper de ce joyau qu’elle a décidé de léguer à la nouvelle génération. Sa santé un peu dégradée ces derniers temps l’obligea à passer le témoin.
Dans sa retraite et en sa qualité doyenne féminine de la police, témoin de toutes les réformes de la police nationale, elle a un jugement très clair pour faire le parallèle entre la police d’hier et celle d’aujourd’hui.
Si la police aux premières heures de l’après-indépendance incarnait la discipline et toujours sanctionnée à la moindre faute, aujourd’hui les syndicats se dressent comme un seul pour demander l’amélioration des conditions de vie des policiers et défendre aussi chaque fois qu’ils estiment que les mesures prises à l’encontre de certains de leurs camarades sont injustes ou contraires au règlement de la police.
Cependant un fait marque Kandia Kouyaté. “Pour la première fois dans l’histoire de la police nationale, un agent du corps est immortalisé de son vivant. C’est l’honneur qui m’a été faite avec la promotion 2015 qui porte mon nom. Je n’oublierai jamais cette belle initiative des autorités de la police. De façon sincère, je profite de ces lignes pour les remercier une fois de plus. Il en est de même pour les trois femmes de ma promotion avec lesquelles nous avons donné le bon exemple. Nous en sommes d’ailleurs fières”.
A-t-elle aujourd’hui un regret ? Non répond notre héroïne de la semaine, parce qu’elle est convaincue d’avoir rempli son devoir depuis que la police nationale était militarisée jusqu’à son changement de statut. Est-ce à dire que tout a été rose durant sa carrière ? Donc pas de mauvais souvenirs ?
Bien sûre que Kandia les a vécus sous la forme de punitions incessantes. Car elle acceptait d’aller au charbon à la place de ses éléments. Raison pour laquelle son commissaire lui demandait tout le temps de faire son paquetage et apporter le billet d’écrou au commandant de la Compagnie para, où elle exécutait sa punition.
Malgré tout elle retient ses moments au 3e arrondissement comme les plus beaux souvenirs de sa carrière, ajoutée à cela son immortalisation à travers la promotion 2015 de la police.
Médaillée du Mérite national en 2002, selon elle grâce aux articles de presse de notre aîné Alexis Kalambry, Kandia Kouyaté est mariée et mère de quatre enfants, dont une fille qui est cadre de banque. Ces trois autres frères sont respectivement un douanier, un ébéniste et un policier.
Dans la vie, elle aime bien manger et se reposer. Elle déteste, les querelles et le dérangement.
O Roger
Tél (00223) 63 88 24 23
Voilà comment on rentre à la police ! cette histoire montre que la police a toujours été un lieu d’injustice d’arrangements, rien de sérieux. Cette dame devrait se cacher !
Fière de savoir que les pionnier(es) ne tombent pas dans l’oublie.
Kandia n’a jamais eu la grosse tête, nous sommes amies depuis un demi siècle, chaquefois qu’elle vient à Paris, elle me fait un petit coucou.
Ça fait plaisir.
Best.
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