La Lutte contre l’esclavage au Mali (2ème Partie)

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L’association Temedt (photo archives)

L’organisation anti-esclavage Temedt travaillait sur deux autre cas d’esclavage, dont une concerne une femme nommée Agaichatou à Ménaka. Selon Temedt, Agaichatou a fui avec ses deux enfants après avoir été donnée comme cadeau de mariage. Ils étaient sous la protection des membres de Temedt à Ménaka.

Un autre cas impliquait l’enlèvement d’un garçon de trois ans appelé Moumou ag Tamou qui a été arraché des mains de sa mère à Kidal, le 4 septembre 2007. La famille de Moumou et Temedt affirmèrent que le garçon a été enlevé par Hamed Lamine ag Alwafi, un Touareg vivant dans la région de Ménaka. L’oncle de Moumou informa les autorités de Kidal de l’enlèvement le 6 septembre 2007, mais il aurait été chargé par la police et les gendarmes de Kidal de mener sa propre enquête et de revenir uniquement lorsque de plus amples informations étaient disponibles. Ag Akeratane déclara que Temedt était convaincu que Moumou était une autre victime de l’esclavage dans le nord du Mali.

Bien que l’importance des noms soit moins importante aujourd’hui qu’il y a plusieurs décennies, le nom de Moumou signifie « esclave » en Daoussahak, un mélange de Tamachek et Songhrai parlé par les membres de la communauté Daoussahak. Le nom de la mère “Talkit” signifie “esclave” en Tamachek. Selon Ag Akeratane, Temedt hésitait à porter plainte dans le cas de Moumou en raison des conflits entre les rebelles Touaregs et le gouvernement malien. “Avec la rébellion, le gouvernement ne veut pas que nous parlions d’esclavage à Kidal”, déclara Ag Akeratane.

Les autorités judiciaires de Gao et de Ménaka ont montré peu d’intérêt pour les cas d’esclavage. Les accusations d’homicide portées contre ag Bakka à Ménaka, par exemple, ne pouvait être légalement géré que par une cour distincte à Mopti. Les fonctionnaires de Ménaka, cependant, n’avaient pas transmis les documents judiciaires pertinents à leurs collègues de Mopti. Ni Temedt ni l’ambassade américaine n’ont pu acquérir des détails sur le statut des cas à Ménaka et à Gao. Ag Akeratane se plaignit que les fonctionnaires de Ménaka prétendent toujours que le juge compétent était soit occupé, soit en dehors de la ville, soit en vacances. Temedt a également rencontré des problèmes pour convaincre les groupes locaux de défense des droits de l’homme d’apporter leur soutien aux victimes de l’esclavage. Ag Akeratane a déclaré que Temedt avait fait appel en vain à plusieurs ONG locales, dont l’Association malienne des droits de l’homme, pour obtenir une assistance juridique.

Le 29 juillet 2008, le 2ème  vice-président de l’Assemblée nationale, Assarid ag Imbarcaouane, déclara aux autorités américaines que les revendications de Temedt étaient “fausses” et que l’esclavage n’était pas un problème au Mali. Ag Imbarcaouane est un proéminent leader touareg de la région de Gao. Il admit que l’un des accusés d’esclavage, Erzaghi ag Bayes, était un relatif. Après que l’affaire ag Ogazide fut médiatisée, Ag Imbarcaouane téléphona à Bayes pour lui dire de libérer le fils d’Ogazide parce que, selon lui, le garçon ne valait plus la peine. Ag Imbarcaouane affirma que les Tamacheks noirs comme ag Ogazide n’étaient pas des esclaves parce qu’ils étaient libres de quitter leurs « maîtres » à tout moment. Il ajouta que les Tamacheks noirs avaient choisi de ne pas partir parce qu’ils ne pouvaient pas prendre soin d’eux-mêmes. Comme beaucoup de fonctionnaires maliens, Touaregs et non-Touaregs, ag Imbarcaouane maintint que l’esclavage était déjà illégal au Mali et qu’il n’y avait donc aucune raison de criminaliser la pratique. Il dit que Temedt essayait simplement de susciter des passions dans le nord pour des raisons politiques. Lorsque l’ambassade souligna que le meurtre bien qu’illégal, porte aussi des sanctions pénales en vertu de la loi, Ag Imbarcaouane déclara qu’il pensait que le Mali avait, en fait, adopté une loi en 1960 ou 1961 criminalisant l’esclavage.

Personne n’est plus conscient des sensibilités du problème de l’esclavage au Mali que l’ancien président de Temedt, Mohamed Ag Akeratane. Malgré l’hostilité évidente de certains Touaregs maliens vis-à-vis de Temedt, leurs points de vue sur la question de l’esclavage au Mali ne sont en réalité pas si éloignés. Les Touaregs comme ag Imbarcaouane et les dirigeants de Temedt comme ag Akeratane soulignent tous deux que l’esclavage au Mali n’a rien à voir avec la couleur de la peau ou l’origine ethnique. Malgré les étiquettes Tamachek “noirs” et “blancs” qui sont parfois utilisés pour différencier les membres de la communauté des Bellah des autres Touaregs, la lignée semble être le facteur principal qui sépare ceux appartenant aux castes d’esclaves de ceux considérés comme nobles.

Les dirigeants Touareg et ceux de Temedt dénoncent les perceptions selon lesquelles les Touaregs sont les principaux pratiquants de l’esclavage au Mali. Des pratiques similaires peuvent être trouvées au sein des groupes Peuhl, Songhrai, Arabe, Bambara et d’autres groupes dans le pays. Ag Imbarcaouane et Ag Akeratane conviennent également que de nombreuses victimes d’esclavage sont incapables de se débrouiller seules en raison d’un manque d’éducation, de la pauvreté et d’une peur profonde de l’inconnu.

Ag Akeratane nota, par exemple, que l’adoption d’une loi qui « libère » immédiatement les personnes victimes de l’esclavage pourrait entraîner de graves interruptions sociales, car ni Temedt, ni les communautés locales ni le gouvernement malien ne peuvent s’occuper de ceux qui dépendent actuellement des familles dont ils sont attachés, pour survivre.

Le malaise touareg à propos de la question de l’esclavage ne doit pas empêcher une discussion de la question. Convaincre le Mali de criminaliser l’esclavage, cependant, pourrait s’avérer difficile. Ceci est dû en partie à la sensibilité de tout problème impliquant les Touaregs. Cela s’explique également par le respect du consensus au Mali. Ce qui peut parfois ralentir l’adoption des lois sociales importantes (telles que les lois interdisant l’excision ou la criminalisation de l’esclavage) déjà promulguée par les pays voisins mais qui ne bénéficient pas de soutien national.

Amadou O. Wane

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